Le tribunal administratif a donné gain de cause à l’ancien policier face à une interprétation erronée de la loi sur la discipline par le ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider. (Photo : Luc Deflorenne / archives)

Le tribunal administratif a donné gain de cause à l’ancien policier face à une interprétation erronée de la loi sur la discipline par le ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider. (Photo : Luc Deflorenne / archives)

Le plaignant avait été inculpé en décembre 2012 pour violation du secret professionnel et entrave à l’exercice de la justice. Il lui était reproché d’avoir, avec deux collègues, laissé la prostitution prospérer dans un bar d’Esch-sur-Alzette et même averti les proxénètes des contrôles prévus par la police grand-ducale.

Placé en détention préventive lors de son inculpation, le premier brigadier est remis en liberté provisoire sous contrôle judiciaire le 10 janvier 2013. Il est alors suspendu de l’exercice de ses fonctions en vertu d’un arrêté du ministre de l’Intérieur de l’époque, Jean-Marie Halsdorf.

Le 15 juillet 2014, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg siégeant en matière correctionnelle le condamne à une peine de 18 mois d’emprisonnement assortie d’un sursis de 12 mois, ainsi qu’à des peines accessoires parmi lesquelles l’interdiction de remplir des fonctions, emplois et offices publics pour une durée de cinq ans. Une condamnation qui entraîne la suspension d’office du policier par un arrêté du ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider.

Une interprétation particulière au ministère

Si le policier ne conteste ni le jugement ni sa suspension, il s’attaque toutefois à la retenue de la moitié de son traitement et des rémunérations accessoires qui découle de cette suspension d'office, ajoutant que le jugement du tribunal n’est pas définitif puisque le ministère public a relevé appel.

En cause: une interprétation particulière de la loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la force publique. L’article 20 sanctionne d’une retenue sur salaire la détention d’un agent, mais le ministre de la Sécurité intérieure, dans sa réponse du 28 janvier 2015 à l’ancien policier, l’interprète différemment: «En l’espèce, le législateur a estimé que les membres du cadre policier condamnés par une décision judiciaire non encore passée en force de chose jugée, qui porte ou emporte la perte de l’emploi, devaient être privés de la moitié de leur traitement au même titre que les membres du cadre policier placés en détention préventive et ceux condamnés disciplinairement à la révocation ou à la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle ou disqualification morale.» Autrement dit, jugement ou pas, la poursuite judiciaire suffit à justifier la retenue de la moitié du traitement d’un policier. 

En mars 2015, la Cour d’appel confirme les peines prononcées en première instance. Dans l’impossibilité d’exercer dans la fonction publique durant cinq ans, l’ancien policier démissionne le 24 avril 2015.

Le tribunal administratif annule la décision

Mais il n’en a pas fini avec son ancien ministre de tutelle. Il introduit un recours contre la décision du 28 janvier 2015 devant le tribunal administratif. Dans son jugement du 15 juin dernier, ce dernier considère que le ministre de la Sécurité intérieure était tout à fait habilité à prendre une telle décision «en sa qualité de chef hiérarchique et disciplinaire».

Pour autant, les juges ne suivent pas le raisonnement du ministre. «C’est à juste titre que Monsieur... fait valoir qu’il n’a plus été en détention depuis le 10 janvier 2013, jour de sa libération du centre pénitentiaire de Luxembourg, de sorte que c’est à tort que le ministre a réduit son traitement et ses rémunérations accessoires de moitié», indique le jugement.

Le tribunal administratif annule donc la décision ministérielle et «renvoie le dossier devant le ministre de la Sécurité intérieure pour exécution». Le plaignant devrait donc pouvoir récupérer les sommes retranchées de son traitement entre juillet 2014, date de sa condamnation en correctionnelle, et sa démission en avril 2015.

En déplacement à l'étranger, Étienne Schneider n'était pas disponible pour réagir auprès de Paperjam.lu. Le ministère a indiqué qu'il ne commentait pas un jugement qui n'est pas définitif. Il pourrait relever appel de ce jugement.