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Témoignage de Jean Fuchs, directeur.

Notre société est un PSF-Gérant de fortune comme il en existe environ 60 à Luxembourg. Ces gérants de fortune représentent environ 10% de l'activité de Private Banking de la Place.

La caractéristique principale de notre société réside dans le fait qu'elle a une structure de partnership, un peu comme les banquiers privés genevois. Nos gestionnaires sont en même temps nos actionnaires, ce qui nous donne une indépendance totale et la garantie d'une grande responsabilité de chacun et de son engagement à long terme aux cotés du client.

Les actifs gérés se rapprochent du milliard d'euros, ce qui n'est pas si mal quatre ans après la création de la société. La clientèle est constituée de personnes privées plutôt fortunées provenant des grands pays environnants, ce qui est par ailleurs tout à fait traditionnel au Grand-duché.

Notre société profite des caractéristiques des PSF luxembourgeois, qui sont suffisamment organisés et réglementés pour gagner la confiance des clients, tout en étant plus souple qu'une banque.

L'autre caractéristique importante est que le PSF est là pour défendre les intérêts de son client dans tous les aspects financiers, juridiques et sociaux de la relation avec le client, ce n'est donc ni un vendeur de produits, ni un financier obsédé par ses ratios de rentabilité, mais un généraliste conseiller du client.

Quel regard portez-vous sur le marché actuel' Le profil de la clientèle a-t-il fortement évolué ces dernières années?

Le marché du private banking reste toujours intéressant et très probablement le plus intéressant de tous les marchés pour les banques luxembourgeoises. Mais la vérité officielle ne veut pas l'accepter pour des questions de convenances internationales. Alors, on déguise ce marché en administration de fonds et SICAVs, ce qui en réalité pour le client-investisseur ne fait aucune différence.

Il est vrai que la croissance est moins forte que par le passé, mais la gestion de fortune reste la vache à lait de la Place Financière, qui elle-même reste la vache à lait de l'économie du pays. Et ceci perdurera aussi longtemps que nous aurons un secret bancaire, retenue européenne à la source ou pas. La croissance des fortunes dans le monde n'est pas prête de s'arrêter, et le Luxembourg a une bonne réputation, mais reste largement méconnu hors de la Grande Région, il y a donc encore du gros potentiel mal exploité par nos grandes institutions qui manquent singulièrement de dynamisme commercial.

Nous n'avons pas l'impression que le profil de client ait fondamentalement changé, sauf qu'il est devenu plus averti et plus prompt à changer d'établissement qu'auparavant, ce qui est à notre sens une bonne chose, la concurrence faisant bouger les choses.

Compte tenu de ces évolutions, quelles ont été les adaptations majeures qu'il vous a fallu prévoir en terme de produits?

Les changements ne sont pas révolutionnaires. Cependant, l'on peut noter une plus grande exigence de protection du capital et pas seulement de performances dans les bonnes années, une exigence d' "absolute return' et pas seulement de performance benchmarkée, une vue d'ensemble des avoirs du client et pas seulement la gestion d'un compte auprès d'une banque, un service global se rapprochant du family office et pas seulement une gestion de portefeuille, une sélection ouverte de produits d'investissement incluant des produits concurrents et pas seulement des produits maison, des solutions globales incluant l'assurance-vie ou l'ingénierie patrimoniale et pas seulement les produits bancaires traditionnels.

Que répondre à ceux qui estiment que le private banking n'a plus d'avenir au Luxembourg?

Cette affirmation provoque chez nous une réaction assez violente car elle est totalement fausse. En général, elle est exprimée par des personnes qui n'ont qu'une connaissance approximative soit de la Place Financière, soit de la clientèle.

Actuellement, comme déjà évoqué plus haut, le private banking réel tel que perçu par les clients, représente probablement les 2/3 des recettes des banques. L'activité de pure administration de fonds / SICAVs, sans distribution-commercialisation des fonds, est une activité à peine rentable sinon neutre.

Par ailleurs, le potentiel mondial en gestion de fortune est énorme, et les marges y sont très importantes. D'autres places vivent de ce filon, et ce même sans le secret bancaire qui est un gros atout supplémentaire pour le Luxembourg.

C'est par ailleurs la seule activité importante et stable depuis des décennies, sinon depuis des siècles (pour d'autres places financières).

Quelle serait donc l'autre alternative?

Il n'y a pas 150 autres produits attractifs avec un gros marché et avec une activité stable, l'administration de fonds pure n'est pas rentable, et elle est consommatrice de main-d'oeuvre pas excessivement sophistiquée, cette activité pourra être faite partout dans le monde.

Les Eurocrédits, les fonds de pension, la titrisation, etc., tout ceci est illusoire... bref le seul et vrai marché du futur, rentable, stable en développement, et de plus bien connu de la Place, c'est celui du private banking, il n'y a aucune autre alternative valable. Mais il est vrai qu'il y a de gros efforts à fournir dans ce domaine, des efforts de promotion, des efforts de formation, des efforts d'organisation, des efforts de prise de conscience, des efforts pour attirer des assets managers de réputation internationale etc.