Henri Grethen plaide pour une stabilité fiscale, tant pour les personnes physiques que les entreprises. (Photo: Julien Becker / Archives)

Henri Grethen plaide pour une stabilité fiscale, tant pour les personnes physiques que les entreprises. (Photo: Julien Becker / Archives)

Autrefois ministre des transports – on lui doit l’introduction du permis à points – Henri Grethen s’est retiré de la vie politique nationale pour occuper des fonctions européennes au sein de la Cour des comptes. Une vigie privilégiée pour observer son pays. Parmi les enjeux pour le futur du pays, il donne sa priorité à l’éducation nationale.

«Lorsque j’étais sur les bancs de l’école, je me souviens que tous les élèves étaient luxembourgeois sauf un, qui était étranger. L’inverse est quasiment devenu la réalité de nos jours», lance l’ancien élu DP.

Au-delà du trait volontairement forcé, Henri Grethen pointe l’importance de (re)penser le système éducatif pour favoriser l’intégration des jeunes au sein de la société, mais aussi pour leur donner un emploi via une qualification.

«L’économie crée encore des emplois, mais nous constatons que les jeunes luxembourgeois ne peuvent en décrocher, faute de diplômes nécessaires ou de motivation envers l’emploi vacant.»

Finances et État providence à maîtriser

Si le système éducatif apparaît comme un chantier permanent, Henri Grethen prône en revanche un retour rapide à la maîtrise des finances publiques.

«Nous ne pouvons pas continuer à dépenser plus que ce que nous gagnons. Il faut donc être prudent et analyser les pistes d’économies plutôt que de favoriser une augmentation des impôts pouvant potentiellement entraîner le départ de certains ménages, a fortiori chez les plus fortunés.»

Les appels que peuvent lancer certains pays concurrents via l’annonce d’avantages fiscaux ne doit pas être éludé, tant pour les personnes physiques que les entreprises.

«Il faudra par ailleurs introduire davantage de sélectivité dans notre système social», ajoute Henri Grethen en estimant que la dernière version de la réforme des retraites ne va pas assez loin.

Une échéance de six mois

Autant de mesures, parfois douloureuses, qu’il faudra expliquer et que le futur gouvernement devra prendre rapidement s’il veut tenir bon.

«Quel que soit le gouvernement qui sortira des urnes, je ne peux que lui conseiller de finaliser son programme avec le plus de précision possible», ajoute Henri Grethen. «Mais il sera aussi impératif qu’il prenne les décisions désagréables, mais néanmoins nécessaires, dans un délai de six mois après les élections, s’il ne veut pas voir son action gênée par divers groupes de pression.»

Parmi le lot de décisions impopulaires figurera peut-être une adaptation de l’index, même si beaucoup de partis déclarent vouloir le maintenir, d’une manière ou d’une autre. Henri Grethen suggère de l’examiner sous l’angle de la compétitivité du pays.

«Il faut constater que notre compétitivité s’érode notamment en raison des coûts salariaux. Nous devons, ici aussi, veiller à ne pas perdre nos avantages comparativement à nos pays voisins, surtout lorsqu’il est question de faire du Luxembourg un centre de logistique, secteur fort demandeur en main-d’œuvre.»

Ne pas créer une législation à la carte

L’ancien ministre de l’Économie recommande la même vigilance à l’égard de l’industrie des fonds d’investissement. «Il faut veiller à ce que les fonds luxembourgeois ne soient pas pénalisés par une fiscalité trop importante ou par une hausse, par exemple, de la taxe d’abonnement.»

Occupé par l’une des institutions européennes présentes au Luxembourg comme le prévoient les traités européens, Henri Grethen n’imagine pas son pays dans un autre rôle qu’est le sien dans l’espace communautaire. Dans le même temps, s’il comprend la mouvance d’harmonisation paneuropéenne, elle doit comporter des limites.

«Je pense par exemple que les bases fiscales en matière de TVA peuvent faire l’objet d’un alignement, mais les taux doivent, en revanche, rester dans le giron des pays membres. Il est dans l’intérêt des citoyens de conserver une certaine compétition entre les pays.»

Cet européen convaincu observe aussi le débat qui anime la campagne autour du droit de vote des résidents étrangers, sur base de l’arsenal législatif existant.

«Je pense qu’il est une bonne chose d’élargir le droit de vote, mais si nous voulons garder une cohérence en matière d’intégration, cela devrait passer par la double nationalité plutôt qu’une législation à la carte.»

Et Henri Grethen d’inviter à revoir les exigences linguistiques pour obtenir le passeport Luxembourgeois. Celles-ci devraient être assouplies, notamment pour les personnes les plus âgées.