Un «tout-en-un» où les producteurs de films peuvent concevoir un film de A à Z. (Photo : DR)

Un «tout-en-un» où les producteurs de films peuvent concevoir un film de A à Z. (Photo : DR)

«One Stop Shop». C’est ainsi que les professionnels de l’audiovisuel décrivent ce qui vient d’être mis en place dans la zone d’activité de Kehlen. Un «tout-en-un» où les producteurs de films peuvent concevoir un film de A à Z: de la préparation à la postproduction en passant, bien sûr, par le tournage. Si d’autres studios existent déjà au Luxembourg, et resteront nécessaires vu l’affluence à certaines périodes, la qualité des infrastructures, la taille des plus grands studios (1.000 m2) et le fait de bénéficier de tout sous un même toit devraient assurer le succès de l’entreprise.

Parce qu’il s’agit bien d’une entreprise: ce sont six producteurs (Bidibul productions, Iris Productions, Lucil Film, Paul Thiltges distribution, Samsa film et Tarantula) qui se sont associés pour créer Filmland SA. Après que le projet de cité du cinéma, cofinancé par le CNA, l’État et la ville de Dudelange, a été abandonné pour des discussions sur la viabilisation du site, désaccords avec le propriétaire des lieux (ArcelorMittal), et après la fermeture des halls de TDK à Bascharage, il était urgent de trouver une issue pour pourvoir continuer à tourner des films au Luxembourg.

Prendre des risques

La proposition d’un promoteur privé, les facilités offertes par la commune de Kehlen ont séduit les producteurs qui ont pris les risques financiers: «Nous devions accepter de prendre des risques et de nous engager sur trois années au minimum», détaille Nicolas Steil, administrateur délégué de Filmland et directeur de Iris productions.

Si deux films y ont déjà été tournés, et que l’essentiel de la construction est bel et bien fini, il reste des travaux acoustiques à finir. Ce sera fait pour la fin du mois de mai et les demandes affluent déjà pour l’été. «On peut, au maximum, tourner deux films en même temps. On a plus de quatre préréservations pour l’été… Preuve que les autres studios gardent leur légitimité», poursuit-il.

L’ensemble Filmland comprend des ateliers de construction pour les décors, des studios de tournage (1.000, 600 et 400 m2 avec des hauteurs jusqu’à 12 m), des bureaux de production et des services de postproduction, notamment des studios de montage image et son, un auditorium de mixage final, une salle d’étalonnage ou encore deux cellules d’effets spéciaux, sans oublier, à l’avenir, probablement un restaurant pour satisfaire les appétits de tout ce beau monde.

Un pôle de référence

Un régisseur général a été engagé, les tarifs de location sont connus de tous (de 10 à 20 euros/m2 selon le budget du film) et le système de réservation le plus facile et transparent possible – premier arrivé, premier servi. «Tous les projets sont logés à la même enseigne, les associés de Filmland ne sont pas prioritaires et ne paient pas moins cher…». De quoi attirer de nombreux projets, y compris hors du strict secteur du cinéma (la publicité par exemple).

Plusieurs sociétés de production et de postproduction ont installé leurs bureaux dans le bâtiment. «Mais chacun garde son indépendance, sa ligne éditoriale, son type de film ou de budget», précise Donato Rotunno (Tarantula). «J’y vois le moyen d’avoir des bureaux, mais aussi de réaliser des économies d’échelle en partageant une photocopieuse ou un comptable», ajoute Bernand Michaux (Lucil film) qui, jusqu’ici, «squattait» le rez-de-chaussée de sa maison.

Ce «pôle de référence» permettra en outre aux techniciens d’être plus rassemblés et mieux informés des tournages à venir.

Pour conclure la visite des lieux, Nicolas Steil a tenu à remettre l’église au milieu du village face aux critiques de plus en plus répétées de la part des techniciens français. Ainsi, lorsqu’il a reçu un César pour son travail d’ingénieur du son, Éric Tisserand a profité de la tribune pour fustiger les «38% de la production globale française ont été délocalisés vers la Belgique ou le Luxembourg». Dans Libération, Didier Péron en ajoutait une couche parlant des «voisins qui pratiquent le dumping fiscal et industriel». Des termes que les producteurs luxembourgeois rejettent. «D’abord, les aides du Film Fonds ne sont plus fiscales. Ensuite, il nous semble que nous sommes en droit d’avoir un regard et un certain poids sur un film que nous finançons parfois jusqu’à 40%», martelait Nicolas Steil en rappelant que les coproductions européennes ont plus de 20 ans et en comprenant l’inquiétude des techniciens français.