Grégory Auzanneau, CIO, Laboratoire luxembourgeois d’analyses médicales (Ketterthill) (Photo: David Laurent / Wili)

Grégory Auzanneau, CIO, Laboratoire luxembourgeois d’analyses médicales (Ketterthill) (Photo: David Laurent / Wili)

Monsieur Auzanneau, quelle est la particularité de votre rôle, appliqué aux activités de laboratoire ?

« Il faut tout d’abord se rappeler qu’il y a 30 ans, les opérations liées à notre activité étaient effectuées manuellement. De nos jours, l’informatique intervient dans l’ensemble du processus dès que les prélèvements sanguins sont effectués, notamment dans nos 33 centres répartis sur le territoire luxembourgeois. Nos infirmières, qui effectuent ces prélèvements, sont les premières utilisatrices de nos solutions informatiques, qu’il s’agisse d’encodage, de planification, d’identification des tubes… Les prestations du laboratoire doivent donc être sécurisées et testées pour éviter tout souci dans le traitement du flux des données médicales. Nous voulons aussi développer nos propres services et outils IT pour répondre rapidement à l’attente des clients, d’où l’augmentation de la taille de l’équipe informatique.

Comment est composée votre équipe ?

« Nous sommes actuellement sept collaborateurs (infographiste, informaticiens, développeurs, administrateurs système et réseau), dont deux personnes ayant un profil médical qui ont assuré la création du service. Leur vision plus pragmatique et leur compréhension de la technicité de la médecine sont une réelle plus-value pour proposer encore plus de solutions innovantes aux patients et aux médecins.

Quels sont les services propres au laboratoire que vous avez mis en place ?

« Je pense notamment à nos deux applications, iLab et Cyberlab. iLab a été mis en place pour la première fois en 2008, en version web, et permet de fournir les résultats aux patients ainsi que l’historique de leurs données, désormais directement sur leur smartphone. Cyberlab est dédiée aux médecins depuis 2007 et permet un accès en temps réel aux résultats d’analyse. Actuellement, nous dénombrons 700 médecins et 2.000 patients inscrits à ces applications.

Avez-vous remarqué des changements de comportements chez les médecins via Cyberlab ?

« Absolument. Cela leur a permis de disposer très rapidement des résultats et des données du patient depuis le cabinet ou à son chevet. C’est un apport très important pour eux, dans la mesure où il leur suffit de disposer du réseau 3G pour consulter ces données utiles à la prise en charge du patient et les utiliser. Nous prévoyons aussi de développer un mode de prescription connectée. Les médecins auront directement la possibilité de créer une ordonnance via Cyberlab avec l’accès à un système dédié, permettant la consultation de guidelines et de règles de bonnes pratiques pour affiner leur prescription.

Quelles sont les garanties que vous mettez en place sur le plan de la sécurité ?

« Des audits internes et externes nous permettent de revoir régulièrement nos procédures. Le laboratoire a également la volonté d’être accrédité ISO27001, ISO27002 et ISO 27799, cette dernière étant dédiée aux données de la santé. Cette démarche nous permettra de démontrer notre maîtrise du risque
et de prouver la qualité de notre travail. Notre déménagement, prévu pour l’an prochain à Esch-Belval, sera aussi l’occasion de remettre à plat notre infrastructure, via des services « cloud » en vue d’un recentrage sur le cœur de métier. Nous allons prochainement procéder à un appel d’offres pour trouver le prestataire adéquat qui nous aidera dans cette voie. Nous garderons nos données au Luxembourg, c’est un impératif pour notre activité.

Quel est le bénéfice que vous comptez retirer de ce choix ?

« Ce projet nous permettra de gagner en sécurité grâce à l’expertise des professionnels avec lesquels nous travaillerons. Beaucoup de sociétés qui proposent ce type de service possèdent d’ailleurs l’agrément PSF. Idéalement, un agrément PSS pour les professionnels de la santé devrait aussi exister. La France a mis en place un agrément 'HDS' (hébergeur données de santé) via une législation, mais la voie normative sur le plan européen aurait été plus bénéfique pour le secteur étant donné la mobilité actuelle des patients, par-delà les frontières. Ce PSS pourrait être utilisé par plusieurs prestataires au Luxembourg qui ont les mêmes besoins, dont les autres profession­ nels de santé qui hébergent de nombreuses données avec un niveau de maturité variable. Je pense aussi aux laboratoires, aux pharmacies, au corps médical et plus récemment au projet 'e-santé'.

