Lorsque Peter Vandekerckhove évoque la crise financière de 2008, celui-ci déclare: «Cette crise m’a fortement marqué [...] Nous étions donc cinq ou six responsables à devoir rétablir la situation. Ça a été très dur, je ne veux plus revivre cela.» (Photo: Romain Gamba)

Lorsque Peter Vandekerckhove évoque la crise financière de 2008, celui-ci déclare: «Cette crise m’a fortement marqué [...] Nous étions donc cinq ou six responsables à devoir rétablir la situation. Ça a été très dur, je ne veux plus revivre cela.» (Photo: Romain Gamba)

Monsieur Vandekerckhove, vous êtes au Luxembourg depuis quelques mois, quelles sont vos premières impressions?

«Je dois dire que c’est une ville très agréable. La capitale a bien évolué au cours des 10 ou 15 dernières années. C’est vraiment une cité moderne. En plus, les gens y sont accueillants. C’est un environnement que j’apprécie. C’est vrai qu’au niveau des relations professionnelles, les gens sont plus réservés. Ce n’est ni la culture belge, ni la française, pas l’allemande non plus, c’est un mix de tout cela. Donc, je m’amuse bien.

Et vos impressions sur vos nouvelles fonctions?

«Il s’agit toujours d’une fonction dans le secteur financier dans lequel je navigue depuis de nombreuses années. Le secteur de la banque privée, que je connais bien également, est en pleine transformation, mais c’était aussi le cas dans mon travail précédent. Ce nouveau poste est donc en continuité avec ce que je faisais auparavant, mais il est aussi très différent. KBL epb est une plus petite société. Elle est moins internationale, mais est à la fois bien implantée au Luxembourg et dans quatre autres marchés étrangers, avec également une présence en Espagne. C’est une spécificité que l’on retrouve peu sur ce marché. Des banques locales également présentes à l’étranger, à part la Bil et nous, je n’en vois pas. C’est un modèle totalement différent d’une banque allemande qui dispose d’un bureau ici, ça rend le job très intéressant.

C’est donc quand même assez différent de vos anciens postes…

«Oui, ne serait-ce que parce que les collaborateurs sont nettement moins nombreux, il faut envisager une autre manière de travailler avec les gens, de créer des compétences. Le regard sur le client est également différent. Auparavant, j’étais autant actif dans le retail que le ‘corporate’, alors qu’ici, je suis concentré sur le client en banque privée.

J’avais envie de pouvoir faire quelque chose de différent, une activité plus entrepreneuriale.

Peter Vandekerckhove, goup CEO de KBL epb

Quels sont les éléments qui ont motivé votre choix?

«J’étais très content chez BNP Paribas Fortis, nous nous sommes d’ailleurs quittés dans les meilleurs termes, mais j’avais 58 ans et je me disais depuis quelque temps que si une opportunité intéressante se présentait, je serais prêt à la saisir. J’avais envie de pouvoir faire quelque chose de différent, une activité plus entrepreneuriale. Et cette opportunité est venue. Mais si ça n’avait pas été le cas, ça n’aurait pas été un problème, je serais resté dans mes précédentes fonctions. Il ne s’agissait pas d’un besoin existentiel, j’ai simplement pensé que ce serait sans doute le dernier nouvel emploi dans ma carrière.

Concrètement, comment votre recrutement s’est-il passé? Vous connaissiez déjà George Nasra, le CEO de l’actionnaire Precision Capital?

«Oui, je le connaissais, mais je n’avais plus été en contact avec lui depuis deux ans. Lorsqu’il m’a contacté, j’avais cette idée de changement qui me trottait dans la tête, ça s’est donc fait assez naturellement. J’étais prêt pour ce nouveau challenge.

Vous recentrer sur la banque privée, ça vous convient bien?

«Oui, je vois déjà beaucoup de clients au Luxembourg et à l’étranger, c’est un aspect du métier qui me plaît beaucoup. Je rencontre des clients toutes les semaines, j’ai toujours fait cela.

Comment définissez-vous votre style de management?

«Je pense être quelqu’un d’assez direct, accessible, mais qui n’a pas beaucoup de patience. Je suis très orienté client, je suis convaincu que rien ne peut se faire sans lui. Mais j’attache aussi beaucoup d’importance aux collaborateurs, j’aime être à leur contact. Pour être un bon manager, il faut faire preuve de caractère, être orienté vers le client, se montrer clair dans sa stratégie et la communiquer en permanence. Il faut que les décisions soient claires pour tout le monde. Il est important de communiquer, d’expliquer. Il faut encore se montrer agile, décider rapidement. Mais j’aime aussi innover, il faut que les choses bougent rapidement. Enfin, même si je n’en donne pas toujours l’impression, j’écoute beaucoup et j’utilise les idées des autres. Je ne peux pas tout inventer tout seul. Voilà, que dire de plus? Ah oui: je n’aime pas perdre!

