Giovanni Ferrero dirige le groupe Ferrero depuis 2011. (Photo: Ferrero International)

Giovanni Ferrero dirige le groupe Ferrero depuis 2011. (Photo: Ferrero International)

Le 14 février dernier disparaissait Michele Ferrero, l’inventeur – entre autres – du Nutella et qui dirigea le groupe du même nom entre 1957 et 1997. Établi au Luxembourg, le discret groupe Ferrero, qui emploie un demi-millier de personnes au Grand-Duché, est dirigé depuis avril 2011 par Giovanni Ferrero, 50 ans, l’un des fils de Michele.

Il s’exprime, pour la première fois, depuis la disparition de son père.

Monsieur Ferrero, comment la disparition de Michele Ferrero a-t-elle été ressentie au sein du groupe Ferrero?

«Lorsque mon père a repris l'entreprise familiale de confiserie à la mort de mon oncle, Giovanni, en 1957, il a écrit une lettre à ses employés. Il y disait: ‘Je m’engage à consacrer toutes mes activités et tous mes efforts pour cette société. Et, je vous assure que je ne me sentirai satisfait que lorsque j’aurai réussi, avec des résultats concrets, à garantir à vous et à vos enfants un futur sûr et tranquille.’ Je crois que c’est la meilleure façon d'expliquer comment le groupe se sent ces jours-ci.

Michele Ferrero n'a jamais dévié de la grâce et de l'esprit paternaliste de cette première déclaration. En outre, c’était un éternel insatisfait: il allait travailler les dimanches, ou bien la nuit, avec ses plus proches collaborateurs, pour expérimenter et tester de nouvelles formules et produits. Il s’occupa d’organiser le transport des employés en allant les chercher directement dans leurs villages qui entouraient le siège de la société à Alba, en Italie: les bus allaient les chercher sur place et les ramenaient à la fin de leur quart.

Il a aussi mis en place la gratuité des soins médicaux et d’autres services de bien-être, mais aussi un centre de formation et un centre social pour les employés retraités qui existent toujours aujourd’hui.

Peut-on parler d’un visionnaire?

«Je ne sais pas vraiment si le mot ‘visionnaire’ est celui qui convient le mieux pour décrire mon père. Les gens se réfèrent plutôt à lui avec les termes de ‘génie’, ‘inventeur’ ou encore ’entrepreneur’. Je pense que mon père était un grand homme et un grand acteur de ce siècle à bien des égards. La quintessence de l'esprit d'entreprise modifie la réalité pour répondre aux attentes. Pour ce faire, il est nécessaire d'avoir une vision. Néanmoins, l'action fait en sorte que la vision devienne réalité. ‘Une vision sans action est un rêve. Une action sans vision est un cauchemar.’ Assurément, il a transformé l'impossible en possible, l'impensable en pensable.

Même s’il n’était plus le président du groupe, on imagine qu’il était encore très présent dans la vie du groupe… De quelle manière suivait-il son évolution?

«Quand mon père a quitté la direction en 1997, il est allé vivre à Monaco, où se trouve une autre société du groupe. C’est dans cette société de recherche et développement, la Soremartec (société de recherche de la commercialisation et technique) où mon père se concentrait sur ce qu'il aimait le plus.

Il n’était pas vraiment à la retraite. Tant qu’il pouvait respirer, il était impliqué dans les produits Ferrero et à son entreprise, même dans les moments difficiles. Le respect de ses clients a guidé son action toute sa vie. Il faisait souvent référence à la Signora Valeria, la consommatrice lambda: Valeria est à la fois une maman qui va faire les courses, une grand-mère, une tante, une consommatrice qui décide ce qu’il faut acheter tous les jours. Elle peut faire ou défaire une idée, un produit. Et si un jour, elle change d'avis et ne vient plus à vous, vous êtes ruinés, finis, sans avertissement. Tout simplement parce qu’elle aura décidé d'aller dépenser son argent ailleurs.

En 2005, il a créé les entreprises sociales Ferrero. Leur objectif est, d'une part, de créer des opportunités d'emploi dans les pays émergents les moins favorisés, et, d'autre part, d'être socialement conscients dans la mise en œuvre de projets et d'initiatives. Ce sont des initiatives qui favorisent la santé, le bien-être et l'éducation des enfants dans les zones où se trouvent les usines de production. Elles sont toujours actives en Inde, en Afrique du Sud et au Cameroun, où elles sont toutes basées sur l’esprit d’entreprendre.

Au-delà des produits dont il a accompagné la création et le développement, quel héritage «entrepreneurial» Michele Ferrero laisse-t-il derrière lui?

«Je pense que mon père, avec sa vision, a créé un système capitalistique de redistribution de richesses, collaboratif et fondé sur l'éthique. C’était une personne très attentive qui a su regarder autour de lui et remarquer comment il pouvait aider son entreprise et son prochain. Avec sa pensée novatrice et son esprit créatif, il a créé la Fondation Ferrero, basée à Alba, qui était devenue sa passion de toujours.

La Fondation a un double objectif: prendre soin des anciens employés Ferrero et promouvoir les initiatives culturelles et artistiques. Caractérisée par sa devise: 'Travailler, créer, donner', elle est une synthèse parfaite de l'héritage des valeurs de Ferrero.»