Jean-Claude Juncker croit dans la capacité de combiner flexibilité et rigueur sur le chemin de la croissance économique. (Photo: DR)

Jean-Claude Juncker croit dans la capacité de combiner flexibilité et rigueur sur le chemin de la croissance économique. (Photo: DR)

Au travail. Depuis son élection le 15 juillet dernier à la tête de la Commission européenne dans la prolongation des résultats des élections du 25 mai, Jean-Claude Juncker ne ménage pas ses efforts pour entrer de plain-pied dans son rôle au 1er novembre prochain.

C’est en tout cas l’un des messages qu’il a voulu faire passer dans l’interview livrée au Quotidien daté de ce lundi 28 juillet. Avouant que la partie n’était pas gagnée d’avance au Parlement européen quant à sa nomination qui devait, comme le prévoient désormais les traités, recevoir l’aval de Strasbourg, Jean-Claude Juncker se consacre à présent à la composition de son équipe.

«J’ai vu tous les chefs d’État et de gouvernement et je commence à avoir une première impression du tableau des futurs commissaires», déclare-t-il à notre consœur Geneviève Montaigu. «Mais il me manque des femmes et le Parlement européen (…) a déjà fait savoir qu’un nombre trop bas de femmes ne passerait pas la rampe du Parlement européen.»

Gardien de ses prérogatives

Conscient qu’il devra respecter les équilibres géopolitique, de genre et partisans, Jean-Claude Juncker veut tout de même imprimer son autorité: «J’ai tout cela en tête tout en expliquant aux chefs d’État et de gouvernement que ce n’est pas eux qui désignent les portefeuilles, mais le président de la Commission, et que les portefeuilles ne sont pas attribués à des pays, mais à des personnes.»

Et d’ajouter qu’il ne présentera pas son casting avant le 30 août prochain, date à laquelle le Conseil réunissant les chefs d’État et de gouvernement doit siéger pour désigner, si l’agenda est respecté, le nom du futur chef de la diplomatie européenne et du successeur d’Herman Van Rompuy à la présidence du Conseil.

«J’ai expliqué calmement (au Conseil du 16 juillet, ndlr) que la Commission n’est pas une station de réparation pour les non-décisions du Conseil européen», martèle ainsi Jean-Claude Juncker. «Je tiens beaucoup à l’indépendance de la Commission, non seulement d’esprit, mais aussi de manœuvre.»

«Pas l’homme du passé»

L’ancien Premier ministre qui fut président de l’eurogroupe pendant sept ans profite de cette interview pour répondre à ses détracteurs qui le décrivent comme un «homme du passé».

«À mes yeux, l’expérience est un atout. Ceux qui me disent antibritannique, qui me décrivent comme un type qui veut laminer les nations au profit d’une Europe fédéraliste, sont des gens qui ne m’ont jamais écouté ni observé.»

Maintenant son ambition de débloquer 300 milliards d’investissements privés et publics sans pour autant ni aggraver le déficit ni augmenter la dette publique, Jean-Claude Juncker précise travailler sur ce plan avec le président de la Banque européenne d’investissement, Werner Hoyer avec lequel il se sent en phase.

«C’est de l’argent qui ira dans le secteur des télécoms, du numérique, des transports, des énergies renouvelables et dans le désenclavement de certaines régions industrielles. On parle beaucoup réindustrialisation, ce qui est une nécessité.»

«Créer un paquet impressionnant»

«Il y a du travail à faire», note Jean-Claude Juncker sur le terrain de la fiscalité, précisément pour faire payer les entreprises là où leur bénéfice est réalisé et non dans un pays tierce via des structurations à l’international.

Critiqué pour avoir été le Premier ministre d’un Luxembourg qui aurait pratiqué une fiscalité trop avantageuse par le passé, le désormais président de la Commission joue, ici aussi, la carte de l’expérience, quitte à dérouter certains observateurs.

«J’ai toujours été en faveur d’une concurrence fiscale raisonnable.» Et d’ajouter, en matière de fiscalité des entreprises: «Je voudrais que nous nous mettions d’accord sur le plus grand nombre possible d’éléments formant une assiette d’imposition commune pour éviter que de grands groupes fassent du papillonnage entre les différents pays en empruntant des routes fiscales divergentes.»

Nouvelles lunettes pour une nouvelle vision, cravate rappelant la présidence européenne luxembourgeoise de 2005 devant nos confrères, Jean-Claude Juncker est donc entré dans son costume européen et veut trouver sa place, entre un Conseil et un Parlement qui veulent affirmer la leur.

«Je crois savoir comment on peut créer une intersection vertueuse entre la stabilité et la flexibilité», résume Jean-Claude Juncker. «L’agenda numérique nous permettra d’apporter à l’économie une valeur ajoutée de 250 milliards d’euros. Parachever le marché intérieur nous apportera une autre valeur ajoutée de 250 milliards. Combinons ces chiffres aux montages financiers qui complèteront les ambitions d’investissement de l’Europe et on disposera d’un paquet qui reste, à mes yeux, impressionnant.»