Fabio De Masi a fait pression sur Juncker et devrait savoir bientôt ce que contient la page manquante du rapport Krecké sur la fraude fiscale. (Photo: YouTube)

Fabio De Masi a fait pression sur Juncker et devrait savoir bientôt ce que contient la page manquante du rapport Krecké sur la fraude fiscale. (Photo: YouTube)

Il a fallu un article du Spiegel, la pression de l’eurodéputé de Die Linke, Fabio De Masi, et la menace d’une nouvelle convocation devant la commission «taxe» du Parlement européen sur les rulings pour que le président de la Commission européenne et ancien Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker fasse un geste envers les eurodéputés.

Il s’est en effet engagé lundi à fournir aux membres de cette commission ad hoc, mise en place après les révélations des LuxLeaks, la copie de la page manquante du rapport que Jeannot Krecké, alors député du LSAP, avait rédigé en 1997 sur la fraude fiscale.

L’auteur du rapport avait admis fin 2014 l’existence de trois copies évoquant les activités du bureau 6 de l’administration fiscale et les risques que la fabrication des rulings pouvait faire peser sur la réputation du Luxembourg qui s’apprêtait à prendre la présidence de l’UE. Les passages sur les rulings avaient été expurgés de la version officielle du rapport et Krecké a reconnu avoir censuré cette page de sa propre initiative.

Jean-Claude Juncker avait reçu, il y a 18 ans, une des trois copies en édition limitée. Un autre exemplaire avait été remis au député LSAP Lucien Lux, alors chef de la fraction. Le troisième exemplaire avait été conservé par Jeannot Krecké. Heureusement parce que tant Juncker que Lux avaient égaré leur copie.

L’ancien ministre LSAP de l’Économie du gouvernement Juncker assure leur avoir transmis une nouvelle fois la version originale de son rapport, peu après que l’existence des deux versions eut été révélée par Paperjam.lu. Mais Krecké n’a pas voulu s’avancer sur la date précise de la remise du document, indiquant ne plus s’en souvenir avec précision.

Égaré deux fois

Juncker aurait toutefois à nouveau perdu le rapport, de sorte que Krecké a dû lui en communiquer une autre copie, avant l’audition du 17 septembre.

Or, Juncker, interrogé par Fabio De Masi, avait indiqué lors de cette audition ne pas avoir eu connaissance de la page manquante du rapport, alors que Jeannot Krecké assurait le lui avoir adressé à plusieurs reprises, d’abord en 1997, ensuite après les LuxLeaks puis une troisième fois la veille du passage devant les parlementaires européens.

Considérant qu’il n’avait pas dit toute la vérité, Fabio De Masi a écrit au chef de l’exécutif européen le 24 septembre pour lui demander des explications. Une pression qui a porté ses fruit puisque Jean-Claude Juncker lui a téléphoné dans l’après-midi de lundi, après s’être à nouveau entretenu avec son ancien ministre de l’Économie.

«Ils se sont parlé et Jean-Claude Juncker a promis de publier la page», fait savoir le porte-parole de Fabio De Masi. «Cela constitue un succès pour la commission et pour notre travail.» «Jean-Claude Juncker a reconnu avoir commis une erreur en n’ayant pas analysé le rapport avec la diligence nécessaire», ajoute-t-il.

Le président de la Commission n’a pour autant pas admis avoir dissimulé la vérité aux députés européens. Il n’aurait pas remarqué, a-t-il fait savoir au représentant de Die Linke, ou oublié la page alors qu’il l’avait pourtant reçue.

Jean-Claude Juncker s’est engagé à répondre à la lettre de Fabio De Masi mercredi ou jeudi. Le mystère de la page manquante du rapport Krecké devrait être levé dans les jours suivants.

Selon son auteur, il n’y aurait rien dans son contenu de «révolutionnaire».