Josy Gloden au cœur de son vignoble de Bech-Kleinmacher. (Photo: Edouard Olszewski)

Josy Gloden au cœur de son vignoble de Bech-Kleinmacher. (Photo: Edouard Olszewski)

Grand air

Votre devise en matière d’argent?

«'La santé avant la richesse.' Pour moi, la santé est la plus grande des valeurs. On peut aimer vivre confortablement, mais si on n’est pas en forme physiquement, on n’en profitera pas. Dans notre travail, essentiellement manuel et au grand air, c’est vraiment l’atout le plus précieux.

Votre travail dépend en grande partie du climat. Peut-on quand même planifier ses rentrées?

«Difficilement, nous dépendons toujours de la nature. Je suis incapable actuellement de vous dire comment sera le millésime 2018. Pour l’instant, les choses s’annoncent bien, mais tout peut encore arriver. Le risque est permanent. 

Des choses pour lesquelles vous ne regardez pas à la dépense?

«Le matériel professionnel. Je dépense plus dans les machines avec lesquelles moi ou mes ouvriers travaillons que pour des objets personnels. Mes tracteurs valent bien plus cher que mes voitures.

Les pieds dans la terre

Une dépense qui vous énerve, mais à laquelle on n’échappe pas?

«Les impôts, clairement. [rires] Mais si je dois en payer, c’est que les affaires tournent bien.

Les signes extérieurs de richesse auxquels vous êtes attentif?

«Je ne juge pas les personnes à leur voiture, leurs vêtements ou leurs bijoux. On ne sait de toute manière jamais comment ces biens ont été acquis. On peut prendre une voiture en leasing, acheter de faux bijoux, je n’y verrais que du feu. Je suis plus attentif à la personne humaine qu’à son aspect.

C’est la période des vacances. Un budget important pour vous?

«Ce n’est pas le budget qui compte, c’est surtout un temps réservé à la famille, une période faite pour se détendre. Mais j’ai besoin d’un changement d’air, sinon je continuerais à travailler. J’aime bien voyager et j’aime quand même avoir un certain confort. En vacances, je regarde aussi un peu moins à la dépense.

La richesse du vigneron

Avez-vous gardé le souvenir de votre premier salaire?

«En tant qu’étudiant, au cours des vacances, j’organisais des visites à la coopérative, en journée, et le soir, je travaillais dans un restaurant. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’à 17 ans, mes parents m’ont acheté une vigne. Via la coopérative, j’ai reçu ma première paie deux ans plus tard. Ce qui m’a permis d’acquérir une deuxième vigne et, grâce aux rentrées, j’ai pu rembourser le prêt. Ce fut une motivation supplémentaire pour me lancer dans le métier.

Peut-on encore espérer s’enrichir en se lançant dans la vigne au Luxembourg?

«On peut gagner raisonnablement sa vie en tout cas. Tout dépend du nombre d’hectares que vous possédez et du travail que vous réalisez dedans. En tout cas, je ne me plains pas. Mais nous savons très bien que, les bonnes années, il faut mettre de l’argent de côté pour les mauvaises. En 2016 et 2017, nous avons perdu 30% des récoltes, il faut pouvoir résister à ça.

La part de risque

Est-ce que vous investissez à titre personnel?

«Oui. Je ne dirais pas que je suis un joueur, mais j’aime bien, de temps en temps, prendre des risques. Il doit toujours y avoir une part de risque, raisonnable, dans tout ce qu’on entreprend. Mais je ne suis pas du genre à mettre toute mon exploitation en danger.

Sur quels types de produits misez-vous?

«Ça dépend. Parfois sur des fonds, parfois des actions. Si on ne fait que des choses dont on est certain qu’elles vont fonctionner, on n’avance pas. C’est vrai dans la vie comme dans le travail. Il faut prendre des risques, mais être convaincu aussi que ça va marcher. Quand j’étais un jeune vigneron, j’ai parfois acheté des vignes alors que mon père me conseillait d’aller plus doucement. Mais j’aime regarder vers le futur.

Le souvenir d’une dépense un peu folle mais jamais regrettée?

«Justement, un jour, j’ai racheté toutes ses vignes à un ancien vigneron. C’était un achat conséquent, mais je reste convaincu qu’il fallait le faire.

Prix enivrants

Beaucoup d’hommes voient le vin comme leur achat plaisir numéro un. Et vous?

«C’est aussi le vin. J’adore le monde de la vigne. Je connais très bien les vins luxembourgeois, mais je suis ouvert à tous les autres. J’aime toujours découvrir des produits venant d’autres régions. C’est en dégustant qu’on apprend. Mais si vous ne buvez que votre vin, vous n’avancerez pas. 

Certaines personnes investissent dans le vin. Vous aussi?

«Quand j’investis dans du vin, je le bois. Je n’achète pas pour revendre 10 ou 20 ans plus tard. Lorsque je m’offre de bons millésimes, je les déguste.

Certaines bouteilles atteignent parfois des sommes folles. Vous comprenez cela?

«Pas du tout. Les prix ont leurs limites. Lorsqu’on va jusqu’à payer plusieurs milliers d’euros, on achète un nom et une étiquette, mais pas le vin en tant que produit. Dans une dégustation à l’aveugle, il se pourrait d’ailleurs que celui à 35 euros se classe avant celui à 5.000 euros. Personnellement, gagner ma vie me demande trop d’efforts pour dépenser autant dans des vins uniquement de prestige. C’est devenu de la folie.»