La plus importante visite d’État du Luxembourg en France s’est déroulée du 19 au 21 mars 2018. (Photo: SIP - Jean-Christophe Verhaegen)

La plus importante visite d’État du Luxembourg en France s’est déroulée du 19 au 21 mars 2018. (Photo: SIP - Jean-Christophe Verhaegen)

Un nouvel accord de non double imposition qui ne fait pas l’unanimité au Luxembourg, un accord de coopération administrative contre le dumping social dans le domaine du détachement des travailleurs, un protocole additionnel relatif à la coopération scientifique et universitaire, et un accord pour cofinancer des projets censés améliorer la mobilité des frontaliers de France...

La première visite d’État du Grand-Duc en France depuis 1978, ses accueils et réceptions protocolaires, ses dîners-galas, ses forums économiques et ses visites du campus de start-up à Paris, puis du Centre national d’études spatiales et de la chaîne d’assemblage d’Airbus à Toulouse étaient quasiment éclipsés par les accords annoncés, puis signés, par les gouvernements français et luxembourgeois lors du premier «séminaire intergouvernemental», organisé le mardi 20 mars à Matignon.

S’y ajoute un accord signé par le ministre de l’Économie, Étienne Schneider (LSAP), ce mercredi avec Airbus. Plus précisément, un «protocole d’accord qui met en place un accord-cadre permettant le renforcement à long terme de la collaboration (…)» essentiellement dans les domaines de la cybersécurité, des drones et des technologies spatiales.

Oui, comme d’habitude – et le contraire serait surprenant –, les représentants du gouvernement luxembourgeois se félicitaient de bonnes discussions avec leurs homologues français. Tout ça, c’est bien, mais les deux côtés ne pouvaient pas et n’ont même pas essayé de cacher certaines divergences.

Nucléaire, frontaliers et fiscalité

Pour commencer, il y a la centrale nucléaire de Cattenom, que le gouvernement luxembourgeois veut voir fermer pour de bon. Malgré sa proposition de cofinancement des centrales d’énergies renouvelables transfrontalières, la France ne renoncera toujours pas à sa filiale nucléaire, domaine où elle occupe une place sur le podium mondial, qui génère d’ailleurs de l’emploi et des recettes.

Il y a aussi la fiscalité ou la «compensation financière» espérée par le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, peu avant la visite, mais que le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel (DP), balayait d’un ton provocateur sur RTL le soir même: «Je n’ai pas envie de payer la décoration de Noël d’un maire.»

Nous avons besoin des frontaliers, et les frontaliers de nous.

François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures

Cela dit, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn (LSAP), expliquait le même jour que le Luxembourg proposerait une «enveloppe» pour cofinancer des projets précis, plutôt que de simplement verser de l’argent à la Lorraine.

«Nous avons besoin des frontaliers, et les frontaliers de nous», déclarait pour sa part François Bausch (Déi Gréng) mardi, lorsqu’il détaillait les intentions du gouvernement luxembourgeois en matière de mobilité des frontaliers. Le ministre du Développement durable avait signé plus tôt un accord qui prévoit le cofinancement de projets dans le ferroviaire à hauteur de 220 millions d’euros au total et de 20 millions d’euros dans le covoiturage. Et ce jusqu’en 2028.

Plus que des voisins, mais des voisins quand même

En ce qui concerne la politique européenne, on assistait à un revirement un peu surprenant: la France se ralliait – apparemment pendant la visite d’État – au Luxembourg pour demander que les services financiers fassent partie des «orientations» de l’Union européenne en ce qui concerne le Brexit. En d’autres termes, le Luxembourg protégeait, selon Xavier Bettel, sa place financière dans les négociations sur une future relation entre l’UE et le Royaume-Uni.

Ce geste ne changeait néanmoins rien au «scepticisme» du Luxembourg face aux propositions de la Commission européenne pour imposer les géants du numérique. La taxe «provisoire» du commissaire français Pierre Moscovici, soutenue par la France, n’aurait le feu vert du Luxembourg qu’une fois que les États membres de l’OCDE se seraient mis d’accord, expliquait le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP), dès le premier jour de la visite.

La Grande Nation serait «un peu réductrice», constatait le Grand-Duc Henri ce mercredi à Toulouse, lors d’un point-presse très court monopolisé par RTL, alors que la première visite d’État en France depuis 1978 touchait doucement à sa fin. Le jour avant, le Premier ministre luxembourgeois estimait que les relations seraient désormais meilleures, maintenant qu’Emmanuel Macron est président de la République, car, auparavant, les politiciens français auraient souvent «contourné» ou «évité» le Grand-Duché.

La perception luxembourgeoise est néanmoins aussi réductrice quand ses représentants vont promouvoir un pays et une économie diversifiés, dynamiques, innovateurs, à un pays qui est 270 fois plus grand et qui compte plus de 100 fois plus d’habitants. Cette perception est peut-être tout simplement différente, car pour Paris, 90.000 frontaliers, c’est quelque chose, mais pour le Grand-Duché, c’est énorme.

Le problème réside peut-être un peu là. En France et au Luxembourg, on ne se met pas (ou plus) à la place de l’autre.