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Comment le Luxembourg va-t-il surmonter la crise économique actuelle?

Le passé montre que le Luxembourg a toujours géré avec succès les retombées de phénomènes macroéconomiques provenant des pays voisins. D'ailleurs, dans le contexte économique mondial actuel, tous les pays sont désormais soumis à ces phénomènes qui affectent les grandes zones d'échange mondiales. La solidité de ses fondamentaux a toujours permis au Luxembourg de bien agencer l'impact des chocs récents. Il est évident que nous ne sommes pas à l'abri de surprises et que nous devons rester vigilants pour préserver nos capacités, qui nous permettent d'amortir le choc de ces retombées sur notre pays à l'avenir.

La "fuite" hors du Luxembourg de nombreux centres de décisions risque pourtant de poser, à terme, un problème...

Je constate que notre économie est fondée sur des secteurs, notamment les secteurs industriel et tertiaire, dont les centres de décision sont localisés, pour la majorité, à l'étranger. Par ailleurs, et depuis toujours, l'économie luxembourgeoise est contrôlée par un actionnariat étranger, ce qui n'a pas empêché notre économie de développer son identité propre et d'exercer des activités rémunératrices. Les fuites de centres de décision hors du Luxembourg sont liées à la progression de la globalisation.

Acceptons que le Grand-Duché n'est pas le nombril du monde. La sidérurgie, toutefois, n'est pas une industrie comme les autres. Elle est à l'origine de notre prospérité et les Luxembourgeois l'identifient avec fierté au patrimoine national. Depuis toujours, elle a été solidement implantée à Luxembourg. Ce sera également le cas à l'avenir. Je tiens à rappeler que le centre de décision du nouveau groupe NewCo, issu de la fusion des sociétés Aceralia, Arbed et Usinor, est établi à Luxembourg, contrairement aux affirmations malveillantes d'une certaine presse qui refuse d'accepter une décision prise de commun accord entre trois partenaires.

Le développement économique du Luxembourg passe-t-il par l'accroissement du nombre de ses habitants?

Nous ne pourrons  pas influencer les paramètres d'un développement démographique de la même façon que nous pouvons favoriser ou accélérer un certain développement économique. Il sera élémentaire d'accompagner la croissance démographique d'un développement économique harmonieux et approprié afin de pourvoir aux impératifs qui se poseront dans un tel contexte.

Pour moi, le chiffre des 700.000 habitants prévus à long terme au Luxembourg ne constitue pas le problème crucial. C'est plutôt l'explosion démographique prévue à échelle mondiale et qui laisse entrevoir une croissance de la population mondiale d'environ 6 milliards actuellement à 12 milliards dans un avenir proche. Maintenir le monde vivable en économisant les ressources non renouvelables sera le défi des générations à venir.

Pour en revenir au Luxembourg: il sera important de créer de nouvelles opportunités, notamment dans le Sud du pays, par la reconversion d'anciens sites à l'implantation d'activités  nouvelles, notamment dans le secteur tertiaire. Les premiers projets dans ce contexte sont bien avancés, l'extension des infrastructures de transport constituant une plate-forme de départ prometteuse pour la mise en place de structures appropriées aux besoins économiques du futur.

À force d'intégration, on risque de heurter certaines sensibilités nationales, non'

Je suis d'avis que, sur la base des grands avantages dont dispose l'Europe, avec l'Euro d'une part et les critères économiques définis par le Traité de Maastricht d'autre part, l'intégration européenne doit encore avancer. En ce qui concerne le repli identitaire, il s'agit d'un phénomène propre aux régions plutôt qu'aux pays membres de l'UE. Ce constat n'est pas en contradiction avec l'idée de l'intégration européenne. Nous sommes effectivement en présence de mouvements régionaux parmi lesquels certains n'hésitent malheureusement pas à employer la force pour affirmer leur identité respective, comme la Corse, le Pays Basque ou encore l'Irlande, alors que d'autres recourent à leur histoire, à leur héritage culturel et à leurs traditions pour mettre en évidence leurs identités respectives. Je constate que le fait de vouloir affirmer son identité culturelle ne va pas à l'encontre de l'idée européenne. Au contraire, une Europe Unie offrira à ces régions un décor approprié à l'épanouissement de leurs propres identités.

Est-ce que le Luxembourg est à niveau dans tout ce qui touche aux nouveaux médias?

Il faut considérer l'envol des nouveaux médias à Luxembourg et au départ de Luxembourg dans un contexte mondial. La création de nouveaux médias dans notre pays reflète des opportunités commerciales à dimension internationale et non pas la création d'une offre face à une demande domestique. Si la motivation d'implantation  au Luxembourg se base sur des considérations économiques, sur la disponibilité d'infrastructures techniques et d'une main d'oeuvre polyvalente et multi-lingue, donc sur des spécificités nationales, l'environnement  commercial visé se situe à échelle mondiale. Compte tenu des doutes émis sur la relance de l'évolution  économique mondiale en 2002,  il faudra s'attendre à des répercussions négatives de cette évolution également dans le domaine des nouveaux médias.  

Quels ont été "vos" grands moments de l'année 2001 et quelles sont vos attentes concrètes pour 2002? L'avènement de NewCo représente-t-il un des plus grands défis industriels que le Luxembourg ait eu à assumer? Et que vous ayez eu vous même à relever?

Le projet NewCo, mené conjointement par Arbed, Aceralia et Usinor, a été l'événement-clé de l'année.  Parler d'un "grand moment" serait trop restrictif dans le contexte d'un projet qui a été développé tout au long de l'année après son annonce publique en février 2001. L'avènement de NewCo constitue le plus grand défi industriel dans l'histoire du Luxembourg. D'autant plus qu'il se situe dans un environnement économique très difficile. Mais ce contexte difficile présente également l'avantage d'accélérer  la mise en oeuvre  de la démarche d'optimisation de la productivité et de la rentabilité au sein du nouveau  groupe. En tenant compte de l'outil dont le nouveau  groupe disposera au Luxembourg, je peux affirmer que notre pays est bien équipé pour faire face à ce challenge.

Personnellement, j'ai pris la décision de me retirer de la nouvelle Direction Générale de NewCo dans le but de ne pas vouloir créer une situation d'interim pendant la phase de démarrage du nouveau  groupe, ceci dans l'optique de mon départ en retraite pendant cette phase de démarrage. Je tiens également à signaler que, même sans ma participation à la DG, l'impact de l'Arbed dans le nouveau groupe reste solidement fondé, et que NewCo dispose d'un centre de décision unique avec son siège administratif à Luxembourg.

Après les fortes croissances des années précédentes, 2001 a marqué un certain ralentissement. Craignez-vous que 2002 soit également une année difficile pour vous ?

Nous savons que 2002 sera une année difficile.  Mais le nouveau  groupe possède tous les atouts pour développer  les conditions indispensables pour s'affirmer dans un environnement économique mondial difficile. En ce qui concerne les efforts de restructuration  fournis dans la sidérurgie, il faut noter que ces efforts, même s'ils sont souvent accélérés  sous la pression du climat économique existant, visent à assurer sa compétitivité à long terme. L'acquis des années précédentes  constitue certainement un argument à notre avantage,  car nous disposons aujourd'hui d'un outil performant suite aux investissements considérables dans la modernisation de la sidérurgie luxembourgeoise.

Nous disposons de solides ressources, techniques et humaines, pour faire face aux défis du futur. Et, comme je viens de le dire, le fait de démarrer dans un environnement de conjoncture difficile peut constituer une motivation supplémentaire à l'accélération de la mise en place de programmes prévus à l'amélioration future de notre rentabilité.