Bertrand Christmann: «Un avocat n’est pas qu’un simple prestataire de services.» (Photo: Jessica Theis)

Bertrand Christmann: «Un avocat n’est pas qu’un simple prestataire de services.» (Photo: Jessica Theis)

Monsieur Christmann, en quoi la conférence du jeune barreau se différencie-t-elle du barreau traditionnel ?

«La conférence du jeune barreau de Luxembourg est une association qui regroupe tous les avocats ayant moins de 11 ans d’ancienneté au tableau de l’ordre. Elle n’a pas de pouvoir de sanction ou d’attribution disciplinaires, qui sont de la compétence du Conseil de l’ordre.

Nous avons trois principaux objectifs. Le premier est de promouvoir les intérêts de nos membres, plus particulièrement les jeunes confrères dans le cadre des sujets qui intéressent la profession. Le deuxième est d’entretenir et développer des échanges internationaux avec nos homologues étrangers. La position de Luxembourg en tant que capitale et centre financier international justifie le renforcement de ces rapports.

Enfin, nous souhaitons rapprocher dans un contexte convivial et confraternel les nouveaux entrants dans la profession. Il faut savoir que les membres de la conférence du jeune barreau sont environ 1.400, ce qui représente les deux tiers de l’ensemble du barreau, avec des profils de plus en plus variés et des horizons très diversifiés.

En tant que nouveau président, élu pour une année, quel est le programme que vous souhaitez mettre en place?

«Il est d’abord important de dire que l’action quotidienne du jeune barreau est régie par son comité, qui comprend 13 membres. Le jeune barreau a été créé en 1923. Il fêtera ses 90 ans l’année prochaine. Il y a donc une forte tradition à perpétrer et le président est le dépositaire de cette tradition auprès de ses pairs. Ce qui n’empêche pas d’avoir une volonté d’évolution et d’innovation. D’ailleurs, pour l’élection de ce jeudi, nous avons mis en place, pour nos 1.400 membres, un système inédit de vote en ligne par Internet, développé par la société Actimage.

Un des premiers points de mon programme sera d’œuvrer pour défendre les spécificités de la profession. J’y suis très attaché. Un avocat n’est pas qu’un simple prestataire de services. Nos rapports avec les clients nous imposent un certain nombre de règles particulières, notamment en matière de déontologie. Il nous faut davantage communiquer sur ces aspects-là et susciter une véritable prise de conscience. Nous allons organiser des formations continues, dans une approche très pratique.

Je souhaite également renforcer le rôle du jeune barreau comme interlocuteur privilégié de certaines entités qui concernent la profession et de faire en sorte qu’il soit plus systématiquement impliqué en amont des processus d’élaboration et de consultation de nouvelles législations ou normes. Nous avons souvent des avis et des positions qui sont très complémentaires de ceux du barreau.

Nous allons aussi travailler sur le renforcement des liens avec l’Université, en développant, notamment, une plate-forme dédiée aux stages.
Enfin, je souhaite développer nos échanges internationaux autour des axes privilégiés que sont la place de capitale financière du Luxembourg et notre histoire juridique.

Le fait que vous soyez le premier président non Luxembourgeois symbolise-t-il, quelque part, l’évolution naturelle de la profession?

«À mes yeux c'est anecdotique. Personnellement, je suis installé au Luxembourg depuis 14 ans. J’ai d’abord été chercheur au CRP Lippmann et, parallèlement, enseignant au Centre universitaire. J’ai ensuite rejoint le barreau en 2002. Au long de toutes ces années, j’ai pu apprécier une réelle ouverture d’esprit. Il y a vraiment de la place pour ceux qui sont prêts à s’impliquer, à donner du temps et de l’énergie, pour faire avancer des réflexions, projets, des causes.

Comment jugez-vous cette évolution en cours de la profession d’avocat?

«Nous sommes actuellement dans un environnement un peu chahuté, entre les institutions européennes qui souhaitent adapter la profession aux exigences de la libre circulation des biens et des services et les cabinets d’audit qui veulent créer leurs propres services juridiques.

Les avocats se voient souvent reprocher leur conservatisme, leur résistance au changement. Ce n’est pas justifié, car la profession a déjà très largement fait sa mutation ces dernières années, dans la façon de pratiquer le métier ou la nature des prestations fournies. Elle a montré qu’elle savait s’adapter.
D’aucuns voudraient que l’avocat devienne un prestataire de services comme les autres. C’est peut-être un bon résumé à court terme, mais cela supposerait de renoncer à des traditions historiques qui ont leur raison d’être et qui méritent d’être défendues.

La question que je souhaite soumettre à mes confrères jeunes avocats est de savoir s’ils veulent se projeter dans ce particularisme chargé d’histoire, ou bien s’ils estiment que la mutation est déjà faite et s’ils s’identifient déjà à un environnement uniformisé. Tout cela demande de la prudence et une réflexion approfondie.»