Monsieur Mersch, dans quel état d’esprit vous trouvez-vous aujourd’hui alors que vous vous préparez à rejoindre la BCE à Francfort : soulagé que ce long feuilleton soit enfin terminé, ou bien agacé de tous ces mois perdus ?
« Ni l’un ni l’autre. Le travail journalier m’a tellement pris que ce que je faisais ici, à Luxembourg, rejoint assez largement ce que je vais faire de l’autre côté à Francfort. La seule différence, c’est que ces derniers temps, je me suis davantage rapproché du détail du travail de la BCE, ce qui m’a donné encore une charge supplémentaire. Mais cela a été une bonne couche de protection contre les effets extérieurs.
Vous n’avez jamais douté que cette nomination soit finalement définitivement annulée ?
« Je n’ai pas eu cette approche. Si cela n’avait pas dû se faire, je serais resté serein, puisque j’avais un mandat à la BCL, ici, à Luxembourg. La question ne s’est donc pas posée dans ces termes pour moi.
Comprenez-vous le fond des débats sur la parité qui ont retardé votre nomination ?
« Je ne souhaite pas m’exprimer sur des questions étrangères à mes compétences professionnelles… Mais je suis évidemment fermement ancré sur le terrain du traité dont je connais très bien les dispositions relatives à l’interdiction de toute discrimination qu’elle soit basée sur le sexe, la religion, la race ou la nationalité.
Pensez-vous que derrière ce prétexte de la parité se cachent d’autres raisons ?
« Encore une fois, tout cela dépasse ma compétence et relève de la sphère politique.
Vous avez dirigé la BCL depuis sa création le 1er janvier 1998. Quel bilan tirez-vous de ces quinze années passées à la tête de l’institution ?
« Je n’ai pas encore vraiment eu le temps de faire cet inventaire, car je suis encore trop pris par la gestion journalière, surtout en cette période de fin d’année. Cela étant, mon souci a toujours été de remplir le mandat qui m’a été donné : celui de mettre en place une banque centrale dans le respect d’un certain nombre de valeurs et de les suivre.
Je crois que la BCL a pu se positionner comme une valeur de référence, tant au niveau national qu’au niveau du cercle des banques centrales nationales.
Quelles seront vos responsabilités en tant que membre du conseil de la BCE ?
« Cela n’a pas encore été décidé. Ceci fera prochainement l’objet d’une discussion au sein du directoire.
La BCL n’a connu qu’un seul directeur général depuis 1998. Votre départ est donc loin d’être anodin…
« Il est bon que la BCL ne soit pas identifiée à une seule personne. La vie d’une telle institution ne commence réellement que lorsqu’elle connaît au moins un deuxième directeur général. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’on voit qu’elle existe vraiment.
J’avais d’ailleurs soumis au gouvernement un projet de changement de gouvernance, dans lequel il était prévu de limiter la fonction de directeur général à deux mandats maximum, étendus à 7 années chacun. Au final, je serai donc resté le temps que j’avais suggéré.
Quels seront les dossiers les plus chauds auxquels votre successeur aura à faire face ?
« Il y a un certain nombre de discussions en cours, comme celle de l’autorité macroprudentielle qui, selon une recommandation européenne, devrait avoir comme point de référence la Banque centrale, mais pour laquelle le gouvernement n’a toujours pas pris de décision.
Il y a aussi les promesses faites par le gouvernement au FMI et que la BCL est censée financer, ce qui implique une augmentation du capital. Et puis, la Banque a fortement grandi ces dernières années et sa gouvernance devrait être revue.
Quel sera le message que vous transmettrez à votre successeur, Gaston Reinesch, au moment de lui remettre les clés ?
« Continuer selon les principes que la Banque s’est toujours donnés, dont le plus précieux est celui de l’indépendance. »