Paperjam.lu

 

Le ralentissement de la croissance n'est-il pas un danger pour le Luxembourg?

L'économie luxembourgeoise est une économie extrêmement ouverte. La croissance luxembourgeoise est donc intimement liée à celle de l'économie mondiale. Ainsi, on a pu observer que, dans le passé, la croissance luxembourgeoise avoisinait toujours le double de celle de l'économie mondiale. L'année passée, celle-ci a connu une croissance record de 4,7%, ce qui s'est traduit pour l'économie luxembourgeoise par une croissance également record de 8,5%. Les chiffres parlent donc d'eux-mêmes: la position particulière du Luxembourg est son atout majeur. De plus, la petitesse du pays permet une réaction rapide aux changements politico-économiques.

Le recul de croissance de l'économie mondiale constaté depuis fut antérieur aux effroyables attentats de septembre et à la guerre qui s'ensuivit. Mondialement, on table pour cette année sur une croissance de 2,6%, mais, pour le Luxembourg, le Statec prévoit un bon 4%. Notre groupe parlementaire ne déplore pas vraiment cette baisse de croissance. En effet, même le gouvernement a dernièrement avoué que cette croissance n'engendre que les recettes supplémentaires nécessaires pour financer les conséquences de cette croissance: des investissements massifs dans des infrastructures étatiques supplémentaires (écoles, crèches, hôpitaux, routes, etc).

Mais la croissance du PIB n'est que le côté matériel de la médaille. Ce que ce paramètre ne mesure pas, c'est la qualité de vie, et c'est celle-ci qui a souffert au Luxembourg et qui continuera à souffrir si on continue à enregistrer des taux de croissance exagérés. Ainsi, la construction d'une nouvelle autoroute se traduit par un gonflement du PIB, mais également par une baisse de la qualité de vie des riverains et des dégâts écologiques difficilement mesurables.

On constate depuis quelques années une accélération de la "fuite", hors du Luxembourg, de bon nombre de centres de décisions. Ce phénomène est-il de nature à poser à court et moyen terme un problème à l'économie luxembourgeoise?

Comme politicien, c'est plutôt le départ progressif du centre de décision politique vers Bruxelles qui m'inquiète. La majorité des lois que nous votons dans la Chambre nous est dictée sous forme de directives européennes. On se doit de constater un abandon progressif de notre souveraineté en faveur d'une bureaucratie anonyme et lointaine, ce qui met de plus en plus en cause la liberté d'action et de réaction de notre Etat, de la souveraineté duquel toute la Grande Région a profité jusqu'à ce jour. Cette lente castration de notre Etat et de notre Parlement égale une dé-démocratisation. Notre pays connaît, ou devrais-je dire connaissait, avec un député sur 6.660 habitants, un très haut degré de démocratie représentative et une réelle proximité au citoyen.

On parle de 700.000 habitants d'ici plusieurs décennies.... Ce projet vous semble-t-il vraiment réaliste?

Quant à ce chiffre, il ne s'agit pas d'un projet mais d'une projection du Statec qui, à son tour, se base sur l'évolution de la population dans les années 1990. Personne ne sait si cette croissance, en relation directe avec la croissance économique, va continuer pendant quarante ans encore. Comme d'ailleurs personne n'a pu prédire l'évolution démographique du Luxembourg durant la décade précédente. Il s'agit d'une équation avec trop de variables et trop d'inconnues. Personne ne sait ce que sera, par exemple, l'avenir de notre place bancaire. On sait pourtant qu'une pareille évolution serait essentiellement basée sur l'immigration, et c'est là que des problèmes culturels et identitaires se poseront.

Ne parlons même pas des infrastructures supplémentaires nécessaires, de la hausse continue du prix du logement, de la baisse de la qualité de vie, etc. Le gouvernement PCS-PD est déjà dépassé par les conséquences de la forte croissance des années 1990, et visiblement incapable de résoudre les problèmes actuels d'un Etat à 440.000 habitants. De nombreuses pistes qui nous auraient permis de contrôler cette évolution nous ont été interdites au fil des années par l'intégration européenne. Ainsi, nous tablons sur une limitation de zones industrielles; nous refusons d'attirer des industries intensives en main d'oeuvre; nous sommes contre des baisses d'impôts généralisés mais pour une sélectivité fiscale accrue visant un développement économique endogène et durable.  ?

