Ingrid Betancourt dégage un sentiment de sérénité retrouvée qu'elle partage avec ses interlocuteurs.  (Photo: Maison Moderne Studio)

Ingrid Betancourt dégage un sentiment de sérénité retrouvée qu'elle partage avec ses interlocuteurs.  (Photo: Maison Moderne Studio)

«Espérons que le cœur des Colombiens s’ouvre et soit grand», lance Ingrid Betancourt, interrogée sur le sort qui doit être réservé aux Farc, les milices révolutionnaires (Forces armées révolutionnaires de Colombie) qui l’ont détenue durant six ans dans la jungle colombienne. Les années ont passé et l’ancienne femme politique pose un autre regard sur l’un de ses deux pays de cœur. Elle évoque même une amnistie pour que les exécutants des commandants des Farc puissent être réintégrés dans la société.

«Il faut créer des structures pour que cette transition se fasse en harmonie, c’est une opportunité pour tout le monde», espère Ingrid Betancourt dans les salons de la Philharmonie, à l’invitation de Lombard International Assurance. 

À quelques minutes de s’adresser devant un parterre de représentants du secteur financier et de chefs d’entreprise, Ingrid Betancourt fait part de son souhait de certes partager avec eux son vécu hors du commun, mais surtout de leur proposer une «réflexion par rapport à qui nous sommes, à la définition de nous-mêmes», en essayant de «transmettre l’optimisme qui m’habite et les espoirs que j’ai». Une méthode de reconstruction de soi en quelque sorte que la Franco-colombienne s’est appliquée pour recréer du lien avec ses propres enfants au sortir de sa longue détention ainsi que pour se retrouver elle-même.

Le terme religion me pose problème, car il contient beaucoup de sous-entendus.

Ingrid Betancourt

Ce parcours est empreint d’espoir, d’optimisme a priori déroutant lorsqu’on a connu de pareils événements et d’une certaine spiritualité, tant les références à dieu sont nombreuses durant l’entretien.

«Le terme religion me pose problème, car il contient beaucoup de sous-entendus et peut paraître comme un ensemble de rituels vides. Je dis oui à la religion, mais si on entend une réflexion sur dieu et si on parle de dieu, on parle d’être humain et de dignité humaine.»

Ambassadrice pour une grande cause, pourquoi pas

Quelques heures auparavant, l’ancienne sénatrice et députée de Colombie avait rencontré le Grand-Duc pour évoquer notamment le sort des réfugiés. «Il ne faut pas oublier que toutes ces personnes arrivent avec une aspiration pour ce que l’Europe est dans ses valeurs et dans sa générosité. Nous pouvons être fiers de ce que nous sommes, mais nous devons être en même temps responsables de leur accueil.»

Et Ingrid Betancourt de demander aux gouvernements de considérer les réfugiés non pas comme un risque, mais comme une opportunité de réintroduire du «sang neuf dans le réseau économique», d’enrichissement culturel. 

Si Ingrid Betancourt a – naturellement – été transformée par son incroyable calvaire, son sens politique demeure intact. Un engagement n’est pas exclu. Une mission en tant qu’ambassadeur d’une cause internationale non plus, si la proposition se présentait. 

«Je crois qu’il est important de comprendre les relations et les responsabilités vis-à-vis des autres et vis-à-vis de la planète, car il s’agit de la maison de nos enfants. Il nous tient de la préserver pour que les autres générations puissent vivre. Nous ne nous rendons pas forcément compte de la chance que nous avons», ajoute-t-elle en écho aux images du pape aux États-Unis qu’elle avait visionnées avant la rencontre et qui la réjouissent.

Un pape originaire d’une Amérique latine qu’elle connaît bien et dont elle salue l’engagement pour une réflexion sur une «reformulation» du système économique qui génère une majorité de pauvres dans le monde.

Nous marchons vers une humanisation du secteur financier.

Ingrid Betancourt

Quant au rôle que pourrait jouer la finance dans ce contexte, Ingrid Betancourt en appelle à une considération des valeurs humaines dans le chef des gérants et autres acteurs du secteur.

«Il faut que ces personnes n’aient pas peur de leur cœur et de prendre des décisions qui ne sont pas totalement rationnelles d’un point de vue économique si elles le sont d’un point de vue humain. Nous marchons vers cela, vers une humanisation du système financier», espère Ingrid Betancourt.