Présent depuis lundi à Davos, Xavier Bettel rentre ce jeudi soir au Luxembourg pour assister aux 100 ans de la Fedil. (Photo: Flickr / World Economic Forum)

Présent depuis lundi à Davos, Xavier Bettel rentre ce jeudi soir au Luxembourg pour assister aux 100 ans de la Fedil. (Photo: Flickr / World Economic Forum)

Vous êtes à Davos pour la quatrième fois cette année pour le WEF dont le thème principal est «créer un avenir partagé dans un monde fracturé». Quel rôle peut jouer le Luxembourg, pays parmi les plus riches au monde, dans ce contexte?

«Le but à Davos est d’avoir un échange. Et celui-ci ne s’est pas limité à celui du monde fracturé, il a aussi été question de développement durable, de digitalisation ou de répartition des richesses. Même si le chapeau général portait ce titre, nous avons abordé bon nombre d’autres sujets. Ce matin (jeudi, ndlr), j’ai eu un petit-déjeuner dont le thème principal portait sur l’intelligence artificielle et le rôle qu’elle jouera à l’avenir, que ce soit les conséquences pour le marché du travail ou la question des formations.

Ce thème d’un monde fracturé se retrouve pourtant au Grand-Duché, où les inégalités se creusent selon le dernier rapport de la Chambre des salariés

«Ce qui se passe au Luxembourg, c’est que la fourchette entre les salaires, c’est vrai, augmente. C’est pour ça que mon gouvernement a décidé d’aider de manière ciblée les gens qui en ont le plus besoin avec des aides. Que ce soit pour le logement, avec la gratuité des crèches, ou la réforme fiscale, pour éviter que les inégalités se creusent. Mais quand on sait que l’un des coûts qui augmentent fortement est celui du logement, il est important de poursuivre les efforts que nous faisons pour avoir des logements abordables, pour permettre aux jeunes familles notamment d’avoir un toit.

J’aime bien parler de contrats quand ils sont officiels et non de contacts que j’ai eus.

Xavier Bettel, Premier ministre

Comme l’an passé, vous allez vanter l’approche luxembourgeoise en matière d’exploitation des ressources spatiales, alors que le ministre des Finances va vanter les avantages de la Place. Quelles sont les retombées pour le pays que vous attendez de votre présence?

«Je ne viens pas ‘vanter’ l’approche luxembourgeoise, je viens présenter les avantages du Grand-Duché de Luxembourg. Ce n’est pas la même chose. Je vois la différence entre la situation d’il y a quatre ans et la situation comme elle est désormais, puisque nous sommes un pays qui ne figure sur aucune liste, qu’elle soit noire ou grise. Personne n’a honte. Nous sommes un pays reconnu pour ses compétences et c’était l’un des leitmotivs au cours de ces quatre dernières années.

Qu’en est-il au niveau de la concrétisation des contacts noués ou maintenus à Davos?

«Je peux vous dire que les rendez-vous que j’ai eus au cours de mes différentes participations au Forum de Davos ont abouti au fait que des entreprises sont venues s’installer ou se sont renforcées au Luxembourg. J’aime bien parler de contrats quand ils sont officiels et non de contacts que j’ai eus. Un parlementaire m’avait aussi demandé que je lui liste les contacts pris ici, mais tant que cela reste du domaine de l’informel, cela le restera. Dès que les choses deviendront plus concrètes, vous serez les premiers à en être informés. Ce qui est important, c’est que nous avons eu des discussions avec de nombreux chefs d’État ou de gouvernement européens et étrangers et bon nombre d’entreprises, à la manière de speed-dating politique et économique pendant trois jours.

S’il y a quelque chose à annoncer avec Jack Ma, je me ferai un plaisir de vous le dire.

Xavier Bettel, Premier ministre

Les discussions que vous avez menées ont abouti à la signature d’un accord avec Cisco sur la digitalisation du pays. Faut-il s’attendre à d’autres annonces dans les mois à venir à la suite de vos échanges avec les responsables de Google ou PayPal?

«Avec Cisco, nous avons signé un accord qui concerne quatre domaines importants, à savoir les fintech, l’éducation, la cyber sécurité et l’internet des choses. Nous avons donc la chance d’avoir de grandes entreprises qui ont envie de faire un partenariat avec le Grand-Duché de Luxembourg pour avancer sur certains sujets. J’ai vu pas mal d’entreprises avec lesquelles nous avons parlé de la 5G ou des opportunités du digital. Actuellement, nous échangeons sur le fait de savoir si la digitalisation est un danger ou une opportunité. En réalité, c’est un challenge qui deviendra un danger demain si nous ne sommes pas préparés aujourd’hui, donc c’est pour ça que nous avons des échanges soit avec des sociétés qui sont déjà implantées au Luxembourg ou des sociétés qui souhaitent s’y implanter.

Parmi les échanges les plus remarqués que vous avez eus, la rencontre avec Jack Ma, CEO du groupe Alibaba, suscite pas mal d’interrogations. Cela signifie-t-il que des avancées sont à attendre dans l’intégration d’une entité du groupe dans Infrachain ou l’arrivée d’UnionPay au Luxembourg?

«C’est tout à votre honneur d’insister, mais je peux uniquement vous dire que je l’ai effectivement rencontré, que nous avons dîné ensemble et que tout s’est bien passé. Nous avons eu une très bonne discussion en raison d’une relation qui a été construite au fil des années. S’il y a quelque chose à annoncer avec Jack Ma, je me ferai un plaisir de vous le dire…

Le respect et la compétitivité doivent exister.

Xavier Bettel, Premier ministre

Pour revenir sur l’accord signé avec Cisco, ce type d’alliance est-il le modèle que vous souhaitez voir se multiplier au cours des prochaines années?

«Absolument. La coopération avec Cisco n’est pas une coopération unique. Nous sommes ouverts à tout partenariat qui permettra d’avancer dans les différents dossiers. Hier (mercredi 24 janvier, ndlr), j’ai eu la chance de parler avec le patron d’un grand groupe international aux côtés du patron de Cisco et tous les deux étaient conscients que le Luxembourg était vraiment l’endroit pour travailler ensemble avec un gouvernement ouvert aux initiatives et prêt à relever les challenges. Ce serait terrible si nous devions être figurants dans le dossier de la digitalisation, nous devons être acteurs. Je pense même qu’en ce moment, nous sommes plus loin, car nous participons au tournage du film. On ne fait pas de figuration ni de maquillage.

Donald Trump, qui s’exprimera vendredi, a déjà annoncé qu’il venait à Davos pour ramener des investissements aux États-Unis. Même démarche pour Emmanuel Macron côté français. Cela signifie donc que la concurrence internationale s’intensifie…

«Si maintenant c’est ‘America first’, ‘France first’ ou ‘Luxembourg first’, ça ne sert à rien. Le but reste avant tout l’échange. C’est aux investisseurs et aux entreprises de faire leur choix, mais je ne veux pas que l’on rentre dans un dumping fiscal pour être plus attractifs les uns par rapport aux autres, mais que ce soient les compétences qui comptent et non la volonté de priver les uns ou les autres de tel ou tel marché. Le respect et la compétitivité doivent exister et ce n’est pas en créant des barrières ou en limitant les échanges qu’on y arrivera. Et quand on vous parle d’un monde divisé, c’est vrai que sur le plan politique, au lieu de vouloir se rapprocher des uns des autres, on a des conflits. Demain, le président Trump fera un discours, j’espère qu’il va nous réserver une surprise comme l’année dernière avec le président chinois qui était celui qui a promu le libre-échange. On ne sait jamais, Davos peut être le lieu de bien des surprises…»