Manque de transparence, absence de débat et d’analyse, clientélisme, susceptibilités, inégalités de traitement… Jo Kox n’est pas tendre avec la politique culturelle telle qu’elle est menée au Luxembourg.
Travaillant depuis pas loin de 20 ans dans le domaine culturel au Luxembourg (il était parmi les premiers de l’équipe de l’année culturelle 1995), il est certainement un observateur aguerri et peut se permettre, du haut de sa position de président du Fonds culturel national, d’émettre critiques et conseils.
C’est précisément ce qu’il fait dans une interview réalisée par Bernard Thomas et Laurent Schmit pour le magazine Forum consacré, plus généralement à la culture politique et non seulement à la politique culturelle.
Apartheid
C’est une réflexion globale que Jo Kox a mené non seulement autour de la politique culturelle mais plus globalement sur le fonctionnement des institutions publiques. «On ne peut pas envisager de réforme de l’État sans passer par une réforme de la fonction publique», plaide-t-il quand on l’interroge sur le sens à donner à son intervention dans Forum. Il se défend de se positionner contre les fonctionnaires mais utilise cependant des mots très fort: «Notre pays est en train de devenir un apartheid entre les fonctionnaires nationaux et communaux d’un côté et le secteur privé de l’autre… En d’autres termes entre ceux qui votent et font partie du systèmes et ceux qui le subissent.»
Jo Kox détaille et analyse le fonctionnement du ministère de la Culture et l’incapacité chronique des ministres successifs à mettre en place une politique culturelle à long terme et pas seulement un catalogue de souhaits, revendications et espoirs. «Il n’existe aucun document officiel donnant une définition claire et nette de ce que devrait être la politique culturelle au Luxembourg.»
Cette absence de réflexion à long terme est à la fois la cause et la conséquence d’un manque flagrant de transparence dans l’attribution des aides et subsides. Si 185 associations, fondations, établissements publics… ont signé des conventions avec le ministère de la Culture, seuls les plus gros voient leur budget publié. Impossible de savoir selon quels critères précis, pour quels montants, pour quelle durée, avec quelles contraintes ou résultats attendus… Aucun des bénéficiaires ne jouant non plus carte sur table, jalousies et susceptibilités remontant à la surface.
Clientélisme et népotisme
Le manque de transparence est évidemment la porte ouverte au clientélisme et népotisme souvent dénoncé mais rarement combattu. «Je suis presque certain que si on examinait les subventions allouées par certains ministères en fonction des circonscriptions électorale, ce serait probablement celle dont est issu le ministre qui l’emporterait haut la main», assène ainsi Jo Kox.
Il regrette aussi de voir les différents instituts culturels connaître différents traitements. Non seulement les statuts juridiques ne sont pas les mêmes (asbl, fondation, établissement public, institut culturel…), mais encore les instances dirigeantes ne sont pas régies par les mêmes règles (durées des mandats, composition des CA), les missions ne sont pas définies de la même façon, les budgets ne sont pas alloués selon les mêmes critères… Il appelle de ses vœux la mise en place d’un modèle unique, calqué sur la «success story» de la Philharmonie: «Allouer une dotation financière à la hauteur de son rang, constituer une commission de recrutement pour les directeurs artistiques, attribuer les sièges au conseil d’administration en fonction des sensibilités culturelles et non politiques…»
Car l’homme ne se contente pas de critiquer; il propose aussi et jette un pavé dans la marre: «Je suis en faveur d’une privatisation partielle des instituts culturels.» Un seul statut juridique, celui d’établissement public, des administrateurs nommés pour une période définie, avec des missions précises, des employés privés plutôt que des fonctionnaires…
Concernant la transparence, c’est à lui-même, ou plutôt à l’institution qu’il dirige, le Fonds culturel national qu’il l’applique en premier. D’ici peu en effet, le site internet du Fonds publiera de manière détaillée les critères d’attribution des subsides (600.000 euros par an) et la liste des bénéficiaires. «Nous gérons de l’argent public, il est de notre devoir de mettre le public au courant de son affectation.» Un modèle à suivre…