Marc Molitor (Monitor-it): «La marge de manoeuvre est limitée.» (Photo: Olivier Minaire)

Marc Molitor (Monitor-it): «La marge de manoeuvre est limitée.» (Photo: Olivier Minaire)

A peine ses premiers battements de cœur sont-ils perceptibles qu’on a envie de croire en l’avenir de cette toute jeune pousse. Monitor-it développe une technologie visant à détecter précocement les signes annonciateurs d’infarctus, depuis le domicile des patients. Destiné aux malades chroniques, l’appareil n’est pas encore disponible sur le marché. Il est soumis, pour l’heure, à une batterie de tests préalablement à sa commercialisation. Sa pertinence ne fait, en revanche, aucun doute dans un contexte combinant vieillissement démographique et progrès technologique.

Armé d’un brin de cynisme, Marc Molitor, CEO de Monitor-it, revendique l’exploitation d’un «créneau porteur et d’intérêt public majeur». Cette technologie limiterait, selon lui, les dépenses de santé «en gardant les gens le plus longtemps possible chez eux, tout en leur garantissant davantage d’autonomie». La Commission européenne soutient d’ailleurs ce type d’initiative par le programme Ambient Assisted Living (AAL). Preuve que c’est en vogue!

La technologie médicale, sur laquelle travaille la start-up, permettrait aux malades du cœur de surveiller leurs données médicales quotidiennement, depuis leur domicile, grâce à un appareil non invasif, c’est-à-dire ne nécessitant aucune intervention chirurgicale. Un échange d’informations avec le centre de soin permettrait de signaler, le cas échéant, l’affaiblissement du cœur «avant même la douleur au bras… et éviter une hospitalisation en soins intensifs». M. Molitor le rappelle: ce type d’intervention est «très couteux».

«Le courage de dire stop»

Malheureusement, le produit n’est pas encore sur le marché et le CEO de Monitor-it prône la prudence. «Le risque technologique est important. Nous allons d’abord voir si cela fonctionne. Dans le cas contraire, il faudra avoir le courage de dire stop.» Aujourd’hui, si la start-up procède à une étude de la fiabilité du système sur une cinquantaine de patients, en collaboration avec l’Institut Für angewandte Telemedizin (IFAT) de Bad Oeynhausen, en Allemagne, elle poursuit parallèlement sa recherche de capitaux pour faire aboutir ses études cliniques.

La structure d’exploitation reste légère à propos. Le projet développé initialement par quatre docteurs du CRP Henri Tudor n’occupe encore que deux emplois à plein temps. Marc Molitor, est l’un d’eux. Transfuge du géant américain du matériel médical Johnson & Johnson, il apporte son expérience en termes de direction commerciale et de développement de produits. Outre des contacts permanents avec le CRP et le Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL), Monitor-it fait épisodiquement appel à des sous-traitants et collaborateurs indépendants, en fonction des besoins. Par exemple, une société munichoise est chargée de la conception des boîtiers.

Le CEO joue en fait assez bien de la flexibilité permise par la taille modeste de la start-up qu’il dirige et privilégie une stratégie étape par étape. Cela passe d’abord par une validation des données cliniques sur une centaine de patients. Pour débuter, il avait bénéficié de la crédibilité symbolique du statut de spin-off du CRP et du CHL, ainsi que du soutien de l’Etat par sa contribution au financement des recherches. Il faut dorénavant trouver les fonds nécessaires à la diversification des tests. Marc Molitor invoque donc les capital-risqueurs et autres business angels.

Pour l’heure, pas question de parler de rendement. La valeur scientifique du projet fait figure d’objectif numéro un: «Avec 100 patients, vous pouvez impressionner un venture capitalist, mais pas le monde de la science.» De nombreux contacts avec «différents leaders d’opinion européens de la technologie et des milieux médicaux» sont donc entretenus parallèlement aux essais scientifiques pour valider les acquis. L’objectif consiste à assurer une certaine crédibilité, gage de rentabilité sur le long terme.

Marc Molitor fait preuve de minutie pour nicher le business model. Le marché des technologies médicales est concurrentiel et balbutiant, «la marge de manœuvre est limitée». Concevoir un produit compétitif, novateur, voire exclusif constitue la base du développement de Monitor-it: «Pas de commercialisation avant de gagner un avantage concurrentiel. Lorsqu’il sera acquis, alors les portes s’ouvriront toutes seules.»

Il table ensuite sur la capacité de sa technologie à prévenir, au plus vite, les états de décomposition cardiaque. Les recherches actuelles se focalisent d’ailleurs plus sur la problématique de la validation des indicateurs précoces que des systèmes de télécommunications. «Il est primordial d’avoir une technologie de différentiation, le pulse transit time en ce qui nous concerne.» Autrement dit, un appareil capable de mesurer la rigidité artérielle et donc de détecter au plus tôt les signes annonciateurs d’un infarctus. «Le marqueur fonctionne, selon le représentant de l’entreprise, mais cela prend du temps et de l’argent de valider toutes les études puis de commercialiser le produit.»

«Un besoin clinique»

Effectivement, les études médico-économiques nécessaires pour convaincre les payeurs, c’est-à-dire les autorités de la santé, sont très contraignantes. «On nous demande de fournir la preuve que notre système réduit substantiellement le nombre d’événements cardio-vasculaires, insiste M. Molitor, mais nous sommes convaincus de répondre à un besoin clinique non-satisfait.» La commercialisation ne devrait donc pas avoir lieu avant 2013.

D’ici là, Marc Molitor aura certainement accompli son dur labeur de lobbyiste pour faire en sorte que la télémédecine soit remboursée par la caisse maladie et que les cliniques ou hôpitaux s’équipent et proposent des suivis aux patients souffrant des pathologies concernées, en leur épargnant déplacements et séjours en centre de soin. Nul doute qu’il pourra compter sur l’Etat luxembourgeois, qui a fait des biotechnologies un de ses secteurs de diversification stratégique. Il ne s’agit pas là d’un marché de grande consommation, mais sa dimension européenne lui confère une importance non négligeable. Le CEO de Monitor-it illustre cet intérêt d’un chiffre: «10% de la population âgée de plus de 65 ans pâtit d’insuffisance cardiaque. Cela fait donc du sens, tant économiquement que cliniquement.»

 

CV - Manager du technomédical
De nationalité luxembourgeoise, Marc Molitor a obtenu un diplôme d’ingénieur à l’ETH de Zürich, puis un MBA à l’Insead de Fontainebleau. En 2001, il intègre le groupe américain de produits médicaux et pharmaceutiques, Johnson & Johnson, pour travailler en France, au Benelux puis en Afrique du Nord, notamment au marketing de technologies de la cardiologie. Il ne rejoint Monitor-it qu’au mois de juin 2010 pour lancer la phase opérationnelle du spin-off.