La BCEE est le leader incontesté du marché du crédit immobilier au Luxembourg. (Photo: BCEE)

La BCEE est le leader incontesté du marché du crédit immobilier au Luxembourg. (Photo: BCEE)

La BCEE (Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat) va-t-elle rester longtemps parmi les dix banques les plus sûres du monde, comme dans le récent classement établi par le magazine Global Finance? Pas de doute possible au vu de l’excellente note de crédit accordée par les agences de notation (Aaa chez Moody’s et AA+ chez Standard & Poor’s) et de son actionnariat à 100% public.

Il reste que la Spuerkeess est désormais mêlée à la polémique du stade national de football, en raison de supposés liens privilégiés, directs ou indirects, entretenus avec Flavio Becca, le promoteur du projet de Livange.

Selon l’édition d’octobre du magazine Forum et un article intitulé «Too big to fail?», la CSSF (Commission de Surveillance du Secteur Financier) aurait adressé un avertissement à la banque d’Etat en raison d’une exposition excessive aux sociétés de l’homme d’affaires. Une mise en garde appelée «single exposure warning», qui a été confirmée par certaines sources puis démentie, et qui tendrait à prouver une certaine confusion entre les intérêts publics et ceux du secteur privé, s’il était avéré que les prêts accordés à l’homme d’affaire sont excessifs.

Démenti tardif

Dans un premier temps, la CSSF n'a pas souhaité commenter ni démentir l’existence de cette mise en garde. Changement d'attitude en toute fin de journée de jeudi : «Etant donné les rumeurs persistantes faisant état d’une mise en garde que la CSSF aurait envoyée à la BCEE en raison des crédits accordés aux sociétés de Monsieur Becca, la CSSF tient à démentir formellement l’existence d’une pareille mise en garde.»

L'autorité de contrôle rappelle avoir conduit à partir de 2009 une «étude approfondie» sur l’exposition des banques de la Place au secteur de l’immobilier, tant à l’immobilier résidentiel qu’à la promotion immobilière.

Or, on sait, d’une part, que la BCEE est le leader incontesté du secteur immobilier au Luxembourg et, d’autre part, que Flavio Becca, est l’un des principaux promoteurs immobiliers du pays.

Garanties solides?

«En ce qui concerne le financement de la promotion immobilière, il importe en particulier que les risques ne soient, en fin de compte, assumés pour l’essentiel que par les banques. Cela présuppose que les banques obtiennent des garanties solides (taux de prévente ou de pré-location couvrant les frais d’achèvement du gros oeuvre, garanties personnelles aisément réalisables), exigent une contribution personnelle adéquate du promoteur, encadrent au départ chaque projet d’un délai de mise en œuvre ferme (et rapproché) et, passé ce délai, provisionnent en particulier tous les intérêts courus non réglés qui, en aucun cas, ne peuvent être capitalisés ou réglés sur base d’un rallongement de crédit», avertit notamment l’autorité de contrôle dans son rapport annuel 2010.

L’établissement public, qui n’a pas répondu à notre appel, a-t-il pris toutes les précautions nécessaires vis-à vis des acteurs locaux? A-t-il obtenu toutes les garanties recommandées? A-t-il les reins assez solides pour supporter les éventuelles mauvaises affaires du businessman luxembourgeois?

La question a été évoquée ce mercredi lors du débat de trois heures organisé à la Chambre des députés et retransmis en direct sur Chamber TV. Pas moins de six ministres, dont Jean-Claude Juncker, faisaient face à trois commissions parlementaires à propos du stade de football et du centre commercial qui y est associé.

Pas de réponses satisfaisantes

Les représentants des partis de l’opposition, dont Claude Meisch du parti démocratique (qui à lui seul avait préparé 45 questions), n’ont pourtant guère obtenu de réponses satisfaisantes, à leurs yeux.

Dans une ambiance tendue et face à la déception des membres de l’opposition, le Premier ministre Jean-Claude Juncker s’est engagé à fournir «dans la mesure du possible» des réponses écrites à toutes les interrogations ouvertes.

C’est le Mouvement écologique qui avait mis le feu aux poudres la semaine dernière en révélant la présence de Jean-Claude Finck, directeur général de la BCEE, au conseil d’administration d’une société appartenant à Flavio Becca.

Interrogé dans la foulée par le député Eugène Berger à ce propos, ainsi qu’au sujet du processus de décision du stade national à Livange, le ministre des Finances Luc Frieden vient de répondre et de confirmer cette présence au conseil d’administration:

«Le directeur général de la BCEE siège au conseil d'administration du fonds d'investissement spécialisé mis sur pied par le promoteur en question en tant que représentant de sa banque. Cette présence résulte de la relation bancaire qu'entretient ce promoteur avec la BCEE et doit permettre à la banque de mieux suivre les investissements de son client.»

Le ministre n'intervient pas

Il ajoute: «Le processus décisionnel concernant le projet Livange est en cours. Le ministre des Finances n'a pas de compétence dans la procédure d'approbation. Dans ce contexte, il faut préciser que les relations bancaires d'un promoteur ne sont pas pertinentes dans le processus décisionnel. Le ministre des Finances n'intervient pas dans la gestion quotidienne de la BCEE et n'est pas consulté en matière de prêts accordés par la BCEE.»

De son côté, Jean-Claude Juncker a, lors de la séance parlementaire télévisée, jugé déplacé que son nom soit associé aux affaires de Flavio Becca. Le Premier ministre avait co-signé une lettre confidentielle datée d'avril 2009 qui semblait apporter un soutien prématuré à Livange, comme site d'accueil du stade national.

Voilà en tout cas une affaire qui tombe bien mal au moment même où l’Etat luxembourgeois doit participer à la reprise de Dexia BIL, en passe d’être vendue par sa maison mère franco-belge.

Rappelons qu’outre la BCEE, l’Etat luxembourgeois détient un tiers du capital de la BGL depuis octobre 2008, lorsque BNP Paribas avait pris le contrôle de la banque luxembourgeoise en lieu et place de Fortis.

L’implication de l’Etat luxembourgeois dans le secteur financier ne va-t-elle pas finir par devenir excessive?