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Jean-Philippe Donge, Banque de Luxembourg investments 

Comment s’y retrouver dans la multitude des termes employés dans le domaine des investissements responsables?

«Il existe une grande confusion entre les nombreuses appellations rassemblées sous l’ombrelle des investissements responsables, comme ISR, microfinance, impact investing ou encore venture philanthropy, community investing, ethical investing… Pour comprendre, il faut analyser la nature du placement.

La priorité est-elle sociale, financière ou bien équilibrée entre les deux? La démarche financière intervient-elle avant la préoccupation sociale dans la décision de l’investisseur? Ou bien est-ce l’inverse?

«Le spectre est très large. À une extrémité – celle des activités philanthropiques –, seul l’impact social compte. La démarche opposée est fondée sur le ROI (return on investment), avec des placements dans des entreprises traditionnelles. Entre les deux, il existe toute une panoplie de modèles d’investissement. Nous allons nous intéresser plus particulièrement aux deux principaux: ISR et impact investing.

Comment peut-on définir un investissement socialement responsable?

«L’investissement socialement responsable (ISR) a une origine religieuse. Au départ, il s’agit d’une restriction de l’univers des choix d’investissement, le plus souvent, dans le domaine des actions. L’ISR intègre dans ses choix de placement des critères extra-financiers, sociaux, environnementaux et de gouvernance qui vont ramener l’univers existant à un certain nombre de sociétés.

Certains secteurs sont exclus, comme l’armement, les jeux de hasard, le tabac ou l’alcool (sin stocks)… Il s’agit d’une démarche éthique. Dans un deuxième temps, une approche fondée sur des critères positifs et d’inclusion (best-in-class) a émergé. Ce qui est parfois compliqué avec l’investissement socialement responsable, c’est que chaque société de fonds fixe ses propres critères. L’impact réel est par ailleurs limité et difficile à mesurer.

Quelles sont les différences entre impact investing et ISR?

«L’impact investing soutient des particuliers et des entreprises sociales de façon à accélérer leur développement et à accroître leur autonomie. Il poursuit deux objectifs: rendement financier et impact social. On croit souvent à tort qu’ils sont incompatibles. Avec un investissement dans un fonds de microfinance, qui est une des composantes de l’impact investing, l’argent va à un entrepreneur sur le terrain, dans une catégorie de projets bien précis, que le fonds a détaillés au préalable. L’impact social autant que le rendement financier sont davantage mesurables que dans l’ISR. Si toutes les activités économiques ont un impact social indirect, dans le cas de l’impact investing, la démarche est délibérée.

Comment fonctionnent les fonds de microfinance?

«La microfinance consiste à développer des produits d’épargne, des solutions d’assurance ou à accorder des prêts de montants relativement faibles à des personnes qui n’ont pas accès au système bancaire traditionnel. À l’origine créée dans les pays du Sud pour favoriser leur développement en encourageant la création de très petites entreprises, la microfinance existe également dans les pays développés, où elle constitue une des réponses au problème de l’exclusion bancaire.

Les fonds de microfinance accordent des prêts aux institutions de microfinance (IMF), qui, en retour accordent des prêts de très petite taille aux micro-entrepreneurs. La rentabilité des IMF est stable dans le temps. Les emprunteurs sont loyaux et souscrivent généralement à plusieurs prêts consécutifs de courte durée, afin de réaliser leurs projets progressivement.

Comment sont sélectionnées les institutions de microfinance?

«Les IMF sont sélectionnées sur base d’une approche mêlant appréciation du cadre macro-économique et analyse des spécificités de l’institution et de son environnement. Pour ce qui est du processus de construction de nos portefeuilles, nous imposons un certain nombre de critères à nos conseillers. Ces derniers, spécialisés dans l’étude du secteur de la microfinance, effectuent le travail d’analyse sur le terrain.

Pour composer notre portefeuille, nous privilégions les pays affichant un cadre légal et réglementaire solide et des économies stables. Nous ciblons d’abord les institutions de microfinance qui sont détenues par des investisseurs institutionnels ou qui appartiennent à un réseau. Le portefeuille de crédit développé par ces institutions doit être composé en grande partie de prêts aux micro-entrepreneurs ainsi qu’aux PME. Enfin, les déboursements se feront en euros, en dollars ou dans des devises que nous pouvons couvrir aisément.

De façon générale, nous privilégions la qualité au rendement. Cette méthodologie a été utilisée et développée pour la construction de nos trois fonds de microfinance, lancés successivement dans le temps, à savoir: le Selectum Sicav SIF - BL Microfinance (ou BL Microfinance), le Capital Gestion – Microfinance et le Capital Gestion – Impact Investing. Ce sont trois fonds fermés et, à maturité, lancés successivement. Le premier est arrivé à échéance le 31 décembre 2013, le deuxième arrive à échéance le 31 décembre 2015 et le troisième, le 31 mars 2017.

Quels avantages les investisseurs ont-ils à souscrire à un fonds de microfinance?

«En investissant dans un fonds de microfinance, les investisseurs ont la perspective d’un rendement financier durable. La dette des IMF ne fait généralement pas l’objet d’une cotation sur les marchés obligataires. De ce fait, leurs instruments ne sont pas soumis aux fluctuations des marchés financiers. Il s’agit de titres non cotés, décorrélés des autres classes d’actifs, qui offrent ainsi une diversification supplémentaire.

Quelles sont les réticences des investisseurs pour cette catégorie de placements?

«Les principales réticences sont l’illiquidité des instruments financiers utilisés pour effectuer ces placements, le risque politique lié à certains des pays où l’activité de microfinance est développée et les taux d’intérêt élevés pratiqués par ces institutions de microfinance comparé à ce que nous connaissons dans les pays développés.

Comment répondre aux besoins et aux doutes des investisseurs?

«Les besoins et doutes des investisseurs ne peuvent être comblés que par une communication active sur la nature des activités financées. À plusieurs reprises déjà, nous avons entrepris de faire se rencontrer nos investisseurs avec des praticiens du secteur. Alors que le gestionnaire apporte une vue sur le portefeuille et l’évolution de celui-ci en termes financier, l’institution de microfinance permet à l’investisseur de mieux se rendre compte de la réalité sur le terrain et des accomplissements à ce niveau.

Vers quels types de produits évoluent les fonds de microfinance?

«Les investisseurs privilégient les instruments de dette non cotés. Mais ces solutions ne sont pas très flexibles. Certaines institutions, qui restent peu nombreuses, ayant acquis une taille critique, émettent directement sur les marchés obligataires. Nous observons aussi un nombre croissant de solutions d’investissement direct en private equity dans des entreprises sociales et environnementales.

Les rendements que l’on peut attendre des fonds de microfinance sont-ils comparables à ceux des placements purement financiers?

«Les fonds d’investissement en microfinance fluctuent entre 4 et 10%. Leur objectif est d’abord la préservation du capital. Dans ce domaine aussi, l’espérance de rendement dépend de la prise de risque du promoteur du produit. Et dans tous les cas, un investisseur ne doit pas s’aventurer dans ce type de produits sans prendre en compte le risque.»