Déjà connu comme le traqueur de copies, de plagiats et d’autres similitudes dans la publicité, Joe La Pompe contre-attaque avec un nouvel ouvrage présenté ce mercredi.
Comment est né votre intérêt pour la publicité en général et cet engouement pour la collection ?
« Je fais toute sorte de collections depuis que je suis enfant : les timbres, les télécartes, les pin’s, etc. Mais je ne sais plus comment j’ai commencé à m’intéresser à la publicité. Enfant, quand je regardais la télé, j’attendais avec impatience les coupures publicitaires. D’ailleurs, je préférais les pubs aux films. Et même dans la rue, les affiches attiraient mon regard.
Qu’est-ce qui vous séduisait dans la pub ?
« Au départ, c’était l’aspect direct, court, immédiat et efficace car je n’aime pas ce qui est compliqué ou alambiqué. J’apprécie l’idée de faire passer des messages de cette façon, notamment avec de l’humour. Quand la pub est bien faite, c’est bien plus malin qu’il n’y paraît.
De là à en faire son métier ?
« Ce n’est pas une profession dont parlent les enfants. Pourtant, il y avait des héros de fiction qui travaillaient dans la publicité. J’ai été très marqué par le personnage du père dans Ma sorcière bien-aimée. Ça me faisait rêver que son métier soit d’avoir des idées, je ne pensais pas que ça existait. Finalemant, j’ai commencé dans la pub très tôt : à 20 ans, je faisais déjà des stages dans diverses agences.
Outre votre profession « officielle » dans une agence, vous vous êtes fait connaître en tant que « Joe La Pompe » en mettant en évidence les copies, plagiats ou inspirations communes de la publicité. Comment avez-vous commencé à récolter ces exemples ?
« Le métier de la publicité est très ouvert à la critique. Il y a beaucoup d’étapes entre l’idée et la production. Chacun apporte ses idées, elles passent à la moulinette du regard des autres et de l’agence. Puis vient le client et enfin le consommateur. La critique la plus catégorique, mais aussi la plus facile, est le ‘déjà vu’. Il n’y a pas besoin d’argumenter face à cette phrase – ‘j’ai déjà vu cela’ – c’est le couperet. Mais quand je demandais ‘où l’as-tu déjà vu ?’, mes interlocuteurs étaient incapables de répondre. C’est comme ça que j’ai commencé à chercher les sources et à rassembler des exemples. C’est devenu un jeu, un défi, puis une collection personnelle. Pour en garder une trace, j’ai créé le site Internet. Mon idée n’était pas de dénoncer quelque chose à la face du monde mais simplement de faire une collection. Visuellement, mettre en regard deux images qui se ressemblent donne très bien. Le site a eu un
certain succès : des magazines en ont parlé et de plus en plus de gens s’y sont intéressés.
C’est pour cela que vous avez fait le choix d’être anonyme et masqué ?
« Au départ, je ne voulais pas être masqué. Je ne voyais simplement pas l’intérêt de mettre mon nom. Maintenant qu’il y a des milliers d’exemples, on voit bien que je ne vise personne en particulier. Mais au début, il y a eu des polémiques, certains se sentaient visés et n’appréciaient pas du tout la critique. J’ai même reçu des menaces. Je me suis alors protégé avec l’anonymat, le pseudo et la cagoule. C’est aussi une manière de m’effacer derrière le propos. Ce n’est pas moi qui compte, c’est la démarche et le discours.
Cela fait maintenant plus de 10 ans que vous collectionnez ces images. D’où viennent-elles ?
« C’est d’abord ma mémoire que je fais jouer. J’ai plusieurs centaines de livres reprenant des pubs, ainsi que des magazines où je vais rechercher des images. Le travail était fastidieux, un peu comme un Memory où on retourne les cartes. Mais aujourd’hui il y a Internet , qui est une base de données incroyable, et ce que les gens m’envoient. Alors, je sélectionne s’il y a une proximité.
Cette abondance d’images jumelles est-elle liée à un manque d’imagination de la part des créatifs ? Ou un manque de culture, de connaissance de l’histoire de la publicité ?
« C’est difficile de répondre parce que c’est un peu tout ça. On ne peut jamais prouver qu’il s’agisse bel et bien d’une copie. Sur les quelque 10.000 cas que mon site présente, ce n’est pas possible que les mêmes idées soient dues au hasard. Mais je ne pense pas que la vraie copie ou le plagiat soit la majorité des cas. Le manque de culture publicitaire est la cause principale du recyclage d’idées. Les créatifs sont très jeunes et une idée qui a plus de 10 ans leur échappe la plupart du temps. Sans parler d’un manque de curiosité pour certains qui croient que tout ce qui est passé est ringard. Plus généralement, les produits et services qu’on nous présente sont les mêmes, les briefs des clients aussi et la manière de travailler est partout identique… Il n’est donc pas si étonnant d’arriver à des résultats similaires.
C’est de pire en pire ?
