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Entretien avec: Mme Lietter Reuter & M. Léo Reuter, directeurs

Quelles sont les particularités de votre agence, et comment se démarque-t-elle du reste du marché?

Liette Reuter: Interpub' se distingue d'abord par son histoire, sa déjà longue histoire'De 1954 à 2001: une longévité exceptionnelle à Luxembourg! D'ailleurs, de nombreux professionnels de la publicité y ont fait leurs armes. Cette longévité repose sur la capacité de l'agence à évoluer (compétences, techniques, besoins de la clientèle?)? tout en conservant les valeurs et l'esprit "pionnier" du départ: la passion et l'enthousiasme pour ce métier bien sûr, mais aussi la rigueur, l'exigence professionnelle et toujours un profond respect des clients qui nous font confiance.

Vous bénéficiez, dans le milieu de la pub, d'une image de sympathie. On vous trouve plutôt gentils au sein de l'agence. N'est-ce pas plutôt péjoratif, ce qualificatif étant en général synonyme d' "inoffensif"? En d'autres termes, peut-on encore de nos jours vendre des services en communication sans faire preuve d'une certaine agressivité?

Li.R.: Que l'on nous trouve sympathiques, je prends plutôt cela comme un compliment! Quand à l'idée qu'il faut se montrer agressif pour réussir à "se vendre", je ne pense pas que cela soit le moyen le plus efficace à long terme: question de style! A l'agressivité commerciale, nous préférons mettre en avant notre force de conviction du point de vue de la qualité des services que nous sommes capables d'assurer à nos clients'et cette démarche nous a plutôt plutôt réussi jusqu'à présent!

 

Quelles sont, selon vous, les caractéristiques spéciales du marché national global: son évolution, ses forces et ses faiblesses?

Li.R.: Ce qui nous manque, c'est le véritable lancement de produits. Ne pratiquement pas avoir de produits à Luxembourg, c'est un manque qui nous limite dans notre travail, car c'est un secteur très intéressant. Quant aux budgets nationaux, les rapports y relatifs sont en général en relation avec le marché, ce qui fait preuve d'une certaine santé que nous devons cultiver. Par ailleurs, il y a un quand même un problème par rapport à ce qui est investi dans la pub elle même. Cela ne me semble pas toujours suffisant. Souvent aussi, on ne budgétise pas assez systématiquement d'avance, et on fait trop souvent appel à des actions ponctuelles décidées sur le tas. Ce qui démontre à la fin de l'année que l'on a quand même investi beaucoup d'argent, mais sans vrai plan cohérent.

Trouvez-vous qu'en moyenne la pub' nationale tienne la route avec les campagnes internationales, et cela aussi bien en originalité qu'en qualités techniques, ou allez-vous vous réfugier derrière le bon vieil argument du manque de budgets confortables?

Li.R.: Le niveau général a plutôt progressé... quant à la question budgétaire, elle appelle deux commentaires:

Il faut d'abord rapporter le montant des investissements publicitaires à la taille du marché national... qui est relativement modeste. De ce point de vue, il faut donc rester réaliste, pragmatique  et ne pas plonger les annonceurs dans une inflation budgétaire ruineuse eu égard aux résultats que l'on peut raisonnablement en attendre.

Naturellement, toute action de communication implique de mobiliser un minimum de moyens financiers, mais c'est précisément l'une des premières missions de l'agence que d'optimiser ces moyens de manière judicieuse pour obtenir le meilleur impact possible.

Que pensez-vous de ce boom extraordinaire qui a fait que le nombre d'agences se sont multipliées à l'infini pendant les dix dernières années? Est-ce un enrichissement ou plutôt une tare?

Li.R.: Il ne faut pas tout mélanger et ne pas confondre agence et atelier graphique! Et si l'on examine de près la structure et les prestations assurées, on s'aperçoit vite que, finalement, le nombre de nouvelles agences n'est pas si important que cela.

Ceci dit, la concurrence est un facteur de santé pour le marché qui, de toute façon, effectue une sorte de sélection naturelle.

Au niveau des concepts des campagnes, avez-vous l'impression qu'il y a occasionnellement plagiat sur des créations internationales?

Li.R.: A quoi pensez-vous!!! Cela a pu arriver... mais certainement pas plus qu'ailleurs.Il faut faire la différence entre plagiat volontaire et "accidentel'. Je ne m'attarderai pas sur le premier cas qui relève, au minimum, de l'inconscience!

Quant au second cas, il faut admettre qu'il existe toujours un risque

- que je qualifierai de "naturel' - qu'à un moment donné, deux créatifs suivent un cheminement parallèle... et aboutissent à un résultat assez similaire.

Ce risque est surtout sensible lorsque l'on travaille sur des concepts très "tendances" reposant sur une mode...

Pour limiter le risque, une bonne analyse préalable de la concurrence et une démarche créative vraiment originale restent les meilleures armes pour se prémunir.

Par rapport aux régies publicitaires et aux médias, trouvez-vous la situation au Luxembourg: exemplaire, plutôt moyenne, carrément navrante?

Li.R.: Comme nous n'avons aucun lien direct avec les régies, nous avons gardé une relation identique avec leurs services au fil des dernières années. Il faut dire qu'en principe, leurs services se sont plutôt développés, puisque nous bénéficions de plus en plus de données sur le marché et sur les supports en général. Ce fait est à considérer comme un progrès évolutif. Ce qui, par contre, est tout à fait inadmissible, c'est que des agences fassent double emploi et se profilent comme représentants d'une régie précise. Comme le paysage médiatique devient plus foisonnant, cela permet aussi aux clients, grâce à un choix de supports spécialisés, de mieux cibler, ce qui est un autre élément positif. Lorsqu'on veut cibler jeune ou nouvelle économie, voire même se spécialiser dans une langue suivant les besoins de la cible, on peut désormais le faire. Dans ce domaine, beaucoup de progrès auront donc été accomplis aussi et l'on dispose désormais d'outils et de chiffres assez complets et fiables  pour travailler de manière pointue.

