Grégory Minne revient sur le nouveau règlement européen relatif aux procédures d’insolvabilité. (Photo: Arendt & Medernach)

Grégory Minne revient sur le nouveau règlement européen relatif aux procédures d’insolvabilité. (Photo: Arendt & Medernach)

Le nouveau règlement[1] tient compte de la modernisation du droit européen de l’insolvabilité qui tend à favoriser le redressement des débiteurs en difficulté et la préservation des emplois.

Il est applicable lorsque le débiteur (société, personne morale ou personne physique) a le centre de ses intérêts principaux (COMI) dans un État membre et a des actifs ou des créanciers dans un ou plusieurs autres États membres. Il détermine quel est le juge compétent dans le cadre de procédures d’insolvabilité et garantit la reconnaissance et l’application au sein des États membres des jugements rendus dans le cadre de ces procédures. Il contient aussi des règles sur la loi applicable et prévoit des mécanismes de coordination entre les procédures d’insolvabilité pouvant être ouvertes à l’encontre d’un débiteur. Il maintient la distinction entre la procédure principale ouverte à l’encontre d’un débiteur (qui a un effet universel et qui porte sur tous ses actifs) et les procédures secondaires (qui ont un effet limité à l’État membre sur le territoire duquel le débiteur a un établissement et comprennent uniquement les actifs du débiteur situés sur ce territoire).

Le nouveau règlement exclut de son champ d’application les entreprises d’assurances, les établissements de crédit, certaines entreprises d’investissements et autres entités, ainsi que les OPC. Il introduit un certain nombre d’innovations importantes pour les acteurs de la Place luxembourgeoise, destinées à renforcer l’efficacité de la gestion des procédures d’insolvabilité transfrontalières.

Élargissement des procédures pouvant être reconnues dans les États membres

Les procédures visées par le nouveau règlement ne sont pas seulement celles visant à liquider les avoirs d’un débiteur en difficulté, mais aussi celles qui sont destinées à son redressement. Elles sont énumérées à l’annexe A du règlement. Cet élargissement des procédures aura pour effet de favoriser leur reconnaissance au sein des États membres.

Détermination du juge compétent pour ouvrir une procédure et «forum shopping»

Le centre des intérêts principaux (COMI) est le critère retenu pour déterminer le juge compétent pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale à l’encontre d’un débiteur, ainsi que la loi applicable à cette procédure. Il a donné lieu à une abondante jurisprudence, car il n’est pas toujours facile à appliquer. Le nouveau règlement clarifie la notion de COMI en la définissant et en codifiant la jurisprudence de la CJUE. Il prévoit aussi des présomptions pouvant être renversées. Par exemple, si le débiteur est une société, son COMI est présumé être le lieu de son siège statutaire.

Les débiteurs ne doivent pas être incités à déplacer leur COMI dans un autre État membre pour améliorer leur situation juridique au détriment de leurs créanciers. C’est ce que l’on appelle le «forum shopping». Le nouveau règlement veut empêcher le «forum shopping» frauduleux ou abusif. Pour ce faire, outre la clarification de la notion de COMI, il est prévu par exemple que la présomption applicable aux sociétés (siège statutaire = COMI) ne s’applique pas si le siège statutaire a été déplacé dans les trois mois qui précèdent la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

Coordination des procédures d’insolvabilité

La pratique montre que l’ouverture de plusieurs procédures envers un débiteur ou un groupe de sociétés peut constituer un frein à leur redressement. Le nouveau règlement tente de pallier ce problème en prévoyant une série de règles favorisant la coopération entre les praticiens de l’insolvabilité qui sont en charge de la procédure d’insolvabilité (ex. commissaire ou curateur) et les juges saisis.

Information des créanciers

Le nouveau règlement vise à faciliter l’accès aux procédures d’insolvabilité ouvertes dans un État membre. À partir de juin 2018, chaque État membre devra tenir un registre d’insolvabilité comprenant des informations sur un débiteur qui seront accessibles à ses créanciers (ex. la date d’ouverture de la procédure et le type de procédure ouverte). Au plus tard en juin 2019, la Commission européenne devra permettre l’interconnexion des registres d’insolvabilité. Le système devrait permettre aux créanciers de rechercher et d’accéder plus facilement, dans plusieurs langues, à certaines informations relatives à leurs débiteurs.

Déclaration de créances

Il existe des difficultés empêchant des créanciers de déclarer leurs créances efficacement et à un moindre coût. Ces créanciers ne devront désormais plus nécessairement produire leurs créances par écrit, mais par tous les moyens acceptés par l’État membre dans lequel la créance doit être déclarée. De plus, la production de créances pourra être faite à l’aide d’un formulaire uniformisé disponible dans plusieurs langues.

Création d’un régime pour les groupes

De nouvelles règles relatives aux groupes de sociétés ont été introduites afin d’améliorer la coopération et la coordination des procédures d’insolvabilité ouvertes à l’encontre des membres d’un groupe de sociétés et de permettre une restructuration coordonnée.

Réformes en cours

Le droit de l’insolvabilité fait actuellement l’objet d’autres réformes. Sur le plan européen, la Commission européenne a déposé en novembre 2016 un projet de directive relatif aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement.

Au Luxembourg, le projet de loi relatif à la préservation des entreprises et portant sur la modernisation du droit de la faillite n’est pas encore finalisé. Ces réformes devront s’articuler entre elles et apporter la prévisibilité nécessaire au redressement ou à la liquidation de débiteurs en difficulté.

[1] Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité (refonte) (J.O. L 141 du 5 juin 2015, p. 19 s.) qui remplace le règlement (CE) 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000.