«C’est un rôle d’influence plus qu’un rôle de pouvoir.» Laurent Vanderweyen (J.P. Morgan) (Photo: David Laurent/Wide)

«C’est un rôle d’influence plus qu’un rôle de pouvoir.» Laurent Vanderweyen (J.P. Morgan) (Photo: David Laurent/Wide)

Monsieur Vanderweyen, quels étaient les objectifs déclarés suite à votre nomination au poste de managing director?

«Il y avait d’abord un objectif déclaré de J.P. Morgan, eu égard au profil de certains de mes prédécesseurs, c’est-à-dire une volonté d’apporter une expertise locale. Cela fait 17 ans que je travaille sur le marché, je peux donc aider le groupe à continuer à se développer sur Luxembourg, à diversifier son portefeuille de clients et à assurer une solide croissance future.

Dans mes précédentes fonctions de managing director chez RBC Dexia, l’approche par rapport au marché luxembourgeois se différenciait légèrement, mais les fondamentaux restent similaires. La qualité du service presté, l’investissement dans les nouvelles technologies, les nouveaux produits pour être alignés avec les attentes de nos clients sont autant d’objectifs pris en compte, même si, je le répète, l’approche du marché local est un peu différente.

Où se situent, justement, ces différences?

«Nous réfléchissons à un positionnement qui consiste à adapter l’offre de services aux besoins de prospects qui ne sont pas nos partenaires historiques anglo-saxons. Nous souhaiterions nous débarrasser de cette image de ‘gros’ service provider exclusivement tourné vers ce type de client. Notre objectif principal reste de maintenir la satisfaction de notre clientèle actuelle. Nous visons a minima la rétention, mais notre objectif, à long terme, serait de connaître des taux de croissance en ligne avec ceux connus avant la crise. Mais ces objectifs sont souples, car les marchés ont changé et nos clients revoient eux aussi leur approche relative à la gestion des coûts. Il est possible que nous soyons de deux à trois points inférieurs en termes de croissance par rapport à ce qui a pu être généré avant la crise.

Les marchés dits historiques vont connaître des taux de croissance bien inférieurs à ceux des marchés émergents et plus précisément des ‘BRIC’. Le groupe désire assurer une présence suffisamment importante dans ces ‘nouvelles économies’ pour compenser le manque de croissance sur les marchés européens et nord-américains.

Quelle stratégie comptez-vous adopter pour y parvenir?

«Nous communiquons dorénavant sur ces marchés. Notre objectif aujourd’hui n’est pas d’apparaître sur toutes les ondes ni dans toutes les publications, mais je pense que J.P. Morgan souffre d’une perception erronée qui consiste à dire que nous sommes trop gros pour apporter la solution ou bien que nous sommes uniquement orientés vers les gestionnaires de fonds américains ou anglo-saxons.

Nous ne décrions pas ce fait-là, car nous sommes très heureux de servir ces clients, mais d’autres opportunités se présentent avec les acteurs des marchés européens qui, aujourd’hui, ne nous considèrent pas adaptés à leurs besoins.
Je crois que nous avons une belle histoire à écrire sur ce marché, car je considère J.P. Morgan à Luxembourg comme la belle endormie.
Nous bénéficions d’une marque extraordinaire aujourd’hui dans l’industrie financière, avec une infrastructure solide et nous offrons une gamme diversifiée de produits de qualité, nous pouvons donc être confiants quant à nos chances de développer notre activité sur Luxembourg.

Que vous apporte concrètement votre expérience du cru dans l’accomplissement de vos objectifs?

«D’abord, au niveau commercial, j’ai été dans ma carrière en contact avec de nombreux clients venant d’horizons multiples. Et je pense qu’apporter cette diversité par rapport à cette industrie est un plus, notamment pour attirer ces clients européens. Concernant le volet social, le marché luxembourgeois est un marché spécifique en termes de droit du travail. Il était important d’avoir quelqu’un qui comprenne les fondamentaux de cet environnement culturel et réglementaire pour adapter certaines pratiques spécifiques et pour assurer une gestion efficace des ressources humaines au sens large.
Je le répète souvent en interne: je pense que nous percevons trop souvent le Luxembourg comme un centre opérationnel, mais la Place est bien plus que cela. Nous travaillons sur notre positionnement pour attirer des clients sur ce marché, en améliorant notre visibilité. Il nous sera alors possible d’augmenter notre potentiel de croissance au Luxembourg.

Dans quelle mesure la crise a-t-elle affecté le Luxembourg et plus spécifiquement J.P. Morgan?

«La crise a affecté tous les acteurs dans le domaine financier. Elle a eu un impact sur le niveau d’activité de nos clients et donc sur nos activités propres. Ces derniers ont vu leur portefeuille se réduire, leurs actifs décroître et, automatiquement, à partir du moment où notre tarification charge des points de base sur les actifs en banque dépositaire, nos revenus vont chuter également. Néanmoins, J.P. Morgan, par sa structure, son approche conservatrice en termes de risque, a pu traverser cette crise de manière assez satisfaisante. L’entité a connu une évolution assez stable en termes d’effectifs, à l’exception d’une réduction en début de crise. Elle fut toutefois gérée en collaboration avec les représentants des salariés et a débouché sur une réduction somme toute assez limitée du personnel.

