Les prochaines élections communales sont une nouvelle occasion pour les femmes de grignoter quelques mandats. (Illustration: Maison Moderne)

Les prochaines élections communales sont une nouvelle occasion pour les femmes de grignoter quelques mandats. (Illustration: Maison Moderne)

Chaque élection offre une nouvelle opportunité de gagner quelques mandats, quelques points de pourcentage de parité. Une longue marche partie de loin – 2,9% de candidates aux élections législatives de 1968 –, mais loin d’être terminée, puisqu’elles étaient 34,4% lors du dernier scrutin en 2013. Sachant que 28,3% ont finalement été élues et siègent à la Chambre des députés. Le jour où, à l’inverse, les hommes devront se battre pour obtenir plus de 40% des sièges n’est pas encore arrivé.

Défenseur de la cause des femmes, Rita Knott n’en a pas moins le sens de l’équité. Dans son programme d’accompagnement destiné aux membres du «sexe sous-représenté» qui souhaitent se présenter aux élections communales, elle accepte 22% d’hommes. «78% des élus locaux sont aujourd’hui des hommes et 22% des femmes», dit-elle. «Il fallait donc être juste et maintenir ce pourcentage.»

Ancienne numéro deux dans une grande banque de la Place, Rita Knott est devenue consultante indépendante en 2008 et s’est engagée en parallèle pour soutenir la représentation des femmes dans le monde des affaires. «Les questions que me posent les femmes qui veulent monter leur entreprise sont les mêmes que celles des femmes qui sont intéressées par un engagement politique: serai-je capable de faire ça? Pourrai-je concilier cette activité avec ma vie de famille?», raconte Mme Knott. «Mon but n’est pas de les convaincre de se lancer, mais de leur faire se poser les bonnes questions.»

Le parallèle entre la vie politique et économique est d’ailleurs flagrant lorsqu’on s’intéresse aux femmes. En effet, si 22% sont des élues locales, 23% sont membres de conseils d’administration – et seulement 13% lorsqu’il s’agit d’entreprises de plus de 100 salariés –, et 19% à la direction d’entreprises de plus de 15 salariés.

Les autorités sont toutefois conscientes de ces disparités et des modifications du Code du travail et de la loi sur le financement des partis politiques ont été votées en décembre. Non seulement l’«égalité salariale entre les hommes et les femmes» a été gravée dans la loi – après avoir fait l’objet d’un règlement grand-ducal –, mais un quota de 40% à 50% du «sexe sous-représenté» est imposé dans les listes électorales déposées par les partis, si ceux-ci veulent bénéficier de la totalité des aides financières de l’État.

Cet engagement, qui figurait dans le programme de la coalition Gambie, a donc été respecté. Même s’il n’emporte pas l’enthousiasme du Conseil national des femmes luxembourgeoises (CNFL). «C’est symbolique», commente Anik Raskin, sa chargée de direction. «En Belgique, le dépôt d’une liste bloquée non paritaire ou qui ne comporterait pas de double candidature à sa tête peut être refusé et c’est plus efficace que les sanctions financières.» D’autant que de nombreux partis préfèrent encore payer ces pénalités plutôt que de se donner la peine de remplacer des candidats par des candidates.

En outre, la loi du 15 décembre 2016 ne réserve ces sanctions pécuniaires qu’aux élections législatives et européennes. Car la parité s’avère difficile à mettre en œuvre au niveau communal tant que les communes de moins de 3.000 habitants resteront soumises au scrutin majoritaire. «Il faudrait un scrutin proportionnel partout», souligne Anik Raskin. Et encore, avec des listes bloquées, puisque le panachage en vigueur permet à un électeur de ne choisir que des hommes – ou que des femmes – sur une liste.

«Les quotas étaient très mal vus il y a 10 ans, mais maintenant la conscience est là», souligne Monique Stein, responsable de la politique communale d’égalité entre femmes et hommes au sein du CNFL. Restent certaines barrières tenaces à la direction des partis, comme le maintien de quatre circonscriptions dans le pays alors qu’une circonscription unique faciliterait l’élaboration de listes paritaires. «Personne ne remet en question les quotas géographiques, auxquels les gens sont très attachés parce qu’historiquement on votait par canton, alors pourquoi pas des quotas pour les femmes, qui représentent la moitié de la population?», glisse malicieusement Catia Gonçalves.

De son côté, le ministère de l’Égalité des chances (Méga), sous la houlette de la très expérimentée Lydia Mutsch, ancienne bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, a «lancé une campagne de sensibilisation». Site internet (votezegalite.lu), séances d’information dans les communes, conférences… L’effort est important et l’objectif double: faire naître des vocations politiques chez les femmes et amener l’électorat à se sentir aussi bien représenté par la gent féminine que masculine. Le CNFL lancera lui aussi sa campagne de sensibilisation au printemps.

L’un des projets financés par le Méga a d’ailleurs connu une notoriété inattendue tant il a déchaîné les passions. Il s’agit de la campagne «Madame on tour», imaginée par la députée Cécile Hemmen, présidente de la commission de l’égalité des chances et aussi de la circonscription Centre pour le LSAP, dont l’affiche représentait un sac à main affublé de lèvres rouges et d’une fermeture éclair. «Un sac plein d’idées», mais aussi de clichés selon Catia Gonçalves, alors présidente des Femmes socialistes, furieuse que son association n’ait pas été invitée aux réflexions sur ce logo controversé. «Je ne suis pas partisane de l’adage ‘la mauvaise publicité est de la publicité’, et j’estime qu’il existe une sacrée différence entre vendre des produits selon les règles du marché et faire adhérer les gens à un projet politique.»