Quelle contribution apportez-vous à la marge de développement du laboratoire, basée sur le volume d’activité ?

« C’est justement dans cette voie que notre service prend tout son sens avec la personnalisation des solutions que nous proposons. L’accréditation de notre laboratoire (ISO15189) démontre par ailleurs notre engagement à fournir des services de qualité, d’autant plus que l’informatique contrôle la robotique utilisée pour les analyses médicales. Cette accréditation permet de garantir qu’entre le tube de sang et le résultat présenté sur papier, les incohérences et les risques sont évités. J’ajoute qu’ISO15189 implique la mise en place d’un certain nombre de procédures et de documentations, elles-mêmes informatisées via un logiciel que nous avons implémenté et développé en interne à destination de nos différents départements.

Quel est le rôle d’une infographiste dans une équipe comme la vôtre ?

« Une bonne présentation est primordiale dans le cadre de l’utilisation d’une interface homme-machine (ihm). L’utilisation du meilleur outil ne pourra être que limitée si sa présentation n’est pas intuitive. Nous ambitionnons de satisfaire nos utilisateurs via cette communication claire. Nous diffusons, par exemple, des newsletters concernant l’actualité de notre application iPhone®. Une mise en forme judicieuse permet aux utilisateurs (patients et médecins) de trouver l’information essentielle rapidement.

Comment se passe l’interaction avec vos collègues et la direction ?

« Nous avons la chance de disposer d’équipes soudées qui travaillent dans la même direction et qui comprennent la place centrale qu’occupe l’informatique. Notre CEO, Dr Jean-Luc Dourson, met par ailleurs régulièrement en valeur l’informatique et son impact sur l’entreprise.

Son aide est indéniable en tant que technophile. C’est rassurant de se savoir soutenu dans la proposition de nouveaux services et d’idées novatrices. Il nous incite clairement à apporter des nouveautés dans notre métier. En cas de projet d’acquisition d’un matériel neuf, nous discutons aussi avec nos collègues et les membres de la direction, en prenant en compte le retour sur investissement au sens large, dont l’image de l’entreprise.

Comment mesurez-vous le degré de satisfaction des utilisateurs de vos services ?

« Annuellement, notre service qualité établit une enquête de satisfaction auprès de nos patients et médecins. Cela nous permet d’envisager de nouveaux services comme le paiement en ligne, qui a rencontré un intérêt lors de la dernière enquête.

Quelle est votre vision pour le futur de Ketterthill ?

« C’est un domaine qui évolue très rapidement. Il y a six ans, on ne parlait pas encore de chaîne robotique, alors qu’aujourd’hui c’est une réelle plus-value. Le monde de la santé est amené à évoluer vers une fiabilisation et une accélération des processus, tout en privilégiant des services de proximité. Cette philosophie s’applique, par exemple, à nos coursiers dont les voitures sont 'géolocalisées' pour optimiser les déplacements et recourir à une voiture proche en cas de demande urgente de la part d’un médecin.

L’informatique et la dématérialisation des données impliquent de nouveaux types de risques. Sont-ils mieux gérés que les risques existant auparavant ?

« Je pense qu’ils sont mieux gérés, car nous avons une traçabilité, point à point, des données. Le flux est chiffré entre le départ du laboratoire jusqu’à l’arrivée chez le patient. Cela nous donne plus de garanties, alors qu’auparavant une lettre ne pouvait pas arriver chez le bon destinataire qui pouvait, par exemple, avoir déménagé.

Quels sont vos projets pour 2013 ?

« Nous souhaitons garder un train d’avance sur nos concurrents. Le dossier médical partagé (e-santé), vers lequel nous avons déjà fait un premier pas chez Ketterthill via iLab et Cyberlab, est un précurseur de l’esprit de ce projet, qui a été repris au niveau national pour bâtir une base de données globale. »