Guillaume Prouvost, Deputy CEO & CFO, La Mondiale Europartner (Photo : David Laurent/Wide)

Guillaume Prouvost, Deputy CEO & CFO, La Mondiale Europartner (Photo : David Laurent/Wide)

Monsieur Prouvost, quelle est l’étendue du rôle du CFO chez La Mondiale Europartner ?

« Je couvre différents secteurs complémentaires. Il y a la comptabilité classique, le contrôle de gestion, l’actuariat, et tout ce qui touche aux activités de titres… Je m’occupe du reporting auprès du Commissariat aux Assurances. Tout ceci fait que, d’une manière ou d’une autre, la quasi totalité des chiffres qui sortent de l’entreprise passe par moi et mon équipe, à un moment ou à un autre.

Le fait de s’occuper de la comptabilité, cela veut dire construire les états financiers de la société. Cela sous-entend donc que l’on est amené à s’intéresser à presque tout ce que l’entreprise fait. Tout a un rapport, à un moment donné, avec la fonction finance, que ce soit via le bilan ou le compte de résultat, par la construction des prévisions d’activité ou par des états réglementaires.

La fonction aide à voir la réalité de l’état et du fonctionnement de la structure. Même dans le cas des ressources humaines ou de la gestion des contrats, nous pouvons procéder à des relances ou des avertissements si l’on détecte un problème.

Par ces différents aspects, je suis certainement une des personnes ayant la vue la plus large sur les implications des décisions que l’on prend. Il faut remplir sa fonction dans le sens le plus large, avec la transversalité maximale.

Quel est votre place dans l’organigramme de l’entreprise ?

« Il y a notre directeur général, et il y a ensuite deux directeurs généraux adjoints. Mon collègue est en charge du développement des activités. Le fait est que, par nature, dans le secteur financier, tout n’est que chiffres et données. Cela donne une place plus centrale à la fonction que dans d’autres secteurs. Cela veut dire, par exemple, que si je ne m’occupe pas du développement au sens strict, je participe à la réflexion via la construction d’états prévisionnels. De la même manière, pour toute une série de questions, les gens se tournent vers moi et mes services pour avoir une réponse… En étant en contact avec la réalité du métier de l’entreprise, et du marché, nous sommes aussi capable de servir de support pour répondre aux questions d’un certain nombre de partenaires et clients… D’une certaine manière, la fonction financière peut devenir un support pour l’équipe de vente. Être le CFO dans une activité finance crée une connivence particulièrement importante. Le titre donne un poids naturel important.

Il y a donc un aspect d’explication dans votre rôle ?

« Justifier certains choix est effectivement une partie de notre travail, et il est très important. Expliquer une décision en fonction d’un contexte est quelque chose de relativement simple, si l’on est capable de motiver le tout, en liant les causes et les conséquences. Quelques fois également, nous aidons à combler les trous dans le circuit de l’information.

Par exemple, si l’on étudie un prix de revient, il est nécessaire de s’intéresser à l’intégralité du circuit de production, même si les tâches sont réalisées ailleurs que chez nous. Cette analyse permet d’avoir une vue générale de notre fonctionnement complet. C’est une chose rare, il faut donc en faire un bon usage et le partager.

Comment faites-vous lorsque l’on vous demande de participer à la réflexion sur le développement de l’entreprise ?

« Après avoir travaillé ici pendant quatre ans et demi, je commence naturellement à avoir un ressenti commercial… Mais quelques fois je dois m’arrêter, pour ne pas sortir de mon rôle. Lorsque l’on crée des tableaux de bord pour suivre l’activité commerciale, on fournit des éléments de réflexion à l’ensemble des intéressés, mais aussi nos analyses de la situation constatée, ainsi que des propositions. Et l’on peut travailler avec tout le monde. Cela me plaît et m’intéresse. Il est difficile après de s’imaginer dans une fonction trop pointue, sans lien direct avec le client et une activité opérationnelle.
Le CFO, c’est souvent celui qui dit ‘ Attention ! ’. Si l’on raisonne à l’extrême il faut une personne qui dise : ‘ On fonce, on développe ’ et un CFO qui réponde : ‘ Attendons, serrons les vis et les boulons, sécurisons le développement, ne faisons pas d’erreurs ! ’ et un directeur général qui équilibre et prend des décisions.

Le CFO peut ainsi parfois être perçu comme celui qui empêche de tourner en rond. C’est également celui qui demande de boucher les trous dans les raisonnements… c’est son rôle. Il doit assurer la maîtrise des risques, quand d’autres veulent en prendre plus.