Tournée sulfureuse

La polémique, qui a conduit à la démission de Catia Gonçalves, démontre que le combat pour la parité politique n’est pas une voie unique. L’ancienne élue de Pétange et la bourgmestre de Weiler-la-Tour militent pour la même cause. «J’ai eu l’impression d’une différence générationnelle dans la perception de la campagne», confie Catia Gonçalves, qui a reçu beaucoup de soutiens de jeunes femmes estimant la campagne désuète au 21e siècle, «alors que beaucoup de femmes plus âgées l’ont prise à la rigolade» et n’y ont vu aucun mal.

Derrière les prises de bec et les divergences sur les moyens de parvenir à une politique plus féminisée, un constat commun: l’électorat constitue un obstacle moins insurmontable que le manque de confiance en soi des femmes elles-mêmes. Car si 81% des femmes luxembourgeoises ne considèrent pas la politique comme une affaire d’hommes, elles ne sont que 16% à se déclarer politiquement actives, selon un sondage TNS Ilres de février 2016. «Les femmes ont trop souvent le syndrome de l’imposteur, pensent qu’elles n’en font pas assez ou qu’elles sont redevables de leurs succès, c’est un véritable défi psychologique», acquiesce Catia Gonçalves, qui a vu tant de militantes ne pas oser se lancer d’elles-mêmes dans la course électorale.

Il ne suffit pas que les femmes sortent de chez elles, il faut que les hommes rentrent…

Anik Raskin, chargée de direction, CNFL

Mais le défi concerne finalement la société dans son ensemble. «L’inégalité des sexes n’est plus intentionnelle, mais une question de fonctionnement de la société et de l’articulation entre vie publique et vie privée», insiste Anik Raskin. «Pour renverser la vapeur, il faut changer les façons de faire de la politique en arrêtant de prévoir des réunions entre 12h et 14h et dans la soirée pour donner une chance aux femmes de rentrer à la maison pour être avec leurs enfants», estime également Françoise Hetto-Gaasch, députée et en charge auprès du CSV de recruter de la gent féminine pour les prochaines élections. «Il faut aussi que, à l’intérieur du couple, les hommes soutiennent davantage leur femme.» Car celles qui s’investissent dans le bénévolat ou la politique s’infligent «une double, voire une triple journée», commente Anik Raskin, entre le travail, les tâches domestiques et l’éducation des enfants, et leur engagement. «Il ne suffit pas que les femmes sortent de chez elles, il faut que les hommes rentrent…» Or, nombreux sont ceux qui se posent la même question que Laurent Fabius lorsque Ségolène Royal s’était présentée à l’investiture du Parti socialiste pour l’élection présidentielle française de 2007: «Qui va garder les enfants?»

Rita Knott
Parcours gagnant
Entrée en tant que secrétaire de direction dans les bureaux luxembourgeois de la banque israélienne Hapoalim en 1982, Rita Knott en est sortie 26 ans plus tard en tant que directrice adjointe et membre du comité de direction. En 2008, elle décide de se mettre à son compte en créant son propre cabinet de coaching. En parallèle, elle va lancer l’antenne luxembourgeoise du Female Board Pool en mars 2011, une initiative internationale qui permet de favoriser l’accès des femmes aux conseils d’administration des grandes entreprises. Puis, toujours en 2011, le programme Luxembourg Pionnières, pour soutenir les femmes qui souhaitent créer des entreprises au Grand-Duché. Son dernier engagement pour la cause féminine est celui du programme d’accompagnement des candidates aux élections communales de 2017.

Paroles de femmes politiques

Carole Thoma (Déi Lénk)
«Comme femme, je dirais qu’il est difficile de s’imposer dans les discussions. En général, les hommes ont une manière plus agressive de discuter, pendant que les femmes ont parfois des problèmes à être entendues et écoutées.»

Sam Tanson (Déi Gréng)
«Il faut faire évoluer les mentalités et ça c’est un travail de longue haleine. Ce n’est pas une faiblesse d’avoir une famille qui constitue une priorité pour une femme politique, mais une force. Et cela vaut d’ailleurs tant pour les femmes que pour les hommes.»

Françoise Hetto-Gaasch (CSV)
«Changer les façons de faire de la politique en arrêtant de prévoir des réunions entre midi et deux et dans la soirée pour donner une chance aux femmes de rentrer à la maison pour être avec leurs enfants: voilà comment les choses devraient évoluer.»

Sylvie Mischel (ADR)
«Ce n’est que la solidarité féminine, peu importe leur couleur politique, qui pourra faire changer les choses afin de voir plus de femmes aboutir aux conseils communaux, à la Chambre des députés et au Parlement européen. Mais ce changement devra s’opérer de l’intérieur et venir d’elles-mêmes.»

Joëlle Elvinger (DP)
«Il est vrai que les femmes sont sous-représentées dans les conseils communaux et à la Chambre des députés. Les partis politiques devront faire des efforts pour encourager davantage de femmes à être candidates aux élections.»

Taina Bofferding (LSAP)
«Il n’y a pas de moyen plus efficace et plus direct que les partis politiques pour permettre aux femmes d’accéder à des fonctions et mandats. Cependant, ils doivent se remettre eux-mêmes en question et promouvoir de manière proactive et ostensible une politique en faveur d’un équilibre entre les sexes.»