«Beaucoup d’entreprises prohibent la consommation d’alcool pendant le service, l’employeur étant tenu de garantir la sécurité et la santé de ses salariés sur le lieu de travail», explique Magalie Lysiak. (Photo: Fedil)

«Beaucoup d’entreprises prohibent la consommation d’alcool pendant le service, l’employeur étant tenu de garantir la sécurité et la santé de ses salariés sur le lieu de travail», explique Magalie Lysiak. (Photo: Fedil)

Beaucoup d’entreprises prohibent la consommation d’alcool pendant le service. L’employeur est en effet tenu de garantir la sécurité et la santé de ses salariés sur le lieu de travail et il est pour le moins évident que la consommation d’alcool risque de représenter un danger pour le salarié concerné, ses collègues ou encore des tiers.

Force est cependant de constater que les tribunaux se montrent assez laxistes quant à ces comportements à risques. Bien que les juges reconnaissent qu’«on ne saurait refuser à un employeur le droit d’interdire, pour des impératifs de sécurité incontestables, à son personnel de consommer des boissons alcoolisées pendant les heures de travail et la pause de midi», il n’en demeure pas moins que la simple consommation d’alcool ou la constatation d’un état d’ébriété, surtout de manière unique et isolée, ne suffit que très rarement à un licenciement pour motifs graves. Encore faut-il que le salarié soit particulièrement exposé et notamment si ce dernier est conducteur professionnel ou que son comportement soit déplacé ou perturbateur.

Dans un récent arrêt, un salarié – pris en sa qualité de chef d’équipe –, malgré l’interdiction formelle faite par le règlement intérieur de l’entreprise de consommer de l’alcool sur le lieu de travail et dans lequel figurait qu’une telle consommation était constitutive d’une faute grave, avait spontanément autorisé son équipe à boire un verre après le travail. Pas vraiment après d’ailleurs, puisque les salariés – affectés dans une entreprise tierce – ont quitté une dizaine de minutes plus tôt leur poste pour se rendre dans le local dédié.

La Cour, appréciant in concreto les faits en cause et bien que reconnaissant non seulement la qualité de responsable du salarié et les dispositions du règlement intérieur, estimera cependant que «la faute reprochée à B a ainsi consisté dans un fait isolé qui de surcroît n’a emporté aucune conséquence préjudiciable pour l’entreprise ou pour les collègues de travail […] L’argumentation de la société A quant à la nécessité du respect des règles de la sécurité et de la santé au travail et quant aux éventuelles conséquences préjudiciables de leur non-respect pour l’entreprise ou pour les autres collègues de travail ne saurait, dans ces conditions, pas non plus justifier le congédiement avec effet immédiat».

Ce raisonnement est inquiétant. Le fait que le chef d’équipe lui-même autorise la consommation d’alcool alors qu’il représente l’autorité hiérarchique et alors même que les salariés vont pour la plupart reprendre leur véhicule pour rentrer chez eux est véritablement une faute. Il ne faudrait pas devoir attendre d’éventuelles conséquences préjudiciables pour que l’employeur soit légitimé à agir.

Quoi qu’il en soit, en cas de soupçon d’ébriété de son salarié, l’employeur se doit au moins de réagir. Proposer un éthylotest volontaire au salarié sinon l’envoyer chez un médecin qui le déclarera capable de travailler ou non. Il est également nécessaire de faire constater l’alcoolisation du salarié par plusieurs témoins. Il est entendu qu’en cas d’ébriété du salarié, ce dernier ne doit pas repartir avec son véhicule personnel et l’employeur doit se charger d’organiser le transport du retour ou garder le salarié le temps nécessaire à son dégrisement.

Par ailleurs, il est question dans les arrêts précités, de licenciement avec effet immédiat. Le licenciement avec préavis, correctement motivé et documenté, reste une option réaliste même si la jurisprudence semble préférer un avertissement préalable avant toute procédure de licenciement.

Une excellente année 2016! Prost!

Une chronique juridique parue dans l'Echo des entreprises de la Fedil, n°1/2016.