Selon Idea, le développement des activités de R&D est une source traditionnelle d’innovation, et donc de productivité. (Photo: Étienne Delorme / archives)

Selon Idea, le développement des activités de R&D est une source traditionnelle d’innovation, et donc de productivité. (Photo: Étienne Delorme / archives)

La dernière livraison du World Competitiveness Yearbook, publié par l’institut suisse IMD, n’avait pas manqué de relever une hausse du niveau de productivité de l’économie luxembourgeoise. Un regain de forme qui ne doit pas faire oublier que, comme le rappelle le laboratoire d’idées autonome Idea dans sa dernière publication sur son blog, la productivité du travail, quoique la deuxième plus élevée en Europe après la Norvège, a fortement décroché depuis la crise. Le recul mesuré est de 12% sur la période 2007-2012.

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Idea explique ce décrochage par la conjonction de plusieurs phénomènes: le dynamisme soutenu du marché du travail au Luxembourg et son effet sur le nombre d’heures travaillées; le maintien dans l’emploi de travailleurs dans des secteurs d’activité en souffrance durant la crise ou encore le fort recul d’activité dans les secteurs financiers et industriels qui représentent plus de 30% de la valeur ajoutée brute totale.

Ainsi, entre 2007 et 2012, la productivité apparente du travail a reculé de 18% dans les activités financières et de 34% dans les activités industrielles, alors qu’elle a progressé de 23% dans les activités liées aux transports et aux communications. «Plus généralement, trois secteurs sur quatre (représentant 82% de la valeur ajoutée totale et 85% de l’emploi) ont affiché un recul de productivité sur la période», indique Idea. 

Stagnation séculaire redoutée

«Il faut donc inverser la tendance, les gains de productivité étant la principale source de hausse du niveau de vie d’une population, et le plus ‘soutenable’ vecteur de croissance économique», rappelle l’asbl. Sa crainte est de voir le Luxembourg «stagner dans une trappe de productivité élevée (situation où une fois atteint un niveau de productivité, un pays peine à faire émerger de nouvelles sources de productivité et voit sa croissance potentielle s’affaiblir) et connaître, à mesure que la population résidente vieillit, la très redoutée stagnation séculaire (affaiblissement des perspectives de croissance à long terme).»

Idea a identifié trois leviers majeurs sur lesquels il convient d’agir: l’amélioration du contexte institutionnel (par la réduction des distorsions sur le marché du travail et des barrières réglementaires qui entravent la création de nouvelles entreprises); le développement du capital humain (au travers d’une meilleure efficacité du système éducatif afin d’élever la qualité de la main-d’œuvre) et le développement des activités entrepreneuriales et de R&D (afin notamment d’éviter que l’emploi public n’agisse comme frein à la créativité entrepreneuriale).

Le groupe de réflexion plaide, par exemple, pour la création d’une commission de la productivité (à l’instar de ce qui se fait en Australie, au Danemark ou en Nouvelle-Zélande). Cet organisme serait en charge de conduire des analyses, et de formuler des propositions concrètes sur la manière de réduire les distorsions sur le marché du travail national et d’améliorer l’environnement des affaires.

Système d’enseignement sous-performant

Constatant par ailleurs que le système d’enseignement au Luxembourg, garant du niveau de capital humain, est sous-performant, «malgré son budget conséquent», Idea estime nécessaire de réexaminer les filières professionnelles et les cursus académiques «de manière à permettre l’accès aux diplômes d’études supérieures aux enfants issus de familles défavorisées et de l’immigration, et à réduire la dispersion des résultats scolaires entre les enfants de différentes classes sociales».

Enfin, rappelant que le taux de création d’entreprises au Luxembourg est en dessous des 10% (un niveau atteint par de nombreux autres pays européens), «ce qui limite les mutations structurelles de l’économie et les possibilités d’augmenter le degré de concurrence, avec des effets induits sur l’essor de la productivité», Idea souhaite que soient levés les obstacles à la création d’entreprises et soit modernisé le cadre de l’emploi public. «Une politique d’enseignement (scolaire et universitaire) qui valorise la culture de l’entrepreneuriat est également un levier sur lequel miser», estime le think tank.

Mieux concentrer la R&D

En matière de R&D et de développement économique, Idea rappelle que le Luxembourg est considéré comme «suiveur de l’innovation» et aux portes du groupe des «champions de l’innovation» dans le tableau de bord de l’innovation de l’Union européenne, mais rappelle aussi que les dépenses totales consacrées à la R&D (1,5% du PIB) «y sont largement inférieures aux niveaux belge (2%), français (2,2%), allemand (2,8%) ou des pays nordiques (3,2% en moyenne).

Et de trouver «opportun», par ailleurs, de sortir de la logique de «multiplication» des secteurs technologiques ciblés et de, plutôt, se concentrer sur un nombre restreint de secteurs dans lesquels le Luxembourg entend devenir leader.

«Le développement des activités entrepreneuriales et de R&D sont deux sources traditionnelles d’innovation, et donc de productivité», rappelle Idea en conclusion de son blog.