Yvette Hamilus, liquidatrice de Landsbanki, règle ses comptes avec le juge français et avec les magistrats de la Cour d'appel.  (photo: Jessica Theis / archives)

Yvette Hamilus, liquidatrice de Landsbanki, règle ses comptes avec le juge français et avec les magistrats de la Cour d'appel.  (photo: Jessica Theis / archives)

Les propos sont assurément inconvenants, voire insultants vis-à-vis de certaines victimes des prêts toxiques de type «equity release» accordés par la banque Landsbanki, quelques mois avant son défaut de paiement fin 2008. «Il y a beaucoup de différence entre les soi-disantes victimes «equity release» qui se la coulent douce sous le soleil de Provence, le verre de rosé à la main, et ces Islandais qui n’ont toujours rien reçu»: ainsi parle Me Yvette Hamilius dans une très consensuelle interview de la liquidatrice parue ce mardi dans le Wort.

Elle évoque le «succès» de sa liquidation du point de vue luxembourgeois d’abord: un montant de deux milliards d’euros récupérés sur un passif de 2,4 milliards, «nos» déposants et salariés indemnisés à 100% et la BCL ayant joué les pompiers de la banque en lui faisant un prêt de 1,3 milliard d’euros, qui a récupéré sa mise. Seule ombre au tableau, selon Yvette Hamilius, les (derniers) créanciers en Islande, ces déposants islandais de Landsbanki «qui ont perdu leurs avoirs pour leur retraite».

Rentiers sirotant du rosé

La liquidatrice considère donc toujours – comme si d’ailleurs certains créanciers valaient mieux de qu’autres – que les victimes ayant hypothéqué leurs maisons en garantie en Espagne ou dans le sud de la France en contrepartie des prêts avantageux qui se révèleront toxiques, étaient des retraités désoeuvrés et privilégiés (et sans considération d’ailleurs pour leurs enfants, car pour eux «l’héritage comptait peu, ils voulaient de l’argent pour dépenser») sirotant leur petit Côtes-de-Provence bien au frais sous la pergola de leurs mas. Or, la réalité est un peu différente, certaines étant obligées de louer leur maison pour pouvoir payer des traites impayables, alors que les commerciaux de la Landsbanki les avaient assurés que les montants investis dans les produits d’assurance dégageraient des intérêts suffisants pour rembourser le prêt après 20 ans.

À la demande d’un collectif de victimes, les magistrats luxembourgeois de la Chambre du conseil de la Cour d’appel ont considéré en juillet qu’il y avait «des indices permettant de croire que la commercialisation du produit financier 'equity release' a été opérée au moyen de procédés malhonnêtes susceptibles de recevoir la qualification d’escroquerie» et qu’en demandant comme elle le fait le remboursement des prêts, Yvette Hamilius était susceptible de blanchir des fonds. D’où l’enquête qu’ils ont demandé à un juge d’instruction luxembourgeois d’ouvrir.

La liquidatrice soutient mordicus ne pas avoir trouvé le moindre indice «qu’il y aurait eu erreur ou dol» («pas la moindre infraction pénale», répète-t-elle dans l’interview). «Et ne parlons même pas d’escroquerie. Aucun tribunal n’a retenu d’escroquerie», poursuit-elle comme en écho aux magistrats luxembourgeois, justifiant ainsi le fait qu’elle n’ait pas jusqu’à présent porté plainte.

Van Ruymbeke, avocat des victimes?

Le montage, complexe, mis en place par les commerciaux impliquait que l'emprunteur reçoive une partie de la somme (entre 25 et 30%), tandis que la banque réinvestissait le reste sur les marchés. La valeur de ce portefeuille devait grossir au point de couvrir l'intégralité de l'emprunt, qui n'était remboursable qu'à son terme.

Yvette Hamilius règle aussi ses comptes avec le juge d’instruction français, Renaud Van Ruymbeke  qui a bouclé en septembre son enquête en inculpant une dizaine de personnes ainsi que la banque luxembourgeoise et en plaçant sa liquidatrice comme «témoin assistée». Le magistrat lui avait auparavant imposé une caution de 50 millions d’euros, du jamais vu, qu’elle n’a jamais payée. Ce qui a poussé Van Ruymbeke à saisir les créances qu’elle avait sur les créditeurs, ce qui l’empêche de vendre les propriétés des victimes de la banque et de ses prêts «equity release». «Comme s’il (le juge français) voulait être le défenseur de ces emprunteurs», déclare l’avocate dans l’interview.

«La justice française est allée très loin en demandant une caution de 50 millions. Pour Médiator, c’était quatre ou cinq millions… À Luxembourg, le tribunal m’a interdit de la payer», souligne Me Hamilius avec le sens de la formule et de la comparaison.

Elle relativise d’ailleurs ce statut de témoin assisté en assurant que c’est son ancien avocat, aujourd’hui décédé, Olivier Metzner, qui lui avait conseillé de comparaître comme tel en France pour avoir accès au dossier.

L’avocate laisse enfin entendre que même les juges luxembourgeois de la Cour d’appel se seraient fait manipuler par le collectif des victimes en affirmant qu’en tentant de réaliser des actifs issus de l’escroquerie, elle était susceptible de tomber sous le coup d’une infraction de blanchiment. Yvette Hamilius leur répond, en citant la «doctrine allemande» que la directive européenne antiblanchiment ne peut pas toucher les liquidateurs. «Je déplore», déclare-t-elle, «que manifestement les plaignants fournissent des contre-vérités à la Cour d’appel dans des procédures unilatérales alors qu’ils connaissent la vérité… Mais je suis confiante».