Les contrôles des autorités luxembourgeoises se sont musclés pour traquer les sociétés aux activités résiduelles au Grand-Duché. (photo: Jessica Theis / archives)

Les contrôles des autorités luxembourgeoises se sont musclés pour traquer les sociétés aux activités résiduelles au Grand-Duché. (photo: Jessica Theis / archives)

La chambre criminelle de la Cour de cassation française a confirmé le 15 mars dernier un arrêt de décembre 2014 de la Cour d’appel de Metz ayant condamné un entrepreneur du bâtiment de Lorraine à 10.000 euros d’amende pour travail dissimulé, via un habillage luxembourgeois qui n’a pas résisté à l’enquête judiciaire.

Au cœur de cette affaire qui remonte au début des années 2010, lorsque les contrôles de «substance» et la chasse aux sociétés-écrans s’étaient musclés au Grand-Duché, une construction juridique classique qui passait la société aux activités «résiduelles» au Luxembourg, Luxrealis (mise en faillite en janvier 2013), servant à rémunérer une partie de ses employés qui, de fait, travaillaient sur des chantiers situés majoritairement en France pour le compte d’une société bien française, ayant un objet identique à son équivalente grand-ducale.

Cinq employés avaient été visés par l’infraction de travail dissimulé, après l’ouverture d’une enquête judiciaire ayant suivi une dénonciation de l’un des salariés de la structure au Luxembourg. L’enquête y avait d’ailleurs démarré, mais les conclusions des enquêteurs luxembourgeois, en raison du différentiel législatif avec la France et des barrières judiciaires, n’ont pas pu être exploitées par les enquêteurs français: «Ces enquêteurs (au Grand-Duché, ndlr) n’ont sans doute pas plus investigué sur le sol français que ne l’ont fait les enquêteurs français sur le sol luxembourgeois dans le présent dossier», signale les juges de cassation.

Test de substance

Luxrealis a échoué au test de substance auquel les enquêteurs l’avaient soumise. Test qui s’est surtout appuyé sur les témoignages de ses salariés ainsi qu’une descente de la gendarmerie au siège de Galéa: ils étaient domiciliés en France et furent tous embauchés sur le site de la société française, travaillaient dans les locaux de cette société française ou sur des chantiers majoritairement situés dans l’Hexagone. Le matériel utilisé ainsi que les véhicules appartenaient à Galéa. Les salariés portaient en outre des badges au nom de cette société. La conclusion des enquêteurs coulait donc de source lorsqu’il fut question de déterminer la juridiction compétente pour trancher l’affaire: «Sous couvert d’être les salariés de la société luxembourgeoise, dirigée par le prévenu, les salariés concernés travaillaient en fait sous l’autorité de la société française, dirigée par le même prévenu, sans que ce dernier ait procédé à la déclaration nominative préalable à l’embauche, se soustrayant ainsi aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions sociales ou de l’administration fiscale», signale la Cour de cassation.

La lecture de l’arrêt renseigne sur une autre manœuvre du prévenu - bien qu’elle soit étrangère à l’affaire luxembourgeoise -, pour échapper à ses obligations déclaratives sociales et salariales en France: l’utilisation d’un autoentrepreneur, qui, de fait, ne travaillait que pour la société française et aux horaires de celle-ci, comme n’importe quel autre salarié.

Contrôle de la Sécurité sociale

Lors de son procès, l’entrepreneur lorrain s’était prévalu d’un contrôle de la Sécurité sociale du Grand-Duché au courant de la première moitié de 2011, dans l’espoir de faire là la démonstration de la réalité de l’activité de Luxrealis. Toutefois, cette inspection fut postérieure à un premier contrôle de la gendarmerie.

En ne déclarant pas les cinq personnes de Luxrealis ainsi que l’autoentrepreneur, le dirigeant lorrain «a omis volontairement», selon les magistrats, «de procéder à la déclaration préalable d’embauche de ces salariés et s’est soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales qui auraient dû être souscrites en France».

Question subsidiaire: combien reste-t-il de Luxrealis au Luxembourg et de ces entrepreneurs lorrains qui échappent à leur responsabilité à travers des montages au Luxembourg?