Je suis pour le développement, il ne faut pas se méprendre. Mais je pense que la finance doit accompagner ce développement, doit en exiger la rentabilité à la hauteur des capitaux engagés et des risques pris. À un juste développement doit correspondre une juste rentabilité, qui peut varier entre les secteurs et le temps.

Comment la crise a-t-elle affecté votre entreprise ?

« Je suis perplexe quand j’entends le discours de certains annonçant combien ils ont souffert. Soyons clairs, pour notre part, nous n’avons pas directement souffert, même si les marchés défavorables nous ont un peu pénalisés. Par certains aspects, notamment au regard de notre offre en fonds garantis assez sécurisante, nous avons pu en tirer un certain avantage.

Le problème venait des flux bancaires, et de la confiance interbancaire, qui n’existait plus. Autrement dit, ce sont ceux qui devaient emprunter qui ont été très impactés. Or, par définition, dans le domaine de l’assurance-vie, nous ne sommes pas du côté de ceux qui empruntent. Nous investissons uniquement les fonds qui proviennent d’abord des primes reçues de nos clients. Nous n’avons donc pas de problème de liquidités au sens propre. Il y a par contre eu du stress indirect, via nos partenaires ou nos assurés.

Là où nous sommes dans la même problématique que les banques, c’est que lorsque les problèmes globaux ne s’arrêtent pas, nous risquons la défiance des clients. Cela veut dire que nous devons travailler à proposer des réponses pertinentes à toutes les questions qui nous sont posées, en renforçant la communication financière et la transparence.

Cela a aussi obligé, lorsque l’on propose de nouveaux produits, à déployer plus de pédagogie et d’explications.

La crise n’a pas fait apparaître de nouveaux risques ou ne nouvelles contraintes. Elle a mis plus clairement en évidence des risques qui existaient, mais qui étaient parfois sous-estimés, voire ignorés.

Je n’ai pas commencé à dire non à certaines choses à cause de la crise. La crise nous a fourni l’argumentaire pour faire passer notre message, et parfois des exemples… Il ne s’agit pas non plus de jouer les Cassandre. Lorsque la situation est positive, il faut également le dire, et nous l’avons dit régulièrement ces derniers mois…

À quoi va ressembler le secteur financier après la crise ?

« On sort d’une période où, selon mon point de vue, les gens pensaient que les arbres montaient jusqu’au ciel. Ils avaient très peu conscience de ce qui se passait. Ils faisaient parfois même trop confiance à leur banquier, sans chercher à comprendre. Aujourd’hui, les choses sont plus saines. Les clients posent des questions. C’est un retour de balancier salutaire, qui oblige les banques à être plus claires, plus lisibles sur leurs produits. On retourne vers des produits plus compréhensibles.

La crise financière a aussi rappelé l’importance des banques dépositaires, leur rôle et leurs responsabilités pour l’enregistrement des titres. C’est un rôle technique et pointu, mais qui est important.

Les financiers qui vont ressortir affaiblis de la crise sont les purs financiers, ceux qui ne faisaient que cela, parfois complètement déconnectés de l’activité économique réelle. Ce sont eux qui sortiront affaiblis, et je pense que le rééquilibrage est salutaire, car tout cela était devenu excessif.

Par contre, je pense que la fonction financière reste un élément important de notre fonctionnement économique. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, les métiers de la finance ont malgré tout un rôle positif ! La finance, c’est la collecte et la distribution de moyens de financement, par des entreprises qui prélèvent une marge d’intermédiaire entre les différents acteurs économiques, ceux qui disposent d’épargne, et les acteurs à la recherche de financements. La finance est donc un acteur du développement. »

 


Parcours - Bancassureur

Âgé de 42 ans, Guillaume Prouvost a suivi ses études à l’École Supérieure de Commerce de Lille. Après un 3e cycle en Finance internationale, il commence sa carrière au Crédit Agricole, avant de passer par KPMG puis la holding de tête d’une SSII. Il a ensuite rejoint la direction financière d’une direction régionale de la Caisse d’Épargne. « J’avais un intérêt professionnel pour le Luxembourg depuis déjà un certain temps, et j’ai profité d’une opportunité à la mi-2007 pour rejoindre AG2R La Mondiale. La problématique d’un assureur n’est pas exactement la même que la problématique d’une banque. Par contre, le fait de connaître les besoins de nos partenaires bancaires m’aide dans ma fonction. Ici, je suis quelque part au croisement des deux mondes. »