Les négociations sur les règles dites de «Bâle III» ont largement été synonyme d’un affrontement entre les États-Unis et l’Union européenne, estime Serge de Cillia, le CEO de l’ABBL. (Photo: Julien Becker / archives )

Les négociations sur les règles dites de «Bâle III» ont largement été synonyme d’un affrontement entre les États-Unis et l’Union européenne, estime Serge de Cillia, le CEO de l’ABBL. (Photo: Julien Becker / archives )

Monsieur de Cillia, êtes-vous satisfait de l’accord historique que les membres du comité de Bâle ont conclu jeudi?

«Nous pouvons dire que l’ABBL a noté avec satisfaction le fait que l’Union européenne va procéder à une évaluation approfondie de cet accord avant de transposer les nouvelles règles dans la législation communautaire. C’est important, puisqu’une transposition telle quelle aurait des conséquences négatives sur l’économie européenne. En effet, les deux tiers du financement des entreprises en Europe passent par des crédits bancaires, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis, où celui-ci passe majoritairement par la bourse.

Une deuxième remarque concerne le ‘level playing field’. L’Europe a pris des engagements tout au long du processus de négociations, par le biais de directives et de règlements. Et cela aurait dû être le cas pour les autres juridictions. Or, je sais que par le passé, les règles de Bâle I et II n’ont pas été transposées telles quelles aux États-Unis.

Peut-on dire que les négociations ont été synonyme d’un affrontement entre les États-Unis et l’Union européenne?

«Oui, tout à fait. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cela a pris tellement de temps. La bonne chose est que, cette fois-ci, tous les membres européens du comité de Bâle, ensemble avec la Commission, qui possède un siège d’observateur, se sont concertés pour parler d’une seule voix.

À quel impact doit-on s’attendre pour la Place?

«Au Luxembourg, nous n’avons pas attendu la finalisation des règles de Bâle III pour faire notre travail. Il suffit de regarder la capitalisation des banques luxembourgeoises, qui est traditionnellement très élevée, et qui a encore augmenté ces dernières années.

Les banques de la Place sont donc bien préparées pour atteindre l’objectif de 72,5% de fonds propres, qui vient d’être défini dans l’accord de Bâle III…

«Oui, mais il faut toutefois noter que les banques qui fonctionnent avec un modèle interne pour évaluer leur risque seront plus impactées que les autres, car le comité de Bâle a choisi d’utiliser un modèle standard pour calculer ce plancher. Au Luxembourg, on compte une série de banques qui fonctionnent avec des modèles internes, aussi bien des filiales de grands groupes internationaux que des banques locales. Elles seront donc défavorisées. L’évaluation de la Commission européenne doit donc surtout se concentrer sur ces établissements-là.

Existe-t-il un risque que certaines banques ne parviennent pas à remplir les objectifs d’ici 2027?

«Non, je ne parlerai pas de risque. Une période transitoire assez longue a été prévue, et les banques auront plusieurs années pour que la transposition de ces nouvelles règles n’ait pas d’impact sur leurs clients et le fonctionnement de l’économie réelle. De plus, en Europe, la Commission doit maintenant prendre l’initiative de transcrire ces réglementations dans des textes qui devront passer par la moulinette habituelle, à savoir le Conseil européen et le Parlement. Cela prendra des années.

Pourquoi parle-t-on parfois de Bâle IV?

«C’est juste une question de vocabulaire. Avec la Fédération bancaire européenne (EBF), nous avons qualifié les négociations pour l’accord qui vient d’être signé de ‘Bâle IV’, car une couche supplémentaire, par rapport à ce que l’on avait déjà mis en place dans Bâle III, a été ajoutée. En effet, le règlement de Bâle III, même s’il n’avait pas officiellement été validé, était déjà largement en vie. Les négociations ont commencé en 2010, et beaucoup de banques ont anticipé l’accord final. Celles qui avaient l’occasion de renforcer leurs fonds propres en utilisant leurs bénéfices l’ont donc déjà fait.»