François Neu (HelioSmart) : « Je m’étonne de rencontrer des industriels qui n’ont aucune visibilité sur leur consommation.» (Photo : Olivier Minaire)

François Neu (HelioSmart) : « Je m’étonne de rencontrer des industriels qui n’ont aucune visibilité sur leur consommation.» (Photo : Olivier Minaire)

La start-up basée à l’Ecoparc de Windhof offre aux entreprises et aux collectivités publiques des solutions innovantes pour dépenser moins et mieux dans l’énergie. Un développement à l’international est d’ores et déjà prévu pour la société à peine âgée de cinq mois.

Dans le cadre du protocole de Kyoto, le gouvernement s’est fixé comme objectif d’augmenter substantiellement la part d’énergies renouvelables dans la consommation finale énergétique et de ramener, entre 2008 et 2012, ses émissions de gaz à effet de serre à 72 % de ce qu’elles étaient en 1990.

Pour ce faire, un programme d’aides gouvernementales vise à aider les particuliers et les entreprises à consommer moins d’énergie. Pourtant, alors que pour ces dernières les aides peuvent couvrir jusqu’à 40 %, trop peu y participent. Par exemple, seulement une cinquantaine de PME ont introduit une demande depuis l’instauration de la mesure, en 2005.

L’augmentation du prix des énergies fossiles devrait en principe accélérer les passages au vert. Or, si l’énergie solaire revient bien sur le devant de la scène médiatique, c’est davantage dans la rubrique « dépôts de bilan ». Quatre fabricants allemands de capteurs solaires ont en effet suivi la procédure depuis décembre ; parmi eux, Q-Cells, en avril.

Mais la direction d’Heliosmart n’en a cure. Elle croit dur comme fer à son business model. La start-up est née en octobre dernier du rapprochement de trois entreprises complémentaires pour former une offre complète de solution énergétique : Enerdeal, All-in-one Technologies et SolarPower.

La première a pour vocation le développement de grandes installations photovoltaïques pour le monde industriel. Elle a, au cours de ces deux dernières années, développé son portefeuille clients en Belgique – d’où ses associés sont originaires – avec de grands noms comme les supermarchés Delhaize. Elle apporte l’expertise techn­ologique sur la production d’énergie.

All-in-one Technologies amène celle sur la consommation et l’économie d’énergie, au moyen d’outils de supervision suisses. Enfin, SolarPower fournit les solutions de tiers investisseur et d’opérateur, se focalisant davantage sur les volets financiers et fiscaux.

Selon François Neu, cofondateur d’Heliosmart, le marché luxembourgeois du renouvelable va bien. Il s’est réveillé en 2011 parallèlement à l’augmentation du coût du pétrole, du gaz et de l’électricité. Pour lui, dans un contexte de globalisation et d’ouverture des frontières, la problématique de la compétitivité prend de plus en plus de poids. « Je m’étonne de rencontrer, encore aujour­d’hui, des industriels qui n’ont aucune visibilité sur la consommation d’énergie de leur entreprise », dit-il pour dévoiler la brèche dans laquelle il essaie de s’engouffrer. Il précise même que la seule intervention de la société All-in-one, par une meilleure régulation et une récupération de chaleur, permet d’économiser autour de 25 % sur ses dépenses en matière d’énergie. 

Mais Heliosmart ne propose pas seulement aux entreprises de réduire leur facture énergétique, elle leur permet aussi de consommer propre. « Notre leitmotiv, selon le managing partner, est d’aider les grandes entreprises à avoir une démarche énergétique stratégique et non opportuniste. Nous offrons une approche intégrée mêlant production d’énergie verte et économie d’énergie noire. » Selon la logique de la start-up, la marge générée dans la production d’énergies renouvelables permettra aux entreprises d’investir dans des solutions de monitoring. Et cela demande un engagement financier assez lourd avec un retour sur investissement assez lointain ; de l’ordre de 6 ans estime M. Neu. « Mais la combinaison de la production d’énergie renouvelable, notamment par le système de compensation, et des investissements pour l’économie d’énergie vont permettre d’accélérer la rentabilité », dit-il.

