Exigeante. Monique Gammaitoni 
s'impose un niveau élevé de qualité 
au travail et en attend de même 
des collaborateurs de l'entreprise. (Photo: Jessica Theis)

Exigeante. Monique Gammaitoni 
s'impose un niveau élevé de qualité 
au travail et en attend de même 
des collaborateurs de l'entreprise. (Photo: Jessica Theis)

Madame Gammaitoni, vous connaissez bien l’univers des entreprises familiales, comment qualifieriez-vous ce type de management?

«La notion de gestion en bon père de famille me paraît importante. Plus qu’une formule, il s’agit d’un réel état d’esprit pour coordonner les actions stratégiques, tout en restant au plus proche de ses équipes, en s’assurant qu’elles disposent des ressources et de l’encadrement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions et donc à leur motivation, premier facteur de performance de l’entreprise.

Comment décririez-vous votre style managérial?

«Je suis constamment à la recherche de la perfection, peut-être est-ce une particularité féminine. Étant donné que je suis exigeante vis-à-vis de moi-même, je le suis aussi vis-à-vis des autres. J’accorde aussi une grande importance à la communication au sein des équipes, particulièrement au niveau des résultats de chaque département. Ceux-ci sont d’ailleurs partagés en interne. Chacun peut ainsi se rendre compte de ses erreurs éventuelles ou comparer ses résultats sur une période donnée. Nous avons remarqué que cette politique du partage des résultats incitait à davantage de responsabilités, notamment quant au gaspillage, et tendait vers une réduction des absences pour raison de maladie. Il est important d’impliquer les salariés dans la vie de l’entreprise, leur avis nous intéresse, nous sommes à l’écoute de leurs idées d’amélioration. La satisfaction d’un salarié dans son environnement se ressent dans la qualité de son travail et dans son engagement pour l’entreprise.

Des moments de rencontre sont-ils prévus avec les collaborateurs pour discuter de ces résultats?

«Chaque mois, les chefs de service rencontrent une partie de leurs équipes afin d’évoquer les innovations et les améliorations qu’il est possible d’apporter, par exemple dans la gestion des stocks ou des commandes des clients afin d’éviter les redondances. Nous sommes aussi ouverts aux changements suggérés par nos collaborateurs et réfléchissons de façon pragmatique aux problèmes qui nous sont présentés. Je pense ainsi aux heures supplémentaires qui étaient induites par des commandes de clients arrivant en fin de journée ou des besoins en dernière minute. Plutôt que de poursuivre avec un stock d’heures supplémentaires, nous avons choisi d’adapter les horaires de nos préparateurs de commande au marché.

Comment créer du lien au sein d’une société telle que la vôtre?

«Une fois de plus, la communication est centrale pour s’assurer que chacun partage le même niveau d’information. Il s’agit aussi de rester ouverts aux problèmes de chacun afin d’y trouver, si possible, une solution. Nous sommes là pour partager les bons moments, mais aussi parfois les moins bons. Les activités en dehors du cadre strictement professionnel permettent aussi de créer du lien, par exemple en montant une équipe de football ou en participant à des événements à vocation caritative. La fête du personnel représente aussi un moment certes traditionnel, mais qui doit permettre à la direction de l’entreprise de remercier les collaborateurs pour leur engagement, ce que nous faisons avec les collaborateurs qui nous sont fidèles depuis 10, 20, 25, voire 40 ans.

Qu’en est-il de vos besoins en termes de recrutements?

«Nous avons la chance de recruter majoritairement pour raison de départs en retraite, notamment parmi nos préparateurs de commande et chauffeurs, et nous ne rencontrons pas de difficultés quant au nombre de candidatures. Notre principal critère pour l’engagement d’un nouveau collaborateur est son envie de prendre ses responsabilités en main. Nous sommes cependant réalistes à cet égard et adoptons une approche progressive. Chaque nouvelle recrue est en quelque sorte parrainée par un collaborateur expérimenté et dispose d’une période d’adaptation. Ceci est particulièrement vrai pour nos chauffeurs qui sont nos principaux ambassadeurs dans le rapport direct et parfois quotidien qu’ils ont avec nos clients.

Le gouvernement entend mettre en place un plan de gestion des âges en entreprise, quelle est votre vision de la transmission du savoir à cet égard?

«Au-delà de la gestion des âges en entreprise, il est primordial d’assurer sa continuité intrinsèque. La pérennité de la structure doit dépasser les enjeux et les carrières individuelles. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’expliquer son travail au sein de son équipe, de déléguer et de s’assurer un back-up en cas d’absence, mais, au-delà, de mettre en place des procédures pérennes. Nous devons aussi privilégier une culture de l’amélioration continue, sans avoir peur de parler ouvertement des erreurs de chacun, qui doivent servir de leçon pour avancer.

Quel est votre regard sur les possibilités d’évolution des femmes dans le milieu professionnel?

«Je pense, d’une manière générale, que le milieu du travail est moins indulgent à l’égard des femmes. Nous devons encore souvent faire nos preuves et nous justifier lorsque nous menons telle ou telle action, lorsque nous prenons une décision. La femme doit se faire sa place progressivement, se faire respecter pour y arriver.

La notion de qualité occupe une place non négligeable dans votre emploi du temps. Comment cet investissement vis-à-vis de l’entreprise a-t-il débuté?

