Jean Asselborn: «L’Europe ne doit pas accepter qu’il y ait des générations perdues en son sein.» (Illustration: Anne Mélan)

Jean Asselborn: «L’Europe ne doit pas accepter qu’il y ait des générations perdues en son sein.» (Illustration: Anne Mélan)

Monsieur Asselborn, qu’est-ce que le Luxembourg peut et doit attendre de cette présidence du Conseil de l’Union européenne? 

«Même si le Luxembourg n’a pas déterminé l’agenda de la présidence, il y a néanmoins des sujets sur lesquels nous serons en mesure d’avoir de l’influence, en matière de développement ou de justice par exemple. Mais ces éléments formeront un tout.

Ce que je peux dire, c’est que nous sommes bien préparés et c’est du reste ce qui nous a été dit par le Parlement européen. Je constate d’ailleurs que même si pour la plupart des membres du gouvernement, cette présidence est une première (seuls Jean Asselborn et Nicolas Schmit étaient déjà en fonction en 2005, ndlr), tous montrent un grand intérêt et un grand enthousiasme.

Avez-vous le sentiment que l’on attend beaucoup du Luxembourg pour ces six prochains mois? 

«Nous sommes en effet attendus au tournant, et en particulier sur un point: nous avons la grande chance d’avoir une classe moyenne qui est un peu plus aisée qu’ailleurs, si nous disons que nous ne voulons pas uniquement un triple A pour les banques, mais aussi un triple A social, nous disposons d’une crédibilité beaucoup plus grande que si cela est proclamé par un pays qui a une physionomie sociale moins poussée que la nôtre.

Et puis nous savons aussi que nous sommes attendus sur tout ce qui touche à la transparence financière. Nous coopérons avec l’OCDE au niveau du projet Beps (Base Erosion and Profit Shifting) et avec l’UE pour tout ce qui concerne l’ouverture et la transparence sous la règle, évidemment, d’un level playing field pour tous.

Nous sommes attendus au tournant.

Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères et européennes

Le Luxembourg n’est pas un pays qui va autoriser les grands à passer avec le rouleau compresseur. C’est dans l’intérêt du Luxembourg, autant que dans l’intérêt de bien d’autres pays en Europe. Défendre les intérêts de tous les pays, cela revient à défendre la méthode communautaire.

En décembre prochain, qu’est-ce qui vous fera dire que la présidence luxembourgeoise aura été une réussite? 

«Je crois que le premier point sera de trouver une solution en matière de migration et de faire en sorte que les gens en Afrique n’aient plus besoin de voir la fuite vers l’Europe, dans les conditions que l’on sait, comme seule sortie de secours de leur misère et que, parallèlement, nous puissions trouver, nous en Europe, des solutions pour permettre à ceux qui viennent ici et qui bénéficient d’une protection internationale une nouvelle vie chez nous.

Ne pas assimiler le mot ‘réforme’ à ‘austérité’.

Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères et européennes

Ensuite, il est important de tout faire pour que l’Europe redevienne l’Europe, c’est-à-dire un projet de paix, mais aussi de paix sociale, qui puisse se stabiliser, avancer et trouver de nouvelles ressources et un nouveau dynamisme. Le plan Juncker de 315 milliards d’euros est un des éléments clés, mais il faut aussi compter avec la lutte générale contre le chômage. L’Europe ne doit pas accepter qu’il y ait des générations perdues en son sein.

Enfin, je souhaite qu’à l’issue de notre présidence, nous puissions parler sereinement de l’Europe. Lorsque je suis devenu ministre, il y a 11 ans, l’Europe représentait le progrès et constituait une perspective positive. Aujourd’hui, même en tant que ministre des Affaires européennes, il faut parfois trois ou quatre phrases pour réessayer de définir l’utilité et l’essence de l’Europe. Ceux qui sont contre l’union et l’intégration européennes ont bien sûr le droit de l’exprimer.

Mais ceux qui n’acceptent pas ce défaitisme, car pour moi il s’agit d’un défaitisme politique, doivent se bagarrer et s’engager pour rétablir cette conception positive de l’Europe. Mais il faut pour cela rétablir une paix sociale et surmonter cette crise qui dure depuis 2008. Et il est fondamental que cela ne se fasse pas en assimilant le mot ‘réforme’ à ‘austérité’.» 

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans l’édition de juillet-août de Paperjam1 à paraître ce jeudi 18 juin.