Marie Louise Ashworth: «J’ai moi-même un mentor, elle me permet de me poser les bonnes questions, sans avoir la même carrière.» (Photo: Patricia Pitsch)

Marie Louise Ashworth: «J’ai moi-même un mentor, elle me permet de me poser les bonnes questions, sans avoir la même carrière.» (Photo: Patricia Pitsch)

Marie Louise Ashworth a une longue expérience du secteur du tourisme, après plus de 20 ans à gérer des hôtels en France. Entrepreneuse passionnée, elle a rejoint en arrivant au Luxembourg The Network, dont elle est devenue la présidente en février cette année, pour aider les femmes à créer leur propre réseau et ainsi s’entraider dans leur carrière.

Madame Ashworth, vous avez monté votre première société à 25 ans en France, vous aviez votre propre hôtel à 40 ans: quels ont été vos obstacles?

«Ce n’a pas été facile: imaginez une jeune femme de 25 ans, étrangère, qui essaie de créer quelque chose pour le tourisme. J’avais besoin de relever des défis et j’étais passionnée. Même si le secteur du tourisme est dominé par des hommes, ce n’est pas toujours facile d’être la seule femme à une réunion. La diversité a encore du mal à faire son chemin. C’est comme si les hommes faisaient partie d’un club très fermé, ils s’entraident, et les femmes doivent gagner le respect de ce monde fait par et pour les hommes.

C’est ce qui explique le peu de femmes à des postes à responsabilité?

«Les femmes ont toujours peur, elles n’osent pas poser de questions, elles ne s’assoient pas à leur table alors qu’elles doivent s’inviter et prendre part aux discussions.

Pourtant, nous représentons un potentiel énorme, notamment en accompagnant celles qui reviennent sur le marché du travail après s’être occupées de leurs enfants. Elles sont souvent pénalisées alors qu’elles reviennent travailler. Mais d’emblée, les femmes s’empêchent d’évoluer dans leur carrière à cause de leur famille.

Le secteur du tourisme est encore plus difficile pour les femmes?

«J’ai fait le choix de ne pas avoir d’enfants, car je ne pouvais pas allier les deux. Quand on tient un hôtel, on est au service de ses clients quasi en permanence, je n’aurais pas pu m’en occuper correctement.

Quand j’ai vendu mon hôtel, je suis redevenue employée d’un resort. J’ai eu affaire à un supérieur qui n’acceptait pas que j’aie plus d’expérience que lui et que j’apporte des solutions alors que j’étais plus jeune. Il ne le supportait pas et m’a rendu la vie très difficile alors que je connaissais très bien mon métier.

J’ai réalisé que mes compétences et mon expérience étaient transférables.

Marie Louise Ashworth, présidente du réseau The Network

Une fois au Luxembourg, vous avez complètement changé de secteur. Comment s’est opéré ce changement radical?

«Après plus de 20 ans dans le tourisme, j’avais besoin de changer complètement. Je tournais un peu en rond, j’avais besoin d’un environnement plus stimulant. Au Luxembourg, on m’a proposé un poste dans l’industrie des fonds, comme secrétaire corporate ainsi qu’aux ressources humaines. J’ai réalisé que mes compétences et mon expérience étaient transférables, même dans une industrie complètement différente a priori.

Dans quelles circonstances avez-vous créé The Network?

«Il y a 25 ans au Luxembourg, il n’y avait rien de spécifique pour les femmes. Or, beaucoup de femmes venaient au Grand-Duché pour suivre leur mari, sans connaître les possibilités qui allaient s’offrir à elles. On avait donc besoin d’un réseau par et pour les femmes, pour échanger sur nos carrières, s’encourager et s’émanciper.

Nous avons dès le départ choisi de nous axer sur le développement personnel et professionnel, surtout en expliquant comment réseauter. C’est quelque chose qui a longtemps pêché chez les femmes, je pense que l’existence de ces zones de parole et d’échange pour les femmes est très importante. Les hommes ont pris beaucoup d’avance sur nous dans le domaine.

Vous avez aussi des programmes de mentoring?

«Oui, bien sûr, que ce soit le mentorat ou le sponsoring, cela permet de passer son savoir et son expérience.

J’ai moi-même un mentor, elle me permet de me poser les bonnes questions, sans avoir la même carrière. Je suis moi-même mentor, c’est très important.

On ne peut plus dire qu’on ne trouve pas de femmes, nous sommes là.

Marie Louise Ashworth, présidente du réseau The Network

Que pensez-vous des quotas de femmes qui sont imposés dans les conseils d’administration?

«Tout le monde devrait pouvoir obtenir un poste de par son mérite. Il faudrait plutôt rendre les hommes attentifs à cette problématique afin qu’ils la prennent à bras-le-corps.

Le ‘Female Board Pool’ de l’Institut luxembourgeois des administrateurs (ILA), qui permet aux femmes de s’inscrire sur un registre pour se rendre disponibles et devenir administratrices indépendantes, est une bonne chose. Cela permet aux femmes de leur ouvrir une porte et de montrer qu’elles sont là et disponibles, on ne peut plus dire qu’on ne trouve pas de femmes, nous sommes là.

Nous avons également mis en place une campagne intitulée ‘Daddy, help’, qui illustre la façon dont certaines femmes sont traitées sur leur lieu de travail. Nous voulons interpeller les hommes en leur disant: ‘Et si c’était votre sœur, votre fille ou votre femme?’

Quels conseils donnez-vous aux femmes?

«Visez haut, ayez confiance en vous, n’ayez pas peur de prendre des risques et surtout, levez la main pour prendre la parole.»

Les trois dates-clés du CV de Marie Louise Ashworth:

Octobre 1993 – Crée une entreprise familiale en Normandie (âgée de 25 ans)
Mai 2007 – Achète un hôtel-chalet-restaurant en Haute-Savoie (âgée de 39 ans)
Mai 2015 – Déménage à Luxembourg pour un changement radical de carrière (âgée de 47 ans)
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