Hervé Burger (Photo: Julien Becker / archives )

Hervé Burger (Photo: Julien Becker / archives )

En utilisant à plusieurs reprises le vocable «unanimous» lors de sa conférence de presse de jeudi dernier, Mario Draghi, le président de la BCE, a voulu rassurer sur les divergences de vue entre les membres du conseil des gouverneurs de la Banque Centrale après que la presse anglo-saxonne ait fait ses choux gras, en début de semaine dernière, de tensions et dissensions au sein de la vénérable institution.

Certaines personnalités du conseil trouveraient  les propos de Monsieur Draghi trop agressifs. En particulier l’indication que la taille du bilan de la BCE devrait retrouver à moyen terme son niveau  de fin mars 2012 – soit une augmentation de la base monétaire d’environ 1000 milliards d’euros par rapport à son niveau actuel – aurait été sévèrement critiquée.

Qu’en penser? Revenons tout d’abord à des faits simples. En cette fin d’année, la zone euro reste un des grands malades de l’économie mondiale avec une croissance en 2014 qui devrait atteindre 0,8 % selon les dernières projections du FMI, après la désastreuse année 2013 (-0,4%).

Rappelons, que dans le même temps, les États-Unis vont croitre de 2,2 % cette année (2,2 % en 2013), le Royaume-Uni  de 3,2%, et les pays émergents  de 4,4% (la Russie et le Brésil étant les maillons faibles de cette zone).

L’inflation, quant à elle, reste à des niveaux dangereusement bas dans la zone euro avec une progression en glissement annuel de 0,3 % des prix à la consommation (1,7 % aux USA). L’Italie avec une «progression» de -0,1% et l’Espagne (-0,3 %) sont bien en situation de déflation. Nous sommes  loin de l’objectif  officiel de la BCE d’une inflation légèrement inférieure à 2%. Nous passerons sous silence la chute des prix à la production (PPI) dans le rouge depuis de nombreux mois

Dans un tel contexte de croissance économique et d’inflation faible, la plus grande menace qui plane sur la zone euro est la grande difficulté de baisser l’endettement public (ratio dette/ PIB) même, et c’est paradoxal, en menant des politiques budgétaires «d’austérité». Le cas de l’Italie est très aigu et Monsieur Draghi a pleinement conscience de la situation de son pays natal. La politique monétaire ne peut certes pas tout mais peut permettre de gagner du temps en attendant que des mesures structurelles puissent enfin se mettre en place (sur le marché du travail en France par exemple).

Les deux LTRO de 500 milliards d’euros avaient conduit la taille de bilan de la BCE vers le niveau de 3.000 milliards fin mars 2012. Les remboursements progressifs par les banques avaient ensuite naturellement réduit cette taille (voir graphe courbe bleue).

Dans le même temps, la réserve fédérale américaine avait poursuivi ses achats de Tbonds et  de titrisations (ABS), avant de les réduire progressivement depuis le début 2014 (ce qu’on a appelé le «tapering») et de les abandonner en octobre (courbe rouge).

La Banque centrale du Japon a quant à elle mis le pied sur l’accélérateur fin octobre avec  un second round annoncé d’assouplissement monétaire quantitatif suite à la performance difficile de l’économie japonaise au cours de l’été.

Dans un tel contexte peut-on sérieusement reprocher à Mario Draghi son agressivité quand il fait part de son intention de revenir à la taille de bilan de mars 2012 ?

Nous ne le pensons vraiment pas. Rappelons qu’après les mouvements de juin et septembre, les baisses de taux sont derrière nous et qu’il ne reste dans la panoplie du banquier central que l’assouplissement quantitatif.