«Tout a commencé en 2008 avec la crise économique mondiale. Les salariés à l’époque se posaient des questions quant à l’avenir de la société, puisque nous comptons de nombreux clients parmi les banques et les acteurs du secteur financiers, en première ligne des difficultés de l’époque. Après une phase de réflexion, la direction de l’entreprise a pensé qu’il s’agissait d’un moment opportun pour se projeter dans l’avenir, anticiper le retour d’une économie plus favorable en se dotant de certifications garantissant la qualité de nos prestations afin d’être mieux armés que nos concurrents lors du retour à l’embellie économique. Cet engagement dans la qualité a été l’occasion de mener une opération de mobilisation à tous les échelons, avec comme message central la préservation des emplois sur le long terme.

Est-ce à dire que cette notion de qualité était moins prise en compte auparavant?

«Nos collaborateurs effectuaient bien entendu déjà un travail de qualité, mais notre démarche a consisté tout d’abord en la mise en place de procédures qui retranscrivent la manière dont chacun travaille. Chaque employé est dépositaire d’un savoir qui lui appartient, mais qui ne doit pas quitter l’entreprise en cas de départ, quelle que soit sa nature. La rédaction, puis la diffusion de procédures validées à tous les niveaux sur notre intranet ont finalisé ce processus.

Comment s’effectuent les choix dans le chef de vos clients, entre la qualité et les prix proposés?

«Notre investissement dans la qualité qui nous a valu le prix du Mouvement luxembourgeois pour la qualité en 2012 nous permet d’expliquer ce qui se cache derrière le prix d’un produit. Outre la valeur de celui-ci, il ne faut pas perdre de vue qu’une entreprise telle que la nôtre doit assurer également un service qui ne s’arrête pas au dépôt d’une palette chez le client, mais qui se poursuit parfois jusqu’à la livraison des marchandises à un étage précis.  

Les administrations publiques représentent-elles un marché intéressant pour votre entreprise?

«Nous travaillons avec quelques lycées pour leur approvisionnement en fournitures scolaires, mais ces collaborations sont généralement à court terme et dépendent de marchés publics auxquels nous devons répondre. Je pense que les pouvoirs publics pourraient améliorer la manière dont ils peuvent soutenir les acteurs locaux par le biais de leurs achats. D’une manière générale, chaque citoyen ou acteur économique luxembourgeois devrait davantage soutenir l’économie locale. Si nous options plus souvent pour la carte de la préférence locale, je suis persuadé que certaines entreprises se porteraient mieux.

Quelle est l’importance pour votre société du marché de la Grande Région?

«Notre champ d’action se situe principalement sur le Luxembourg, mais nous avons aussi des clients en Moselle, Meurthe-et-Moselle, Alsace, ainsi qu’en Province de Luxembourg belge, de même qu’à la frontière allemande. Nous remarquons que le créneau du matériel issu des filières du recyclage ou répondant à des normes environnementales recueille un certain succès auprès de nos différents clients.

La diversification de la gamme de produits est donc indispensable…

«La diversification provient en partie des demandes qui nous ont été formulées par nos clients et auxquelles nous avons tenté de fournir la réponse la plus adéquate possible. La demande pour des produits écologiques va au-delà de la tendance ou du positionnement marketing, il s’agit selon nous d’un véritable engagement de la part des entreprises. Nous le notons particulièrement dans le secteur de la distribution où la demande pour des sacs réutilisables est de plus en plus importante.

Quels sont les outils que vous utilisez pour assurer la gestion administrative et comptable de la société?

«Avant tout, la notion de bon père de famille est, ici aussi, primordiale. Un euro est un euro. Nous incitons donc tous nos collaborateurs à faire preuve de responsabilité dans leur travail afin d’éviter toute dépense inutile. Notre rôle en tant que responsables est de leur donner les moyens de remplir leurs missions. Nous utilisons par ailleurs différents tableaux de bord pour notre gestion administrative et financière. Ils découlent d’un logiciel que nous avons personnalisé via des développements internes pour correspondre à notre réalité.

Quels sont vos prochains projets?

«Nous venons de mettre en place un département Printing, j’entends donc apporter mon soutien, à mon niveau, au développement de cette nouvelle ligne de produits. L’obtention du label RSE est aussi un chantier important que je mène actuellement.»

Proche des équipes

Avant de débuter chez Muller & Wegener en 2006, Monique Gammaitoni, 55 ans, a effectué un parcours de 19 ans dans le secteur des transports. Elle occupait en effet le poste de directrice financière et administrative au sein de Weis Transports. Une expérience qui l’a convaincue de l’importance de la gestion en «bon père de famille» pour relever différents défis, qu'ils concernent  les aspects de ressources humaines, de finance ou encore du respect de la satisfaction du client. 
Cet esprit familial, Monique Gammaitoni tient à le perpétuer dans son travail quotidien au sein de Muller & Wegener, où elle a été amenée, après son arrivée, à chapeauter l’administration et les ressources humaines, suite au départ à la retraite de ses deux prédécesseurs. Fondée de pouvoir, elle est aussi responsable de la qualité au sein du spécialiste de la papeterie, des fournitures de bureau, désormais investi dans le champ de l’impression.