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Ucits IV, Bâle III, Solvency II… Les réglementations relatives au secteur financier se succèdent à un rythme que beaucoup qualifieront d’effréné. Dans les années à venir, si ce n’est pas encore fait, les Etats de l’Union européenne vont devoir adopter ces directives internationales et les transposer au niveau national. Les entreprises, de leur côté, seront tenues de s’y conformer dans les délais impartis.

Pour celles qui n’ont pas encore commencé à se préparer aux trois directives précitées, les conseillers en stratégie et organisation tirent la sonnette d’alarme. En effet, non seulement elles risquent de se retrouver au pied du mur, mais aussi de passer à côté d’opportunités à saisir. Sans oublier qu’à ces quelques directives succéderont d’autres obligations. Certaines ont déjà été votées (comme l’AIFMD, Alternative Investment Fund Managers Directive) et d’autres sont encore en cours de discussion. A ne pas vouloir prendre les devants, ces entreprises négligentes, trop aventureuses ou simplement mal informées, risquent une réelle indigestion.

«Toutes ces directives émanent d’un besoin de réglementation et de régulation, explique Nordine Garrouche, associate director de NGR Consulting. La réglementation, au niveau européen notamment, a pour but premier d’harmoniser les pratiques à l’échelle du marché unique. La régulation, elle, découle d’un besoin politique de reprendre en main un certain nombre de choses qui, comme la crise l’a démontré, ont fait défaut. Mais de toute manière, pour les entreprises, ces règles sont inéluctables.»

Il ne faut toutefois pas se méprendre. Les directives auxquelles les entreprises vont devoir se conformer aujourd’hui ne découlent pas forcément de la crise. Des mesures comme Ucits IV, Bâle III ou Solvency II ne se prennent pas en quelques mois. Les réflexions les concernant ont été initiées de longue date. La crise, tout au plus, a précipité leur adoption.

Un impact sur la compétitivité

Que l’on parle de Ucits IV au niveau de l’industrie des fonds, de Solvency II chez les assureurs ou de Bâle III pour le secteur bancaire, les entreprises doivent se préparer pour être en conformité avec ces directives au moment où elles entreront en vigueur. Critiques, elles le sont toutes. Ces réglementations ont un impact plus ou moins sensible sur l’organisation interne des acteurs de la place économique, sur leurs processus ou encore systèmes d’information. «L’impact d’une réglementation sur une entreprise dépend de ses activités, de ses ambitions et de sa stratégie, estime Nathalie Mege, senior executive chez Accenture Management­ Consulting. Pour des directives comme Solvency II, par exemple, il y a différents niveaux de sophistication. En fonction de sa taille, à elle de voir ce qu’il convient de mettre en œuvre.»

Mais, de manière générale, les impacts d’une nouvelle mesure sur l’organisation ne sont pas anodins. Elle implique des modifications substantielles qu’il faut préparer avec attention. «On a vu, ces dernières années, le rythme auquel se succédaient les réglementations. Les modifications doivent donc être planifiées et organisées», ajoute Robin Marc, manager chez Accenture.

Au-delà de l’aspect organisationnel, ces réglementations peuvent avoir un impact sur le business, mais aussi sur la compétitivité de l’entreprise ou de la Place toute entière. «Prenons Bâle III. Cette mesure va impacter un peu plus encore la compétitivité d’une banque, puisqu’elle implique une immobilisation plus importante de fonds, pour couvrir les risques encourus par les institutions financières, explique Jean Diederich, senior manager chez Ineum Consulting. De nombreuses autres questions, aujourd’hui débattues mais pour lesquelles aucun accord n’est encore intervenu, pourraient aussi déboucher sur des accords qui grèveraient la compétitivité des entreprises.»

Le consultant évoque, pêle-mêle, des directives internationales comme le deposit guarantee scheme, l’investor compensation scheme, la taxation des transactions ou des activités financières, ou bien même des mesures à l’échelle nationale visant à contrôler les activités de la place financière… Encore une fois, par rapport à ces problématiques, mieux vaut se positionner plus tôt que tard. «On a pu voir, avec des directives comme celle de la régulation des services de paiement (PSD), que généralement, au moment de l’entrée en vigueur d’une réglementation européenne, un tiers des pays est prêt, un autre tiers l’est presque et le restant ne l’est pas du tout. Au niveau des entreprises, à l’échelle nationale, on retrouverait ces mêmes proportions», souligne M. Diederich.

En lien avec les associations professionnelles ou interprofessionnelles comme l’Alfi, l’ABBL ou l’ACA, les entreprises de la Place ont l’opportunité de bien se préparer. De manière générale, elles ne sont pas attentistes. Via leurs associations respectives, elles sont souvent sollicitées très tôt dans les débats devant délimiter le cadre de transposition des directives les concernant. Quand elles ne l’ont pas été en amont, pour faire du lobbying contre des réglementations qui seraient défavorables à la Place.