« Je pensais que mon site allait éviter aux créatifs de tomber dans certains pièges et que la source allait se tarir. Mais non, malgré la complexité et la durée pour faire aboutir une publicité, rares sont les agences qui effectuent cette veille et ce travail de recherche pour voir ce qui a déjà été fait. Il y a aussi de plus en plus de publicités. Ça devient donc difficile d’être original car ce sont les mêmes ficelles et les mêmes mécaniques publicitaires qui sont adaptées.
Justement, votre nouveau livre ne compare plus des publicités deux à deux, mais met en relief des thèmes ou des personnages récurrents.
« Mon premier livre et mon site sont considérés comme très critiques. On me reproche souvent de ne pas être un bon avocat pour la publicité. Pourtant, ma démarche est celle d’un passionné et non pas d’un anti-pub. Pour ce nouveau livre, je me suis dit que j’allais accompagner les créatifs en leur proposant quelque chose d’utile qui les aidera à ne pas refaire ce qui a déjà été fait. Ce nouvel ouvrage rassemble donc des thématiques, références dans l’univers de la publicité. C’est une rubrique que je mène aussi dans le magazine professionnel CB News, où je trouve un maximum de publicités qui se rapprochent d’un thème choisi. Par exemple, au moment où Barbie fêtait ses 50 ans, j’ai collectionné les publicités qui utilisaient le personnage de Barbie. On peut aussi citer, en vrac, Napoléon, la statue de la Liberté, les billets de banque, la tour Eiffel, les drapeaux, les chiens, les extraterrestres, des images comme Marylin sur la grille de métro ou encore les Beattles traversant Abbey Road… Ce sont des thématiques récurrentes qui sont détournées, transformées et utilisées dans la publicité.
Comment avez-vous travaillé pour établir la liste des thèmes et des publicités ?
« Dans mon travail de veille et de collection, j’alimente une sorte de base de données avec des milliers d’images. Pour le livre, j’ai choisi 100 thèmes très employés dans la publicité et j’ai sélectionné les 10 meilleures publicités pour chacun de ces thèmes. Cela nous fait 1 .000 images venues du monde entier et sur une durée d’environ 10 ans.
Ce sont les pubs les plus représentatives : elles montrent 10 manières d’utiliser un symbole ou un personnage. Je ne suis plus dans cette thématique de la copie. Au contraire, je montre qu’au travers les mêmes thèmes précis on peut trouver une palette d’idées très différentes. On aboutit à une sorte de catalogue très visuel où chacun peut voir ce qui a été fait et ainsi éviter les redites.
Est-ce que dans ces thèmes les pubs sont parfois utilisées à des fins différentes voire contradictoires ?
« Oui, c’est une des choses amusantes d’ailleurs : les symboles servent à des produits totalement divers et certains vont avoir un sens positif ou négatif. J’ai par exemple une compilation des publicités qui utilisent Hitler ! Cela semble impossible chez nous, mais dans certains pays, il est simplement l’image d’un dictateur et peut être utilisé pour vendre un déodorant ou un café… Suivant les pays ou suivant les époques, une même référence n’aura pas la même portée ou la même signification.
Tout comme la statue de la Liberté ne veut pas seulement dire liberté, elle peut être simplement une femme ou le visage de l’Amérique. Les publicitaires se servent de ces personnages parce qu’ils sont reconnus par tous. Ils doivent s’adresser au plus grand nombre et choisir une référence trop pointue va exclure une partie du public… Alors parfois le produit ou le message s’éloigne totalement du symbole. Les publicités que je présente sont souvent envoyées à des festivals internationaux. Là aussi, les jurys viennent de différents pays : il faut que les références leur parlent.
Après toutes ces recherches et compilations, vous pensez qu’on peut encore renouveler les idées, trouver du neuf, de l’inédit ?
« La publicité est vraiment un domaine où il faut surprendre et apporter des choses nouvelles et fraîches… C’est vrai qu’on se demande encore comment trouver des idées. Je n’ai pas de réponse. On me dit souvent que ma démarche est déprimante parce qu’elle prouverait que tout a été fait. Mais non, au contraire, le fait qu’il y ait 200 façons de détourner la statue de la Liberté, indique qu’il est possible d’en trouver une 201e et toutes les autres. Donc, ce n’est pas une vision pessimiste des choses. »
À lire, à découvrir - Joe la Pompe, 100 visuals ideas, 1000 great ads
On l’a connu en vengeur masqué, traquant et dénonçant les copies, plagiats et autres similitudes dans les publicités. Joe La Pompe revient. S’il n’a pas lâché la cagoule, il change son fusil d’épaule. Ce collectionneur acharné a sélectionné 100 thèmes et sujets récurrents de la publicité. Symboles, personnages historiques ou fictionnels, thématiques, objets et plus encore : il a choisi 10 images exploitant chacun des thèmes. Joe La Pompe nous livre 1.000 publicités du monde entier, reflétant la création internationale d’une bonne dizaine d’années. Classé parmi les bloggeurs pub les plus influents du monde, il cherche ici non pas à dénoncer mais à inspirer. Créatifs et pubeux de tout poils trouveront ici une mine d’images qui les motivera à aller plus loin. C’est une publication de référence qui s’avèrera vite indispensable aux ‘fils de pub’, étudiants, annonceurs
et curieux.
Édité par Maison Moderne,
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