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 Crédit Photo: Castegnaro-lus Laboris Luxembourg

L’employeur, une société de transport par autobus, a licencié avec effet immédiat l’un de ses salariés, chauffeur de bus scolaire, principalement pour avoir commis des faits d’attentat à la pudeur à l’égard d’une lycéenne, dont il assurait le transport.

La procédure de licenciement a été engagée en date du 12 août 2014, pour des faits qui s’étaient déroulés au mois de février 2014.

À cette époque, l’employeur avait été informé du comportement du salarié par une éducatrice du lycée et avait rapporté ces faits à la Police, qui avait procédé à des mesures d’enquête.

Les résultats desdites mesures ont été consignés dans un procès-verbal, dont une copie a été communiquée à l’employeur en date du 10 juin 2014. 

Un peu plus de 2 semaines après la fin du congé de maladie du salarié, qui s’est étendu du 28 avril 2014 au 23 juillet 2014, l’employeur a notifié à ce dernier une convocation à un entretien préalable au licenciement. 

À la suite de cet entretien, qui avait été fixé durant les congés du salarié et auquel le salarié ne s’est pas présenté, l’employeur a licencié le salarié par lettre recommandée du 20 août 2014.

  

1.    Délai pour invoquer la faute grave en cas de procédure pénale:

L’employeur, qui entend licencier un salarié avec effet immédiat, dispose d’un délai d’un mois à compter de la connaissance des faits ou fautes en cause pour engager la procédure de licenciement1

En cas d’incapacité de travail du salarié dûment justifiée, ce délai est suspendu et reprend son cours le jour suivant la fin de l’incapacité de travail2.

Dans ce cadre, la Cour d’appel a précisé que «la connaissance par l’employeur s’entend d’une ‘connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits’ […] Un employeur ne saurait en effet se fier à des apparences pour licencier sans préavis son salarié, sous peine de se voir reprocher d’avoir agi avec une légèreté blâmable»3.

En l’espèce, la Cour a considéré que:

-    L’employeur a eu connaissance des faits à la base du licenciement le 10 juin 2014, lorsque le procès-verbal de Police lui a été communiqué (les informations fournies par le lycée au mois de février 2014 ne permettant pas à l’employeur de connaître la nature exacte des faits reprochés); et

-    le délai d’un mois pour invoquer la faute grave n’a commencé à courir que le 24 juillet 2014, dans la mesure où le salarié était en incapacité de travail du 28 avril 2014 au 23 juillet 2014.

Dans ce contexte, en convoquant le salarié à un entretien préalable le 12 août 2014, l’employeur a engagé la procédure de licenciement dans les délais légaux.

En outre, la Cour a considéré que même si la lettre de licenciement n’indiquait pas la date à laquelle l’employeur avait eu connaissance des faits litigieux, les motifs du licenciement avaient été indiqués de manière suffisamment précise dans la lettre de licenciement4

  

2.    Gravité et réalité des motifs: 

Le salarié a prétendu que dans la mesure où il n’a pas été condamné pénalement pour les faits d’attentat à la pudeur en cause (seul un avertissement lui a été adressé par les autorités), il bénéficiait de la présomption d’innocence, de sorte qu’il ne pouvait être valablement licencié pour ces faits.

La Cour n’a pas retenu cet argument, déclarant que «la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, de sorte que l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence lorsque l’employeur prononce une sanction pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale»5.

Ainsi, la réalité des fautes qui étaient reprochées au salarié résultait des éléments du dossier (plainte de l’éducatrice, procès-verbal, avertissement…) (bien qu’il n’ait pas été condamné). En outre, de telles fautes étaient suffisamment graves pour justifier le licenciement avec effet immédiat du salarié, nonobstant son ancienneté de service élevée (13 ans).

Dans ce contexte, le licenciement du salarié a été considéré comme justifié.

  

3.    Entretien préalable au licenciement:

La Cour a toutefois retenu que le licenciement était entaché d’une irrégularité formelle, dans la mesure où l’employeur avait fixé la date de l’entretien préalable durant les congés annuels de récréation du salarié.

Ainsi, en fixant l’entretien à une telle date, l’employeur avait rendu sa tenue impossible.

Cour d’appel, 28 juin 2018, n°44349 du rôle

    
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1Art. L.124-10 (6) du Code du travail

2La suspension du délai est le corollaire de l’interdiction pour l’employeur de licencier durant l’incapacité de travail. 

3La Cour a cité l’arrêt de la Cour de cassation française du 29 sept. 2010, n°09-42.459.

4Conformément à sa formule consacrée, la Cour a plus précisément considéré que l’employeur «a énoncé les motifs du licenciement avec suffisamment de précision, dès lors que les éléments indiqués permettent aussi bien le contrôle des juges qu’ils permettent au salarié de vérifier le bien-fondé des motifs invoqués et de rapporter le cas échéant la preuve de leur fausseté».

5La Cour a cité l’arrêt de la Cour de cassation française du 13 déc. 2017, n°16-17.1930.