Jean-Yves Leborgne: «2016 sera donc une année compliquée pour la Grèce.» (Photo: DR)

Jean-Yves Leborgne: «2016 sera donc une année compliquée pour la Grèce.» (Photo: DR)

Où en est-on à l’heure actuelle? Selon l’OCDE, les signes d’un redressement s’accumulent sur base de réformes structurelles et de coupes budgétaires… mais les défis ne manquent pas et la partie est encore loin d’être gagnée.

Petit rappel

Le 13 juillet dernier, un accord était trouvé entre les partenaires européens. Le troisième plan de sauvetage consistait en un prêt de 86 milliards d’euros sur trois ans et en contrepartie de réformes plus profondes de l’économie.

Négociations avec les institutions?

Huit mois après l’accord, l’évaluation et les discussions continuent et le versement des prochaines tranches faisant partie du troisième plan d’aide en dépendent. Les points centraux ne font pas encore l’objet d’un consensus, notamment sur la réforme des pensions, la taille de l’ajustement budgétaire, les prêts non productifs et les tranches d’imposition.

Selon certaines estimations, l’évaluation devrait être terminée ce mois-ci (contre janvier précédemment) et pourrait donc ouvrir la porte aux négociations d’un allègement de la dette. Certaines rumeurs évoquent même la date du 15 avril dans le cadre de la réunion de printemps du FMI. Mais même si le FMI est en faveur d’un allègement de la dette, les pressions politiques actuelles en zone euro continuent d’agir en faveur d’un abaissement des charges sur la dette et d’un allongement de la maturité plutôt qu’en faveur d’une réduction du montant de la dette. Dans tous les cas, le gouvernement grec se retrouvera, tôt ou tard, en manque de liquidité, notamment à cause des 17,5 milliards d’euros de dette publique arrivant à échéance d’ici fin juillet.

Réformes structurelles?

Les réformes structurelles ont été particulièrement marquées dans le cadre du marché du travail, ce qui a réduit les revenus des ménages, mais a aussi ramené les salaires à un niveau plus en phase avec la productivité, améliorant ainsi la compétitivité de l’économie grecque. Au niveau de la réduction du pouvoir des monopoles et oligopoles en place, peu de progrès ont été réalisés, ce qui ralentit l’ajustement des prix et a réduit l’effet positif sur les exportations et la croissance de la production. Il reste donc du pain sur la planche…

Crise humanitaire?

L’afflux de migrants impacte lourdement la Grèce qui voit se greffer une crise humanitaire à sa crise économique. En 2015, le coût de la crise des réfugiés est estimé à 0,35% du PIB. Ceci est renforcé par le fait que ses partenaires européens lui demandent de jouer un rôle central dans le cadre de l’accord avec la Turquie. L’idée est basée sur un transfert de milliers de migrants vers la Turquie et la répartition d’un nombre «limité» de réfugiés de la Turquie vers l’UE. La mise en place de ce plan reste compliquée pour la Grèce, tant d’un point de vue logistique que légal. Avec près de 8.000 migrants présents sur les îles grecques, près de 40.000 migrants en Grèce continentale et un flux qui reste important, la marge de manœuvre est d’autant plus réduite que les dépenses gouvernementales (notamment dans le secteur de la santé publique) sont déjà sous pression. Dans ce contexte, des dissensions apparaissent au sein même du gouvernement et mettent en avant les faiblesses de la coalition entre le parti d’extrême gauche Syriza et le parti nationaliste ANEL. En définitive, la Grèce reste bloquée entre le marteau et l’enclume, et rien ne nous certifie que le passage illégal vers la Grèce sera réduit et que les partenaires européens se montreront plus coopératifs (moins de 20% des réallocations prévues ont été effectuées pour l’instant).

En conclusion, le plan de redressement de l’économie grecque est déjà difficile à la base, mais il l’est encore plus étant donné la morosité actuelle de l’économie mondiale et la pression liée à l’afflux de migrants. 2016 sera donc une année compliquée pour la Grèce, et nous nous attendons à une contraction du PIB de 0,7% cette année.