Existe-t-il encore certains tabous au Luxembourg qui vous empêchent d'aller au bout de votre créativité, ou peut-on tout oser de nos jours au Grand-Duché?

Le.R.: Le Grand-Duché n'est pas isolé du reste du monde!!! Je ne pense pas qu'on y exerce une auto-censure particulière par rapport à nos confrères des pays voisins. En revanche, comme ailleurs, la plupart des agences se fixent un certain nombre de limites...

On n'entend pas beaucoup parler des activités du Comité d'Ethique en matière de publicité. Pensez-vous que c'est parce qu'il n'y a pas de grande utilité ou, au contraire, avez-vous des exemples sur lesquels il aurait, à votre avis, dû intervenir sans l'avoir fait.

Li.R.: Je pense que tout ce qui est auto-disciplinaire ne peut être mauvais.  Il est donc important que ce comité existe.

Le.R.: Même s'il ne fait pas beaucoup parler de lui, le Comité d'éthique est utile

et agit...  même s'il reste dans l'ombre. Il faut reconnaître que du point de vue éthique, la publicité au Grand-Duché est d'un bon niveau. Les campagnes étrangères ont déjà été soumises aux instances de contrôle de leurs pays d'origine. Quant aux campagnes made in Luxembourg, elles prêtent rarement à discussion. Les principaux cas traités par le Comité d'Ethique sont  plutôt le fait d'annonceurs maladroits qui ont cru bon de se passer des services des publicitaires pour concevoir des messages d'un goût discutable!

Face à ces excès, la démarche du Comité est d'intervenir, non pas publiquement, mais directement auprès de l'annonceur pour le convaincre

de retirer la publicité incriminée... et il obtient  généralement satisfaction.

Les médias jouent également un rôle de partenaire dans ce contrôle.

Enfin, la mission d'auto-régulation de la profession qu'assume le Comité d'éthique permet d'éviter que les instances gouvernementales ne soient incitées à légiférer de manière trop restrictive face à d'éventuels  débordements.

Quel effet les nouveaux médias ont-ils sur votre travail'

Li.R.: Un nouveau support doit être intégré dans nos réflexions. Lorsqu'on accomplit un travail pour un client, il s'agit dorénavant de considérer les anciens et les nouveaux médias. Il ne faut pas non plus tomber dans le piège de la nouveauté et donner obligatoirement priorité aux supports nouveaux. Il faut exactement évaluer l'envergure que le nouveau média devra prendre pour le client en question.  En concevant des sites Internet, ceux-ci devront aussi s'adapter parfaitement à la stratégie des entreprises et à leurs identités visuelles.

Ce sont des supports avec lesquels il faut compter? mais ils ne révolutionnent pas fondamentalement notre approche.

Le multilinguisme crée-t-il des problèmes concrets au niveau de la communication publicitaire, et si oui, lesquels?

Li.R.: Ce problème existe depuis si longtemps. L'allemand et le français se sont toujours partagés l'espace dans nos travaux. Ce système bi-lingue s'est toujours bien intégré dans notre travail. Avec l'arrivée de l'Euro et le développement au niveau de la Grande Région, cela risque de prendre encore de l'ampleur. A part ces deux langues, l'anglais, le portugais, et même le hollandais sont des langues auxquelles il nous arrive d'être confrontés. Pour les textes d'information, il suffit de traduire, dès que l'on est confronté à un secteur plus créatif ou à l'élaboration de slogans, il faut avant tout travailler avec des gens qui adaptent dans leur langue maternelle. Il nous est même arrivé récemment d'éditer une brochure en chinois mandarin, en prenant en charge la traduction. En veillant à faire le bon choix de partenaires et de fournisseurs, cela donne un résultat satisfaisant.

Lorsque des stratégies conceptuelles vous sont imposées par des clients ou agences de l'étranger s'établissant ici, sont-elles en principe adaptables suivant les normes imposées, ou vous voyez-vous contraints de convaincre le partenaire du principe "Think global, act local'?

Li.R.: Cela dépend des exigences de la charte, mais s'il y a présentation homogène de la firme au niveau international, ce serait plutôt négatif pour le client de le présenter selon d'autres critères dans un seul endroit. Une des règles élémentaires d'une charte consiste dans une adaptation conséquente. Qu'on trouve cela bon ou mauvais, la notoriété d'une société en dépend. Ceci dit, il arrive, lorsqu'on respecte les règles du jeu, qu'un client étranger vous fasse même effectuer le travail dont il a besoin dans son pays d'origine.

Lequel de vos concurrents se rapproche-t-il le plus dans son travail de ce qui vous semble idéal' Bref, avez-vous une admiration pour une agence en particulier, ou plutôt pour les actions ponctuelles de différentes maisons.

Li.R.: Sans commentaires!!!

Quelles sont vos perspectives personnelles, et comment voyez-vous celles du marché publicitaire au Luxembourg en général'

Li.R.: Notre objectif est aujourd'hui de diversifier notre clientèle et d'intervenir dans des secteurs d'activités où nous avons à démontrer notre savoir-faire.. et pas seulement sur le marché luxembourgeois. La Grande région Saar-Lor-Lux offre en effet d'intéressantes perspectives de développement. La preuve, depuis l'an dernier, nous assurons la communication d'une société française ...sur le marché français!