La première mission de Philippe Pelletier a été d’homogénéiser les pratiques et de consolider les procédures existantes. (Photo: Mike Zenari)

La première mission de Philippe Pelletier a été d’homogénéiser les pratiques et de consolider les procédures existantes. (Photo: Mike Zenari)

Monsieur Pelletier, vous êtes arrivé chez Luxair en mars 2011 après un long parcours au sein de l’armée française. Quelles ont été vos missions initiales?

«Quand j’ai pris mes fonctions, la priorité était de structurer le département. Chacun travaillait dans son coin, il manquait un chef d’orchestre. Ma première mission a donc été d’homogénéiser les principales pratiques et de consolider des procédures déjà existantes. Il fallait, avant toute chose, formaliser les modes opératoires des départements afin d’aboutir à une seule politique commune.

La mise en place d’un learning management system a été un vrai tournant. Pleinement opérationnel depuis 2014, il nous aide à planifier les formations, à les suivre, à allouer les modules, mais aussi à suivre les dépenses et proposer une bibliothèque de documents partagés. C’est un vrai outil d’aide à la décision pour les managers, qui peuvent ainsi suivre les compétences des salariés de leur département. Tout le monde peut à présent avoir accès aux mêmes informations et nous parvenons progressivement à une unité de modes opératoires. En marge de cette création de règles communes, mon rôle a aussi été de trouver de nouvelles idées et d’apporter un regard neuf sur ce que Luxair proposait à ses collaborateurs.

La formation est une des priorités RH du groupe. Comment s’articule votre politique et qui est concerné?

«Tout le monde! Chez Luxair, la formation concerne chaque employé. Tous les ans, mon équipe coordonne 100.000 heures de formations qui balaient tous les domaines, de la prévention à la manutention, du développement personnel aux métiers du tourisme et du transport. La palette à assurer est très large. Nous accueillons aussi en moyenne 2.500 stagiaires par an. Les modules sont donnés par 30 formateurs internes permanents et 70 intervenants externes, sollicités en fonction des sujets.

Certains collaborateurs interviennent dans des domaines précis, comme un juriste qui viendrait répondre à une demande ponctuelle de ses collègues. Le point de départ est alors une requête des apprenants. À nous d’organiser les agendas en conséquence. Notre politique s’organise en plusieurs niveaux. En effet, de nombreux métiers nécessitent des certifications obligatoires qui exigent une gestion programmée très précise. Le personnel navigant, par exemple, doit satisfaire à nombre de formations et tests de sécurité qui ont une période de validité déterminée.

Comment choisissez-vous vos formateurs externes?

«Tout dépend des sujets. Dans le domaine informatique, par exemple, s’il faut se former à un programme pointu, il n’y a parfois qu’un prestataire ou deux qui aient une offre intéressante. C’est alors le prix et la qualité qui font la différence. Dans le domaine des langues ou des soft skills, il y a beaucoup plus d’acteurs. Nous fonctionnons plutôt avec des appels d’offres. Nous essayons de retravailler avec les mêmes fournisseurs. À force, ils comprennent la fluctuation de nos activités et l’urgence des opérations, c’est un gain de temps important. Nos métiers sont très spécifiques, c’est parfois une contrainte. On ne peut en aucun cas mettre en retard l’activité, c’est elle qui prime. Dans le cas du personnel de nuit, il faudra attendre un changement de poste pour pouvoir former les gens sans compromettre les opérations.

Qu’en est-il du personnel saisonnier?

«La proportion de personnel fluctuant représente environ 10% des salariés. Même si celui-ci reste une faible proportion de nos activités, il demande une planification minutieuse des ressources. Le personnel de cabine, par exemple, varie selon les saisons. Il nous faut dérouler l’agenda à l’envers, surtout qu’il faut des autorisations d’accès précises et que la formation métier prend parfois six semaines. Nous combinons généralement mises en situation sur le terrain, tutorat et cours plus ‘classiques’. Les hôtesses et les opérateurs check-in doivent notamment pouvoir être formés très rapidement. Même ceux qui sont expérimentés doivent passer par un parcours précis afin de maîtriser les procédures propres à la compagnie. Certaines règles sont contrôlées par des audits et leur connaissance est mesurée par des tests de réussite en classe et à bord. Cela suppose une préparation sans faille et assez en amont.

