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Jean-Yves Leborgne, portfolio manager chez ING Luxembourg 

Le climat économique général actuel est-il favorable pour investir quand on est un particulier?

«L’environnement macroéconomique actuel revêt quelques différences majeures sur le plan mondial. En effet, autant la croissance est au rendez-vous aux États-Unis depuis plusieurs trimestres, autant elle tarde à se manifester en Europe et en particulier dans la zone euro, qui fait face à plusieurs défis majeurs: besoin impérieux de réformes pour certains pays (France, Italie, Belgique), lutte contre le risque de déflation et accélération de l’offre de crédit bancaire auprès des entreprises et des particuliers nécessaire pour relancer la machine économique et la consommation. Du côté des pays émergents, l’Asie semble avoir évité le pire, mais l’Amérique latine menace de sombrer dans la ‘stagflation’ (stagnation de la croissance économique et hyperinflation). Bref, même si la situation n’est pas reluisante partout, il n’est pas trop tard pour s’intéresser aux marchés financiers et nous privilégions avant tout les actions européennes et émergentes qui offrent encore des valorisations attractives par rapport aux obligations, lesquelles sont pénalisées par des taux extrêmement bas, notamment en Europe (le taux à 10 ans allemand a atteint récemment un plus bas historique). Et même si les bourses ont été parfois instables cette année, n’oublions pas que ces périodes de volatilité constituent généralement de bons points d’entrée pour quiconque veut rentabiliser son investissement.

Quels sont les produits a priori plus accessibles pour un premier investissement?

«Tout dépend de l’aversion au risque de l’investisseur, de sa connaissance des marchés ou du temps qu’il est prêt à y consacrer. Pour un premier investissement, nous conseillons vivement de privilégier les fonds de placement. Ils offrent une plus grande diversification pour une moindre prise de risque. Le gérant du fonds, à l’aide de divers outils d’analyse, va sélectionner et pondérer lui-même les actifs susceptibles de croître plus vite que le marché. On parle alors de ‘gestion active’. À cet égard, il faut distinguer diversification et empilage: sélectionner des gérants de qualité sur chaque classe d’actifs est important, mais ‘empiler’ des gérants de qualité sur une classe d’actifs unique n’apporte que peu de diversification. Autre possibilité: les trackers, ou certificats indiciels. Ce sont des instruments qui répliquent la performance d’indices boursiers ou obligataires. On parle alors de ‘gestion passive’, car ce type d’instruments ne fait que répliquer fidèlement les performances d’un marché de référence. Pour les investisseurs plus expérimentés, l’achat d’actions ou d’obligations en lignes directes peut s’envisager, à condition d’opter là aussi pour une large diversification géographique et sectorielle. La notion de portefeuille prend ici tout son sens: il ne s’agit pas d’une simple sélection de valeurs ‘coup de cœur’ ou d’‘idées géniales’, mais plutôt le fruit d’une construction réfléchie où chaque partie contribue à l’harmonie de l’ensemble.

Faut-il privilégier une approche sectorielle ou une approche géographique?

«L’allocation d’actifs est, de très loin, la décision primordiale en termes d’impact sur la performance. Les marchés étant à terme plutôt efficients, nous estimons qu’il serait destructeur de valeur de jouer uniquement sur des thèmes spécifiques, surtout dans le contexte actuel où les retournements de tendance peuvent être rapides et dévastateurs, ce type de fonds pouvant effectivement être perçu comme étant plus ‘volatil’. Le cœur d’un portefeuille devrait donc être constitué de fonds géographiques dont l’allocation est certes diversifiée, mais pas trop éloignée du benchmark de référence non plus (fonds investissant sur l’Europe, les États-Unis, les marchés émergents ou le Japon).Cela dit, dans un souci de diversification, des fonds dits ‘satellites’ ont toute leur place, car ils permettent d’optimiser l’allocation globale d’un portefeuille grâce à des thèmes: obligations à haut rendement, actions à dividende élevé, mines d’or ou encore les financières, dont les valorisations restent, dans l’ensemble, peu élevées.En tout cas, il est primordial d’investir ses capitaux au fur et à mesure plutôt qu’intégralement, car le risque d’entrer sur les marchés au ‘mauvais moment’ pourrait s’avérer préjudiciable pour leur rendement. La rapidité d’investissement pourra donc dépendre des opportunités de marché, surtout dans le contexte actuel.»