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Andreea Monnat, head of unit – Innovation Programmes au sein du Fonds national de la recherche (FNR). 

En à peine plus de deux décennies, le Luxembourg a réussi à mettre en place un paysage de la recherche publique performant dans certains domaines stratégiques, bénéficiant d’un soutien conséquent des gouvernements successifs. À présent, cet écosystème se trouve dans sa phase de consolidation et est entré dans l’ère du «transfert de connaissances».

La recherche «made in Luxembourg» génère une excellente production scientifique avec une visibilité internationale croissante et une propriété intellectuelle dans des domaines tels que l’informatique, la biomédecine et les sciences des matériaux. Il est évident que le transfert des résultats de la recherche vers le marché, sous forme de création de spin-off, d’octroi de licences à des entreprises existantes ou d’autres collaborations de recherche appliquée entre institutions publiques et privées, est logiquement l’étape suivante dans la génération d’un impact sociétal et économique pour le Luxembourg.

Il existe un décalage frappant entre les efforts déployés en faveur des start-up et ceux déployés en faveur des spin-off.

Andreea MonnatAndreea Monnat, Head of unit – Innovation Programmes (Fonds national de la recherche (FNR))

Start-up vs. spin-off

Le gouvernement luxembourgeois a récemment fait des investissements impressionnants pour améliorer l’environnement de la création de start-up en général, depuis la mise à disposition d’espaces (incubateurs et start-up houses) jusqu’au financement (financement CR) et aux services de soutien (par le biais de la Chambre de commerce et Luxinnovation). S’il s’agit d’initiatives très bien accueillies, il existe un décalage frappant entre les efforts déployés en faveur des start-up et ceux déployés en faveur des spin-off.

Ainsi, augmenter la disponibilité du capital-risque ne profitera guère à la majorité des spin-off, à moins que des fonds spéciaux ne soient créés, utilisant d’autres critères de sélection que les fonds d’amorçage privés. Ces derniers ont tendance à préférer les plates-formes technologiques innovantes et les équipes entrepreneuriales complétées par des managers expérimentés.

Les fonds publics d’amorçage ou de pré-amorçage, qui n’imposent pas les mêmes exigences que les fonds privés, pourraient être utiles pour financer des spin-off qui font face à un marché trop petit pour les fonds privés ou qui ont besoin d’un certain temps d’incubation avant d’être prêts pour l’injection de capital-risque.

Les gestionnaires expérimentés et généralement coûteux sont extrêmement difficiles à attirer sans une base financière solide.

Andreea MonnatAndreea Monnat, Head of unit – Innovation Programmes (Fonds national de la recherche (FNR))

Comment promouvoir et cultiver des spin-off pertinentes?

Les entrepreneurs qui tentent de mobiliser du capital-risque font souvent face au paradoxe de l’œuf et de la poule: d’une part, les investisseurs CR n’investiront pas avant qu’une équipe expérimentée ne soit en place, mais, d’autre part, les gestionnaires expérimentés et généralement coûteux sont extrêmement difficiles à attirer sans une base financière solide.

Des initiatives d’incubation et de mentorat, spécialement conçues pour aider les entrepreneurs issus de la recherche à élaborer leurs business plans et à les mettre en contact avec de futurs collaborateurs et des investisseurs, sont nécessaires pour augmenter le taux de réussite des spin-off. Il est urgent que l’incubation au sein de l’institution (de recherche) fournisse non seulement des conseils techniques, mais aussi de l’incubation d’entreprises, c’est-à-dire des conseils en termes de contacts avec les clients, de stratégies de brevets, de plan de recrutement ou encore de mise en œuvre d’un plan d’options sur actions et de recherche de nouveaux capitaux.

Une fois qu’une idée de marché pour un produit est fixée et n’est plus modifiée – le processus d’apprentissage technique est terminé au moins en termes de R&D –, le produit devrait être testé avec des clients potentiels. Et ce n’est que lorsque l’entreprise est prête pour la pénétration du marché, qu’elle devrait être essaimée avec un financement significatif. En plus de fournir des services de soutien solides, les institutions de recherche doivent adapter leurs stratégies d’essaimage.

Une idée pourrait être que les centres de recherche prennent des actions à la place d’un droit de licence en espèces ou d’une lourde redevance de fonctionnement: cet arrangement ne toucherait pas au capital de la spin-off et éviterait de créer d’entrée de jeu une hypothèque sur les revenus futurs. De plus, il placerait un investisseur prestigieux, à savoir l’institution de recherche, parmi les propriétaires de l’entreprise.

Pour que le Luxembourg réussisse dans la création de spin-off, un système exhaustif doit être mis en place, et il doit aller jusqu’au bout.

Andreea MonnatAndreea Monnat, Head of unit – Innovation Programmes (Fonds national de la recherche (FNR))

Actuellement, des efforts sont entrepris par différents acteurs. L’Université du Luxembourg tente de mettre en place un incubateur adéquat, un programme de mentorat et un fonds d’amorçage. Le Fonds national de la recherche, quant à lui, s’applique à accroître tant le dialogue avec tous les acteurs impliqués, que le financement vers la commercialisation des résultats de la recherche à travers ses «Programmes d’innovation».

Néanmoins, pour que le Luxembourg réussisse dans la création de spin-off, un système exhaustif doit être mis en place, et il doit aller jusqu’au bout: formation spéciale, fonds de capital-risque adaptés, structures de conseil et réseaux de relations. Ce sera un choix stratégique coûteux, mais s’il est fait, il aura besoin du soutien inconditionnel de tous les acteurs publics impliqués pour réussir.

Il ne faut dès lors pas faire un choix entre start-up et spin-off. Les deux sont essentielles au développement de notre économie, mais nécessitent des approches différentes pour réussir et prospérer.