Vous êtes aussi quelqu’un qui est parti de la base, qui a gravi les échelons sans passer par la case université. Est-ce qu’à notre époque, vous seriez vous-même encore prêt à recruter des gens qui ont ce type de profil?

«Oui, tout de suite! Je n’ai jamais demandé son diplôme à quelqu’un. Je n’ai aucune idée de ce que mes collaborateurs ont étudié. Ça ne m’intéresse pas. Ce que je veux, ce sont des gens qui affichent du caractère, de la passion pour ce qu’ils font.

Vous affichez un parcours qui est loin d’être banal puisque vous avez quasiment démarré comme journaliste…

«En fait, j’ai démarré auprès de la banque Ippa comme secrétaire, puis je suis passé chez un agent de change bruxellois. J’étais, à l’époque, beaucoup impliqué dans l’analyse. J’ai pas mal pratiqué l’analyse technique et l’analyse fondamentale. À partir de là, j’ai donc effectivement commencé à écrire. J’ai démarré dans le magazine économique ‘Trends’ (édition en néerlandais, ndlr) grâce à un journaliste qui m’avait repéré lors de différentes présentations. En 1987, j’ai été engagé pour le quotidien économique De Tijd’, où j’ai notamment pris la direction de la lettre ‘L’investisseur’/ ‘De Belegger’. J’ai fait ça pendant cinq ans, puis, comme récemment, j’ai ressenti un besoin de changement.

Et ça s’est fait…?

«Oui, à peine quelques semaines plus tard, j’ai été contacté par les responsables de la banque néerlandaise Pierson, Heldring & Pierson qui m’avaient repéré et m’ont demandé de lancer la banque sur le marché belge. Mais j’étais là depuis moins d’un mois quand ils ont fusionné avec un autre acteur pour créer MeesPierson, que j’ai donc développé sur la Belgique. En 1996, à la demande du président de la banque, j’ai rejoint le comité de direction et je suis parti vivre aux Pays-Bas, où j’ai intégré le département Asset management. Quelques mois plus tard encore, ABN Amro nous a vendus à Fortis et, de mon côté, j’ai commencé à m’occuper de banque privée tout en restant dans le comité de direction de MeesPierson. Au gré des fusions au sein du groupe Fortis, j’ai dû créer le pôle de banque privée en intégrant les divisions de la Générale de Banque dans 23 pays. Enfin, après avoir fait le tour du métier de banquier privé, on m’a confié l’activité Retail de Fortis. Ce que j’ai assuré de 2004 à fin 2017.

Pour moi, il y a un avant et un après-crise bancaire.

Peter Vandekerckhove, group CEO de KBL epb

C’est aussi au cours de cette époque qu’est arrivée la grande crise financière qui a fortement secoué Fortis…

«Oui, lorsque la crise s’est produite, à l’automne 2008, je faisais partie du comité de direction de Fortis.

Comment avez-vous vécu ces années de crise bancaire? 

«Pour moi, il y a un avant et un après-crise bancaire. Ce sera comme cela pour toute ma vie. Cette crise m’a fortement marqué. Nous devions sauver la banque, mais tout le monde était parti au niveau du conseil de direction. Nous étions donc cinq ou six responsables à devoir rétablir la situation. Ça a été très dur, je ne veux plus revivre cela. Nous sommes parvenus à stabiliser l’activité, les emplois, mais j’ai subi des dégâts au niveau des relations, des amitiés. Il fallait toujours avancer, même si chaque fois qu’on ouvrait une porte, on découvrait une nouvelle tuile. Au final, nous avons eu beaucoup de chance de tomber sur BNP Paribas.

Étiez-vous partisan de la reprise par le groupe français?

«Oui, j’étais dans le camp des gens qui étaient favorables à une vente à BNP Paribas. Nous avons pu faire ce deal qui, à mon avis, était le meilleur possible pour le groupe. C’est d’ailleurs la meilleure fusion que j’ai jamais réalisée.

À l’époque, cet accord a pourtant été pas mal critiqué.

«Oui, mais malgré tout ce qui a été dit, je maintiens que signer le rachat de Fortis à cette époque, il fallait oser. La vente a été réalisée le 6 mars 2009. Il faut se souvenir de l’état des bourses et du monde le jour de cette signature.

À la suite de cette crise, les banquiers ont été particulièrement visés. Beaucoup de citoyens se sont révoltés contre le fait de devoir payer par leurs impôts les erreurs des banques. Comment réagissez-vous à ces accusations ?

«Je les comprends. Je dis d’ailleurs toujours qu’il s’agit d’un métier uniquement basé sur la confiance. Et pour pouvoir obtenir cette confiance des gens, il faut démontrer son sérieux. Il faut être transparent, honnête dans la relation avec le client. Si l’on se comporte de cette manière, les gens sauront à nouveau se montrer confiants.»

Retrouvez ici la seconde et dernière partie de cette interview.