Quel effort représentent les certifications?

«Si l’on additionne les certifications passées par les différents métiers sur toute une palette de sujets, ce sont au total quelque 300 certifications que nous gérons. Nous devons, avant tout, nous assurer que la connaissance ne s’évapore pas. Nous avons d’ailleurs un système automatisé qui attire l’attention du management lorsqu’un renouvellement doit avoir lieu. Il est crucial que les qualifications soient maintenues. Tout ce qui a trait à la manipulation d’animaux ou de matières spéciales, comme les bonbonnes d’oxygène, est très encadré par des règles internationales. Rien ne monte à bord sans contrôle préalable. La simple utilisation de fauteuil roulant électrique doit être balisée.

L’obtention de certifications doit également être documentée et prouvée. L’accès aux zones aéroportuaires répond à la même logique. Il est fixé par des règles communautaires et nationales extrêmement détaillées. L’ensemble des certifications et accréditations est archivé électroniquement pour en faciliter l’accès, le suivi et le contrôle par les autorités compétentes.

Certains de vos métiers sont très techniques, que prévoyez-vous en matière de santé et de sécurité au travail?

«Ces deux piliers font partie du socle incontournable, quel que soit le métier, qu’il s’agisse du transport de bagages où il faut apprendre à préserver son dos, de la manipulation du fret ou de l’encadrement de personnes à mobilité réduite qui peut être délicat. La sécurité est présente de manière transversale dans toute notre politique. Notre offre ne se réduit pas au réglementaire, nous souhaitons offrir un environnement sûr à nos travailleurs, mais aussi leur permettre de se développer et de progresser.

Quel est le parcours prévu pour les nouveaux entrants?

«Chaque collaborateur suit un welcome day où on lui présente les valeurs du groupe, très importantes pour nous. Nous nous employons à les faire transparaître dans la formation. Les faire vivre au quotidien relève de la responsabilité de chaque manager, d’autant plus que nos collaborateurs se trouvent sur plusieurs sites et ne se rencontrent pas souvent, y compris au sein du même service lorsqu’il y a des rythmes de travail différents. Certains ne se côtoient qu’à la relève. Nos métiers de cargo et de tour-opérateur constituent, par exemple, deux mondes différents. En ce sens, les services RH et la formation peuvent servir de liant entre des cultures différentes. Suivre l’un ou l’autre module permet de se retrouver et de réfléchir ensemble, tout en sortant de son quotidien. C’est un grand bouillon de cultures. L’aéronautique est un métier de passionnés. On le sent tous les jours et cela se reflète dans l’ensemble de nos services. Nous avons besoin d’un personnel engagé et qui soit prêt à mouiller le maillot pour le groupe. Nous insistons aussi là-dessus en formation. 

À ce titre, comment assurez-vous la formation de vos managers?

«Nous leur proposons un package complet dès leur arrivée. Ensuite, ils disposent d’un catalogue électronique où ils peuvent venir puiser selon les besoins. Le vivre ensemble est essentiel dans nos métiers. Nous insistons là-dessus. Les managers jouent un rôle essentiel en ce sens. Ils sont les relais des RH. Nous réfléchissons en ce moment à la matérialisation des plans de succession pour identifier les personnes clés dans l’organisation et tirer ainsi tout le monde vers le haut.

Comment la politique de formation a-t-elle évolué depuis votre arrivée?

«Nous sommes parvenus à fédérer l’effort de formation autour de deux grandes logiques: l’efficacité opérationnelle qui permet de délivrer au client le service qu’il est en droit d’attendre, et l’encadrement des fonctions proprement dit, grâce à des job descriptions et des tableaux de formation par métier. Nous avons également mis en place plusieurs nouveautés telles que des offres d’e-learning, des plans de développement personnel et des cours de langue sous une forme plus interactive. Dans le domaine de la formation en face-à-face, nous étudions la possibilité d’utiliser des terminaux mobiles et nous allons notamment équiper prochainement nos classes de tablettes afin de favoriser un apprentissage plus immédiat.