? Que pensez-vous de l'intégration européenne?

Vous connaissez ma position. Je suis contre le centralisme européen. Davantage d'intégration signifie à ce stade institutionnel plus de centralisme, plus de dirigisme et un nivellement vers le bas notamment au plan social - comme l'a encore récemment démontré le vote d'une modification de notre loi sur le revenu minimum garanti en ce qui concerne sa clause de résidence, jugé discriminatoire par la commission européenne. Un changement imposé par l'extérieur qui risque de gonfler nos budgets sociaux et de mettre la hauteur de notre RMG en cause et peut-être même, à long terme, le revenu minimum tout court.

La poursuite d'une telle intégration réduira certainement l'europhilie luxembourgeoise. Le repli identitaire, par contre, sera la conséquence de la minorisation des Luxembourgeois dans leur propre état suite à la rapide évolution vers un état de 700.000 habitants et leur peur, non sans fondements, de voir leur propre culture et leur langue disparaître. Ce n'est pas un risque, mais une réaction normale de protection sociale.

Parlons un peu de eLuxembourg... Le Luxembourg a-t-il les moyens d'être précurseur dans le domaine des nouveaux médias?

Précurseur dans le domaine des nouveaux médias? Je ne crois pas. Dans l'utilisation peut-être - nous nous situons déjà au-dessus de la moyenne européenne ? mais, en ce qui concerne la production, j'estime que nous avons depuis longtemps raté le train. Le programme d'action eLuxembourg est à mes yeux plutôt une grande action de propagande d'un gouvernement qui essaie de se donner un air modernisateur. Là où c'était économiquement intéressant et où le Grand-Duché avait déjà des atouts évidents, je pense au secteur bancaire et l'"e-banking", on n'a pas attendu ce gouvernement et son programme d'action pour innover. D'ailleurs, le raisonnement en marchés nationaux indiqué dans votre question est à mon avis certainement déplacé en ce qui concerne l'Internet, un réseau qui dépasse toutes les frontières nationales. C'est justement son internationalité qui est l'avantage majeur de l'Internet.

Quels ont été "vos" grands moments de l'année 2001, et quelles sont vos attentes concrètes pour 2002?

Pour un politicien, vie privée et vie politique sont inséparables. Voilà pourquoi "mon' année 2001 fut un grand premier cru. Il y avait d'abord le succès foudroyant de l'ADR à la table ronde des pensions. Ces négociations étaient le résultat de notre pression incessante dans le conflit latent entre les pensionnaires du secteur privé et ceux du secteur public. On a obtenu gain de cause pour nombre de nos idées et concepts, pourtant jusque-là hautement contestés (augmentation linéaire des pensions du secteur privé; création d'un embryon de pension pour femmes au foyer; pension minimum égal salaire minimum; etc).

L'obtention de l'équité entre secteur privé et public reste pour nous un défi majeur. Voilà pourquoi nous revendiquons une table ronde des pensions bis. Notre action au Parlement même a connu un fort écho dans les médias, puisqu'une série d'interpellations ont touché le nerf des citoyens: une interpellation sur la criminalité en général; sur la médecine non-conventionnelle et préventive; etc. Plusieurs fois, notre travail d'opposition a également réussi à faire battre le gouvernement en retraite, comme cela fut tout récemment le cas pour le permis à points, dont le projet fut largement révisé.

Exemple important s'il en est également: la réforme de la loi sur la nationalité, où nous avons réussi à faire admettre au gouvernement l'introduction d'un critère de langue en ce qui concerne les naturalisations. Cette année a également permis l'extension des structures de notre parti. Plusieurs sections locales supplémentaires ont pu être créées. Autre élément fort de l'année, nos négociations au niveau politique européen, qui ont été couronnées par notre adhésion à l'Union pour l'Europe des Nations. Désormais, nous disposons, avec des partis gouvernementaux comme le Fianna Fail et l'Alleanza Nazionale, d'un fort soutien international.

Dans quelle mesure la grande stabilité sociale et politique du pays est-elle un atout majeur dans la perspective d'un développement à grande échelle du pays ?

Bien évidemment, la grande stabilité sociale - grâce aussi à l'indexation automatique des salaires - est un atout majeur de notre pays. Vous n'avez qu'à comparer le nombre des journées de travail perdues par grève dans les pays voisins à celui au Luxembourg.