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Pas une page de Une n'y a évidemment échappé, quelle que soit la sensibilité politique de la publication. On notera juste avec amusement qu'aux traditionnels "portraits", en noir et blanc ou en couleur, le Lëtzebuerger Journal a préféré, mardi, une photo sépia prise en 1979 du dernier gouvernement présidé par Pierre Werner, sous la mention "Luxembourg pleure le ministre d'Etat honoraire Pierre Werner".

De son côté, Le Quotidien préférait rendre hommage à "un bâtisseur", et la Voix du Luxembourg à "un visionnaire". Le Jeudi, compte tenu du décalage, s'est contenté pour sa part d'une manchette évoquant "le forgeron de l'euro". Même le d'Lëtzebuerger Land, ce vendredi, consacre toute sa Une à cet homme d'Etat dont le côté "visionnaire" est également mis en avant.

Unanimité, c'est le mot qui sied le mieux aux hommages rendus, au-delà du traditionnel consensus qui prévaut dans ces moments particuliers. "Je ne connais aucun homme politique européen qui ait dit ou écrit sur lui des choses désagréables" témoigne ainsi Gilbert Trausch, dans le Luxemburger Wort, qui reconnaît en l'ancien premier ministre luxembourgeois "clairvoyance, indépendance d'esprit et conception de l'intérêt national': "Pour parler familièrement, on peut dire qu'il voyait plus loin que le bout de son nez, ce qu'on ne peut pas dire de tous les hommes politiques, luxembourgeois ou européens".

Danièle Fonck, dans le Tageblatt, évoque aussi ses souvenirs de journaliste; "Il était un homme respectable, chose moins courante qu'on ne le croit" écrit-elle, se rappelant les bouquets de jasmin qu'il lui offrait tous les soirs, lors d'une visite officielle en Tunisie, parce qu'elle était l'unique femme de la cohorte de journalistes couvrant l'événement. "Ses successeurs sont-ils capables de pareils gestes gratuits ?"

Au-delà de cette anecdote, la Directrice adjointe et Rédactrice en chef adjointe du quotidien eschois évoque aussi le respect et l'estime dus à l'intelligence de cet "Européen de c'ur": "Il ne se contentait pas d'acquiescer aux propositions des autres. Il en faisait de meilleures".

Autre parole de femme journaliste: celle de Geneviève Montaigu, ancienne responsable, pendant plus de 30 ans, de l'édition luxembourgeoise du Républicain Lorrain, qui témoigne, dans Le Quotidien, du "talent et de la lucidité généreuse de M. Werner au cours de ses interventions baignées de grande sagesse, donc écoutées avec un grand intérêt". Et d'évoquer, également, ces longs entretiens informels, même en plein milieu de la nuit, dans la continuité de grands et interminables sommets internationaux.

Toujours dans Le Quotidien, Paul Bever évoque le contraste entre "un port altier et une apparence sévère" d'une part et "une âme profondément humaine" d'autre part, en proie, parfois, au doute. "Il n'y a que la modestie qui a pu lui inspirer ces doutes" tient à préciser le journaliste.

Autre grande plume à se souvenir: Jean-Marie Denninger, qui se penche aussi sur l'homme tout court, "se promenant dans les rues de la ville, un de ses quatorze petits-enfants sur les épaules, un sourire radieux éclairant son visage", mais aussi amateur de Claudel, de piano, de kayak ou de jardinage.

L'unanimité, c'est également la vision exprimée par Jean Portante dans Le Jeudi, témoin du foisonnement de superlatifs exprimés dans la presse nationale et internationale: "Si tout le monde n'a pas partagé ses vues, tant sur le plan politique qu'en matière de philosophie ou de religion, nul n'a jamais douté de son honnêteté intellectuelle, ni de son ouverture d'esprit, secondée d'une saine humilité".  

"Acharnement", "ténacité", "perspicacité", "témérité": ce sont les termes employés par Mario Hirsch, ce vendredi, à la Une du d'Letzebuerger Land, qui rappelle qu'au début des années 80, au moment de se lancer dans la grande aventure de la Société européenne des satellites, "à peine une poignée de nos compatriotes avait le cran de suivre l'homme d'Etat dans sa démarche courageuse et téméraire. Il est bon de rappeler cela à un moment où tout un chacun revendique sa part de paternité dans le succès incontestable qu'est devenu d'abord SES Astra puis SES Global'.