«La plupart du temps, des réflexions sont lancées au cœur des entreprises, alors que leurs associations professionnelles et les autorités de tutelle se saisissent de la problématique, explique Robin Marc. Des groupes de travail se mettent en place pour répondre à cet exercice, qui a pour but d’évaluer l’impact d’une mesure sur un secteur et d’ajuster la réglementation à un niveau local. C’est une première étape. Les entreprises peuvent, dès ce moment, mieux appréhender une nouvelle réglementation et la manière dont elle affectera leur business. Mais aussi les opportunités qu’elles pourront en tirer. Face à une directive, plus le niveau d’ambition est élevé, plus il faut s’y prendre tôt.»

De contraintes en avantages

Les réglementations, si elles apparaissent souvent comme contraignantes de prime abord, peuvent aussi constituer de nouveaux leviers de développement et de réelles opportunités de business. Rappelons qu’en étant le premier Etat européen à transposer la directive Ucits III, le Luxembourg et ses acteurs en ont fait un standard de qualité au cœur de l’industrie des fonds.

Aux yeux des conseillers en management, une réglementation peut être vue comme l’occasion de revoir sa stratégie d’entreprise et ses modèles internes. «Il y a de nombreuses manières de tirer profit d’une réglementation, estime M. Garrouche (NGR Consulting). Par exemple, certaines institutions financières ont transformé en avantage marketing des mesures contre le blanchiment d’argent. La mise en œuvre de ces directives et les coûts qui y sont liés sont inéluctables. Donc, dans la mesure du possible, autant essayer de transformer ces contraintes en avantages vis-à-vis de ses concurrents, de les considérer comme une occasion de faire des investissements judicieux. Mais pour tirer les meilleurs avantages d’une mesure, il faut l’anticiper du mieux possible.»

Les enjeux et les impacts attendus de certaines réglementations font que de nombreuses entreprises ne peuvent tout simplement pas faire autrement. «Au-delà du simple aspect de conformité à la loi, l’entreprise doit regarder comment tirer le meilleur parti de cet environnement qui change, explique Nathalie Mege (Accenture). Des opportunités business peuvent se présenter. La directive MiFID, par exemple, exigeait des banques qu’elles collectent un certain nombre d’informations concernant leurs clients. Ces informations collectées, il aurait été dommage de ne pas les utiliser pour mieux les connaître, mieux répondre à leurs besoins. Face à de nouvelles mesures, on le sait, les compétiteurs de l’entreprise, eux aussi, vont bouger. Personne ne peut se permettre de ne pas se repositionner.»

Reste que tant qu’un texte n’est pas voté à l’échelle nationale, il y a toujours un risque d’entreprendre trop vite des bouleversements internes. Et il n’est pas rare que ces textes soient longuement discutés pour n’être, au final, adoptés qu’au tout dernier moment prévu par la période officielle de transposition établie par la Commission européenne… voire au-delà. Entre être trop attentiste ou trop avant-gardiste, l’entreprise doit donc faire un choix. De préférence le bon. «Il convient de démarrer le chantier autour des points pour lesquels on estime qu’il y aura le plus d’impact, ceux où on a la certitude qu’il y aura des changements conséquents, préconise Robin Marc. Cela ne peut être déterminé que par un bon diagnostic au départ. Sur les sujets nécessitant encore quelques clarifications, des hypothèses d’interprétation, basées notamment sur les positions de la Place, pourront être prises pour continuer à avancer sereinement, au risque de devoir faire quelques réajustements par la suite.»

«Il n’y a pas de solution miracle par rapport à cela, poursuit Jean Diederich. Il est toujours question d’une évaluation des risques. Il faut, pour cela, être bien informé et s’entourer de consultants compétents. Cela afin d’établir un ordre de priorité en prenant en compte, d’une part, l’avantage compétitif que l’entreprise peut prendre en mettant en œuvre certains changements et, d’autre part, les risques qui y sont liés.»

 

Régulation - De nouveaux services

Les modifications réglementaires seront peut-être l’occasion, pour une institution financière, d’externaliser certaines activités pour préserver son efficience. Mieux, il semblerait que ces modifications puissent permettre à un nouveau marché de services d’émerger. C’est en tout cas ce que désire NGR Consulting. «Le régulateur va continuer à être un facteur important de coût, explique Nordine Garrouche. Or, est-ce le métier de la banque de s’occuper de ces nombreux aspects liés à la régulation, comme le reporting légal? Dès lors, nous avons voulu apporter une nouvelle solution en créant une série de services qui vont répondre à l’évolution réglementaire. Nous avons créé une structure qui doit permettre aux institutions financières de répondre à leurs obligations réglementaires, de la meilleure manière possible et sans que cela ne leur coûte trop cher.» A travers un PSF du nom d’Opexia, qui a déjà trouvé un client, les institutions financières pourront externaliser une série de devoirs qui leur incombent.