Comment mesurez-vous le succès des modules suivis?

«Un questionnaire de satisfaction est systématiquement complété par les participants. À mon sens, la vraie mesure de la qualité se fait par les opérations sur le terrain. Quand il s’agit d’un mode opératoire à changer, il faut le faire évoluer, le valider et le tester de nouveau. Rien ne s’improvise. Le client est le moteur de tout. C’est lui qui stimule notre processus de qualité et qui nous pousse à nous réinventer.

Quelles sont les nouveautés qui attirent votre attention en ce moment?

«Mon département est très attentif aux innovations, qu’il s’agisse de hardware ou de technique de formation. Nous faisons toujours la chasse aux bonnes idées. Je suis un adepte convaincu de l’entreprise agile. La formation, ce n’est pas seulement enfermer 13 élèves avec un instructeur dans une classe. Cela peut aussi être très horizontal. Discuter avec un de ses collègues, c’est déjà de l’apprentissage. Outre l’utilisation de l’e-learning pour tous les sujets, nous souhaitons en ce moment promouvoir le distanciel (par opposition au présentiel, ndlr). Nous sommes actuellement dans une phase de test. Il faut, à chaque fois, que cela ait du sens pour nos métiers, et que cela corresponde à nos possibilités d’investissement. Je m’intéresse, en particulier, au blended learning ainsi qu’à l’utilisation de smartphones et autres tablettes dans un cadre d’apprentissages courts, soit 15 minutes maximum. Pour certaines formations courantes, comme un rappel de dress code pour le personnel en uniforme, cela peut être très ludique. Tout ne s’y prêtera pas, surtout que sur nos 2.500 employés, seuls 1.400 ont accès immédiat à un ordinateur sur leur lieu de travail. Toute nouveauté doit être adaptée à la culture et pouvoir s’inscrire dans un schéma global. Il ne faut surtout pas se fermer des portes, mais bien mesurer les investissements en temps et en moyens à consentir.

Comment le budget formation a-t-il évolué pour répondre à la croissance et à la diversification de vos activités?

«Durant trois ans, le budget a fortement progressé. Ces deux dernières années, il s’est stabilisé. En moyenne, le groupe y investit 5% de sa masse salariale. Bien sûr, on voudrait toujours avoir un montant plus important, mais les opérations priment, nous devons rester réalistes.

Qu’est-ce qui fait, selon vous, la force d’une bonne formation?

«Il faut surprendre l’utilisateur et capturer son attention. Nous essayons pour cela de diversifier les possibilités: outils IT, salles de classe, en circuit court ou en situation. Derrière un comptoir dans l’aérogare ou dans un call center, l’ambiance est différente et le niveau d’attention aussi. Le succès d’une formation ne réside pas seulement dans le contenu délivré. Il faut qu’elle soit utile dans les pratiques quotidiennes et qu’elle permette d’améliorer concrètement quelque chose.»

Parcours
«Les RH sont dans le soutien de l’utilisateur»
Diplômé en langue russe, Philippe Pelletier démarre sa carrière au ministère français de la Défense en 1983.

En 2003, il y devient responsable de formation. Au total, il passe 25 ans dans cette administration. En 2009, il choisit de découvrir le secteur de la sécurité, rejoint le Luxembourg et endosse le rôle de responsable formation et planification pour G4S Security Services. En mars 2011, il accepte de chapeauter le pôle Formation de Luxair. Engagé pour moderniser le département, il en améliore d’abord la coordination. «Chacun travaillait dans son coin, il fallait tout harmoniser.» Une étape importante a été réalisée avec l’introduction d’un learning management system, véritable outil de centralisation et de planification au service des utilisateurs. «Cette plateforme facilite avant tout une cohérence et une unité de modes opératoires. Elle nous a aidés à faire un vrai bon en avant. Dans ce type de projets, comme dans d’autres, les RH se conçoivent dans le soutien de l’utilisateur. Nous sommes là pour leur faciliter la tâche et les rendre autonomes.» Face-à-face, e-learning, tutorat ou immersions sur le terrain sont déjà au programme. D’autres projets, notamment dans le domaine de la transmission des connaissances ou de l’enseignement à distance, sont en chantier en ce moment.