Rentabilité accélérée

Le Luxembourg octroie en effet un système de compensation, c’est-à-dire de tarif de rachat. L’État garantit que la production électrique sera rachetée pendant 15 ans à un taux bien défini. Ce qui permet aux investisseurs davantage de sécurité et aux banques de prêter plus facilement… si le taux est maintenu.

Dans le cas contraire, les faillites guettent comme en France ou en Allemagne. Nonobstant, le dirigeant de Heliosmart parle de contacts qui apporteraient entre 5 et 10 millions d’euros de capital. Car la jeune entreprise s’est aussi équipée d’un bras de financement avec Heliosmart Invest, une société de tiers investisseur pour les industriels qui, en des temps incertains, ne souhaiteraient pas investir un montant trop important dans la production et l’économie d’énergie. La start-up propose donc une sorte de leasing énergétique. Au terme d’une vingtaine d’années, les entreprises peuvent jouir de l’installation photovoltaïque. Et on parle là déjà de gros sous pour une start-up. Elle est d’ailleurs capitalisée à hauteur de 250.000 euros et le chiffre d’affaires d’Heliosmart devrait, en 2012, s’élever entre 8 et 10 millions d’euros.

Expansion résolue

Mais le tissu industriel luxembourgeois est trop petit pour assurer seul la pérennité de l’entreprise. Si elle compte des clients au Grand-Duché – comme Guardian –, elle doit regarder au-delà des frontières pour parvenir à son objectif de vendre cette année 4 ou 5 mégawatts de capacité de production. Des contacts sont déjà établis en Belgique, car la dimension naturelle d’Heliosmart, selon ses associés dirigeants, se trouve d’abord en Grande Région, ensuite dans l’Union européenne.

En termes d’effectifs, par le rapprochement des trois sociétés, Heliosmart rassemble aujourd’hui une trentaine de personnes. Avec une majorité d’ingénieurs, mais aussi des profils financiers et des juristes, pour assurer une structuration relativement complexe.

L’ambition pour la fin 2013 est d’ouvrir trois filiales à l’étranger et de compter une cinquantaine d’employés dans le groupe consolidé. Heliosmart commence donc à travailler la communication. Elle faisait défaut jusque-là. « Il y a des gens qui vendent avant d’avoir fait leurs preuves. Nous avons pris le parti inverse », explique le managing partner.

Il s’avoue d’ailleurs très confiant sur l’avenir des affaires. Les progrès technologiques et la démo­cratisation du photovoltaïque y participent. Les solutions en termes d’énergies renouvelables deviennent de plus en plus rentables... avec des capteurs essentiellement fabriqués en Asie. « Nous travaillons même sur des projets de production d’électricité sans tarif de rachat qui pourraient s’avérer rentables économiquement », confie François Neu.

D’autres projets sont dans les cartons, à commencer par des collaborations avec les collectivités locales. Des estimations ont été conduites pour évaluer le potentiel énergétique de panneaux solaires posés sur des écoles et halls sportifs. Heliosmart essaie de développer des groupements d’intérêt économique.

« Nous avons développé une offre qui pourrait permettre aux propriétaires, publics ou privés, sans dépenser le moindre euro, de produire de l’énergie renouvelable, d’économiser de l’énergie et d’associer les citoyens », détaille-t-il.

Une conférence, prévue le 18 avril à Luxembourg, a pu présenter la start-up aux industriels. KPMG et Progroup y étaient associés. La première cautionnait en quelque sorte l’intérêt financier et fiscal de l’investissement. La deuxième, bureau d’ingénieurs-conseils spécialisés dans les constructions innovantes, faisait figure d’alibi technique. Et leur seule présence témoignait d’une certaine confiance en l’aventure sous le soleil.

 

CV - Vendeur de vert

François Neu, 43 ans, est titulaire d’un diplôme d’ingénieur et d’un MBA. Il a exercé dans des multinationales (Lafarge, Total, Hamon) pour lesquelles il s’est spécialisé dans le développement d’affaires et l’énergie. Il a ensuite quitté les FMN (firmes multinationales) pour une start-up, Ariba (rachetée par un groupe américain), puis la banque (chez feu Dexia BIL) et s’est perdu dans la consultance dans le secteur financier, « pas mon monde », confie-t-il. Il a finalement retrouvé son chemin et ses premières amours de l’ingénierie et du développement de projet en cocréant Heliosmart.