Bien sûr, la place financière se porte bien et égraine, au fil des mois, des résultats sans cesse en croissance, toujours meilleurs d'année en année. Ce n'est pas une raison pour s'en contenter et imaginer que tout va bien dans le meilleur des mondes. C'est, en substance, la teneur du discours tenu ce jeudi par Jean Fuchs, président de l'ALPP, inquiet de certaines dérives, notamment en matière de réglementation et de procédures administratives.
"Nous pensons que certaines de ces procédures sont exagérées. Cela ne concerne pas spécifiquement l'ouverture de comptes auprès de clients qu'il faut identifier, mais aussi le fonctionnement au quotidien, a-t-il expliqué. Les discours officiels parlent de la volonté d'aller de l'avant et d'accueillir les clients de la meilleure manière possible. Je vois et j'entends des exemples contraires au quotidien. J'ai vraiment le sentiment que l'on nous complique la vie pour des choses qui ne servent pas aux clients, ni à notre activité. Il faut débrider nos énergies".
Frieden: "Je suis prêt à abandonner certaines exigences"
Et de citer, pêle-mêle, quelques exemples, comme la "remarque" adressée par l'auditeur externe reprochant à sa société de ne pas respecter les procédures anti-blanchiment sous prétexte qu'elle n'a pas fait signer, à un installateur de fax ou d'antenne collective sur le toit de l'immeuble, une décharge stipulant qu'il respecterait le secret professionnel, ou bien la "menace" de la fermeture d'un compte pour la seule raison que la mention de la profession ne figure pas sur la fiche de renseignements.
"Nous perdons du business et nous décourageons un certain nombre de nos clients. Il est nécessaire de rénover et de dynamiser la place financière dans ce sens", prévient M. Fuchs, qui a eu l'occasion de faire part de ces revendications directement au ministre du Trésor et du Budget, Luc Frieden. Ce dernier a bien compris le message. "Oui, il peut arriver que nous exagérions dans certaines procédures. Mais est-ce qu'une grande place financière comme la nôtre doit exagérer un peu ou bien être plus laxiste au risque de laisser passer quelques scandales qui plairaient à certains journaux aux pages roses à Londres ou à Francfort?"
M. Frieden a alors proposé que les acteurs concernés, CSSF en tête, se retrouvent autour d'une table pour étudier le sujet à la lumière de ce qui se fait dans les autres places financières sérieuses, l'idée étant de ne pas faire moins que ces places concurrentes, mais sans non plus devoir forcément faire plus. "Nous avons peut-être exagéré certaines choses, mais c'était dans une tendance générale en Europe. J'espère que nous n'avons pas mal fait et qu'il est encore possible de revenir en arrière. Je ne veux surtout pas que l'on dise que nous ne faisons plus rien et je suis prêt à abandonner certaines exigences si cela s'avère nécessaire".
Une banque créée par les PSF ?
Soucieux d'éviter que la place financière devienne un îlot isolé de sur-réglementation, Jean Fuchs plaide également pour que la place financière ne marche pas que sur une seule jambe, celle des fonds d'investissement. "Si nous affichons 2.000 milliards d'euros de fonds administrés, mais que la banque dépositaire se trouve à Londres ou à Zurich et le gestionnaire à New York, qu'y gagnons-nous vraiment ?" s'interroge-t-il, persuadé que les deux piliers de la bonne santé de la place financière résident dans les fonds et, en même temps, dans les activités de private banking au sens large.
Or, à ses yeux, si les PSF sont, en matière de gestion de fortune, très proches de leurs clients et à leur écoute, ce n'est le cas que d'une dizaine de banques au maximum. D'où l'idée émise que les professionnels du secteur financier se regroupent pour créer... une banque! "Bon nombre de services bancaires des grands groupes ne sont pas bons. Autant les proposer nous-mêmes", justifie M. Fuchs.
Parmi les autres propositions d'avenir émises par l'ALPP, celle de la création d'un statut de gérant de fortune "light", qui permettrait aux professionnels de se concentrer sur les seuls volets commerciaux et gestion de patrimoine, tout en étant exempts des contraintes administratives confiées à d'autres.