Dans la procédure en récupération de l’argent, la belle-mère malhonnête arguait que les bénéficiaires du compte en banque ne pouvaient pas se porter partie civile en France ni remettre la main sur le magot, parce que les fonds provenaient de la fraude fiscale. (Photo: Dexia)

Dans la procédure en récupération de l’argent, la belle-mère malhonnête arguait que les bénéficiaires du compte en banque ne pouvaient pas se porter partie civile en France ni remettre la main sur le magot, parce que les fonds provenaient de la fraude fiscale. (Photo: Dexia)

La chambre criminelle de la Cour de cassation française a rendu le 14 avril dernier un arrêt, qui, s’il ne dégage aucun principe juridique nouveau, jette une lumière crue sur le sort des comptes en banque non déclarés au Luxembourg après le décès de leurs titulaires.

On sait qu’un parcours du combattant peut attendre les héritiers de ces comptes devant l’attitude parfois récalcitrante des établissements financiers face à l’absence d’un registre central des comptes bancaires et en raison du secret professionnel, souvent invoqué pour faire obstacle. Mais parfois l’inverse se produit. C’est ainsi qu’une belle-mère a pu s’approprier avec une facilité déconcertante les économies que son mari décédé avait placées à la Dexia Bil (aujourd’hui Bil) au Luxembourg avec l’envoi d’un simple fax où elle avait falsifié les signatures de sa belle-fille et de son beau-fils.

Au-delà de l’anecdote croustillante, l’affaire posait la question de la recevabilité des parties civiles dans la procédure, la veuve affirmant que les enfants de son époux ne pouvaient pas demander réparation d’un préjudice fondé sur la disparition des sommes échappées à l’administration fiscale.

Le 11 juin 2014, la «belle-maman» fut condamnée par la Cour d’appel de Riom, près de Clermont-Ferrand, à deux ans de prison dont 18 mois avec sursis pour escroquerie, faux et usage de faux. La juridiction la condamna aussi à payer la somme de 1,878 million d’euros à titre de dommages et intérêts aux deux enfants de son mari. S’y ajouta un montant de 4.000 euros pour chacun en réparation de leur préjudice moral.

Au décès de son époux en 2005, la dame, qui a obtenu l’usufruit sur les biens (une maison en Espagne valorisée à 138.000 euros), s’empresse de prélever des fonds sur le compte courant sans informer la banque française de cette disparition. Elle adresse surtout un fax à la banque Dexia Bil, où elle sait que son mari avait un compte caché sur lequel il avait placé ses économies (1,878 million d’euros), pour demander le transfert des fonds vers un compte à la banque BBVA en Espagne et la clôture du compte.

Les opérations se feront les 6 décembre 2005 et 6 mars 2006. Elle n’a pas conservé l’original du document - et pour cause -, mais la copie du fax, exhumée par la banque luxembourgeoise à la demande de l’enquête, montra que ce retrait s’était fait moyennant l’imitation des signatures de sa belle-fille et de son beau-fils. D’ailleurs l’argent leur était exclusivement destiné. À la banque, la dame se fit passer pour la vraie mère, selon les souvenirs - vagues - de l'employé qui traita avec elle. Celle-ci avait d’ailleurs profité du congé du gestionnaire habituel pour effectuer la clôture du compte au Grand-Duché.

Pas de condition de moralité des parties civiles

Lorsque le pot aux roses est découvert et la veuve confondue, elle assure avoir fait un placement de 1,6 million dans des investissements immobiliers en Espagne (sans pouvoir le documenter), mais qu’elle n’a pas pu récupérer sa mise.

Dans sa défense devant les cours et tribunaux français, la belle-mère indélicate indiqua que la seule victime directe des faits reprochés était la banque, qui avait opéré un transfert sur la base de documents falsifiés. Elle arguait surtout qu’un préjudice résultant d’une situation illicite (la fraude fiscale) ne pouvait pas être indemnisé. «L’illégalité de ce compte ne leur permettait pas de prétendre à une quelconque indemnisation du fait de la perte des sommes qui y avaient été déposées», avançaient ses avocats.

La Cour de cassation française, en rejetant un a un les différents moyens du pourvoi, a rappelé que le code de procédure pénale ne prévoyait «aucune condition de moralité à la recevabilité d’une constitution de partie civile». Et justifié l’allocation, au profit des parties civiles, «de l’indemnité propre à réparer le préjudice» découlant de l’escroquerie.