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David Schmidt (Banque de Luxembourg) 

Investir à long terme dans des entreprises de qualité… Pour David Schmidt, responsable de la gestion de portefeuilles et du conseil en investissement pour la clientèle privée et institutionnelle à la Banque de Luxembourg, la sélection de valeurs repose sur une analyse fondamentale des activités de chaque société et non sur une vision macroéconomi­que de type top-down qui dicterait la sélection de valeurs sur la base de leur sensibilité à l’orientation générale du marché.

«Le but est de rechercher des entreprises aux fondamentaux solides, qui parviennent à créer de la valeur pour leurs actionnaires sur le long terme dans n’importe quel environnement conjoncturel, et qui présentent les qualités défensives nécessaires pour affronter les phases de crise les plus extrêmes», explique M. Schmidt.

… sans s’écarter de la méthodologie adoptée. Adhérer à une méthodologie éprouvée et s’y tenir contre vents et marrées est sans doute la toute première règle à observer pour espérer une «surperformance sur le long terme». «Cela a pour mérite de ne pas succomber aux effets de mode, ni de s’enfermer dans une logique de court terme qui consisterait à tenter de générer une performance en fonction des fluctuations des marchés.»

En effet, tabler à court terme sur des prévisions économiques optimistes peut inciter à constituer un portefeuille de valeurs de moins bonne qualité au seul motif que celles-ci sont plus exposées à l’évolution du marché. Si ces prévisions ne se réalisent pas, les pertes de ce portefeuille peuvent s’avérer considérables, comme ce fut le cas au début de l’année 2000 et à la fin de 2007, lorsque les marchés ont connu un brusque retournement de tendance.

Investir sans se préoccuper de l’orientation ou des fluctuations à court terme des marchés implique qu’il faille adopter le plus souvent une position à contre-courant. «Or, ça requiert rigueur et discipline, car cela suppose de ne pas suivre la meute au prix d’accepter parfois une sous-performance pendant certaines périodes.»

Cette approche prudente ne conviendra pas aux investisseurs qui souhaitent spéculer sur une hausse du marché anticipée à court terme. Mais investir à contre-courant, c’est également acheter lorsque les marchés s’effondrent, alors que la majorité des investisseurs cèdent au découragement. Ou vendre, si les bourses grimpent inconsidérément, quand bien même l’euphorie du moment contribuerait à altérer le jugement de l’investisseur.

Comprendre et maîtriser les valeurs dans lesquelles on investit. «Dans la méthodologie de sélection de valeurs, nous privilégions l’adoption d’une démarche entrepreneuriale, explique M. Schmidt. Lorsque nous achetons les actions d’une entreprise, nous agissons comme si nous nous portions acquéreur de l’intégralité de cette société pour la détenir ad vitam aeternam. Cela signifie que les sociétés dans lesquelles nous sommes susceptibles d’investir doivent se prêter à une analyse fondamentale approfondie. Cela signifie également que nous nous tenons résolument à l’écart de celles dont nous ne pouvons pas aisément comprendre l’activité, et maîtriser totalement le mode de fonctionnement.»

Selon cette méthodologie d’investissement, qui consiste à analyser les fondamentaux d’une société sous l’angle de vue d’un entrepreneur, une entreprise qui réussit sur le long terme doit nécessairement répondre aux trois critères suivants:

L’entreprise doit disposer d’un avantage compétitif. Une entreprise disposant d’un avantage compétitif avéré peut générer un cash-flow libre élevé de manière récurrente et investir ce dernier de manière rentable. Cet avantage compétitif peut prendre plusieurs formes: une position de marché dominante (leader ou acteur de niche), une marque, une réglementation, une licence ou un brevet, ou encore une technique de production.

L’existence d’un avantage compétitif est une condition sine qua non pour qu’il y ait création de valeur pour l’actionnaire sur une longue période. Une activité qui génère peu de cash-flow ou dont les investissements de remplacement (renouvellement de l’outil de production) absorbent tout le cash-flow généré devra recourir à des ressources externes – que ce soit via la dette ou par augmentation de capital – pour financer sa croissance. «Si l’incapacité à s’autofinancer perdure, l’entreprise risque de s’effondrer sous le poids grandissant de sa dette ou suite à l’impossibilité de lever de nouveaux capitaux sur les marchés», indique M. Schmidt.

L’entreprise doit investir son cash-flow de manière rentable. L’allocation du capital au sein d’une entreprise est la décision managériale la plus importante pour l’actionnaire. Le capital accumulé au bilan d’une entreprise est une chose, son affectation en est une autre. Le management a le choix entre plusieurs possibilités: réinvestir dans l’entreprise, faire des acquisitions, racheter ses propres actions, verser des dividendes ou réduire la dette.

Seule une équipe de direction hautement qualifiée saura assurer un bon mix et un bon équilibre. Or, c’est aux actes, et non aux paroles, que l’on juge de la qualité du management. «Il s’agit donc de vérifier si les actes posés par la direction de l’entreprise sont conformes à ses déclarations pour apprécier la transparence de sa politique et savoir si elle agit véritablement dans l’intérêt des actionnaires», prévient M. Schmidt.

La valorisation de l’entreprise doit être attrayante. Ce n’est pas le tout de sélectionner des entreprises de qualité qui génèrent du cash-flow et l’investissent de manière rentable, encore faut-il que leur valorisation soit suffisamment attrayante. En effet, c’est le prix payé qui détermine le rendement futur de tout investissement.

«Nous avons développé un modèle de valorisation qui nous permet de calculer une valeur intrinsèque pour chaque entreprise qui rentre dans notre univers d’investissement», explique David Schmidt. Cette fair-value se compose de deux éléments distincts: la valorisation de la société sans croissance et un multiple de croissance.

Cette distinction est fondamentale, car elle permet de mettre en évidence ce que vaut l’entreprise sur base de ses activités actuelles, sans tenir compte de son potentiel de croissance bénéficiaire futur. «Cette approche peu commune offre l’avantage de réduire le risque d’erreur, en évitant de faire reposer l’intégralité de la valorisation sur la projection assez aléatoire des résultats futurs.»

Afin d’éviter de payer trop cher pour une société, son cours de bourse doit être inférieur à sa fair-value. Moins on paie pour la croissance, plus le risque de l’investissement diminue. Le respect de cette marge de sécurité au moment de l’achat permet de diminuer le risque de l’investissement.

Il est un fait que les actions dont le cours de bourse incorpore des hypothèses de croissance élevées sont généralement des investissements risqués sur le long terme. Car, sur une longue période, la plupart des sociétés affichent une croissance des ventes et des résultats en ligne avec la croissance nominale du produit intérieur brut.

En résumé, un investisseur en action se doit de comprendre son investissement afin de réduire le risque de perdre de l’argent. Il doit faire fi des fluctuations de marché à court terme. Et, enfin, il lui faut toujours garder à l’esprit que le rendement d’un investissement est fonction du prix d’achat.