Quelles sont les tendances en termes de produits?

«L’alternatif sous couvert Ucits, communément appelé Newcits, constitue la vraie tendance des derniers mois. Alors, cela ne veut pas dire que le mainstream est mort. En termes d’actifs, on parle de 90% de ‘produits traditionnels’ et 10% d’alternatif. Dans ces derniers, nous retrouvons les hedge funds, les fonds de hedge funds, les fonds immobiliers et le private equity. Il y a encore un vecteur de croissance pour les produits standard qui vont venir de nouveaux pays. L’Amérique du Sud et l’Asie, bien entendu, sont évoquées, mais je crois qu’il y a encore un potentiel pour approcher les clients anglo-saxons qui aujourd’hui n’ont pas le produit Ucits comme partie intégrante de leur stratégie. Le produit Ucits a encore de beaux jours devant lui.

Et les nouvelles réglementations?

«Elles vont certainement jouer en la faveur du Luxembourg et de l’Irlande. Pour parler du Luxembourg, il dispose d’ores et déjà d’un environnement réglementaire qui est adapté à cette mouvance alternative. Quand les gestionnaires de produits alternatifs vont être confrontés à la question ‘où dois-je domicilier mes produits pour ne pas être trop impacté par la nouvelle réglementation?’, je pense que le Luxembourg figurera en tête de liste. Les prestataires de services, comme J.P. Morgan, ont développé depuis plusieurs années une infrastructure qui permet de servir ces produits alternatifs. Alors je ne dis pas que nous couvrons 100% des besoins nouveaux, mais nous travaillons pour combler les lacunes résiduelles sur certains produits de type private equity ou fonds immobiliers. Nous adaptons, comme les autres certainement, notre offre à ces nouvelles tendances.

Nous discutons beaucoup avec nos collègues prestataires de l’environnement au Luxembourg et de la réglementation accrue pour s’assurer de l’adéquation de nos modèles avec les nouvelles donnes des marchés financiers. Il faut prendre le temps d’implémenter et veiller à ne pas impacter de manière permanente la compétitivité du marché luxembourgeois qui passe par la rentabilité et la compétitivité de ses acteurs.

Quelles sont les spécificités de la fonction de managing director au sein d’un groupe international?

«D’abord, il faut faire preuve de flexibilité pour s’adapter aux structures organisationnelles en place au niveau de ces sociétés. Toutes les structures des prestataires de services ou des banques internationales sont différentes. Sans cette flexibilité, il est difficile d’évoluer au quotidien de manière sereine.
Alors, est-ce que ces structures sont adéquates? Oui, je pense qu’elles le sont. On ne peut pas laisser de l’autonomie à tous les responsables locaux de tous les pays du monde. Le groupe est très clair sur les stratégies, sur les lignes directrices formulées au niveau central et ensuite laisse l’autorité nécessaire à ces responsables pour adapter cette stratégie aux contraintes du marché.

Je me sens personnellement parfaitement à l’aise de travailler au sein d’une organisation fonctionnelle. Je connais mon rôle et mon mandat est clair. Il touche à des composantes du métier qui vont au-delà de la prestation de services. Je me dois d’être au fait des réglementations encadrant notre activité, d’en assurer le respect et d’être proche des problématiques des employés. Ce rôle touche à tous les éléments de la société, mais doit s’intégrer dans un schéma défini par l’organisation centrale. C’est un rôle d’influence plus qu’un rôle de pouvoir.»

 

CV - De RBC Dexia à J.P. Morgan

Laurent Vanderweyen vient tout juste de fêter ses 40 ans et laisse déjà derrière lui 17 ans de carrière dans les banques. Sa licence en poche, il intègre Dexia au département Comptabilité. Il passe ensuite par la banque privée puis s’installe dans les fonds d’investissement. Il progresse alors rapidement
et intègre le comité de direction de Dexia Fund Services. Il a 32 ans. A la création de RBC Dexia, à laquelle il a participé, il fait partie du Group
Executive Committee et déménage à Londres. En 2009, il devient managing director de RBC Dexia à Luxembourg, «job dont [il a] toujours rêvé». Puis il croise la route de J.P. Morgan…

J.P. Morgan Luxembourg - Dépôt et gestion de fonds

En 37 ans de présence à Luxembourg, J.P. Morgan est devenue le premier prestataire de services en termes d’actifs en banque dépositaire et d’actifs sous administration. «Nous avons dépassé le mois dernier 500 milliards de dollars (360 milliards d’euros, ndlr.) et 400 milliards de dollards (288 milliards d’euros, ndlr.) d’actifs en dépositaire et en administration.»
Le Luxembourg est un marché stratégique pour J.P. Morgan au niveau mondial. Il constitue «une base importante pour le soutien des clients qui cherchent une distribution internationale». J.P. Morgan compte aujourd’hui près de 600 employés. Deux tiers sont répartis dans le domaine opérationnel (administration de fonds, fund accounting et agent de transfert). Le tiers restant est affecté aux fonctions de support (RH, marketing, conformité au risque).