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Dr Yves Wagner, directeur chez BCEE Asset management 

Depuis de nombreuses années, économistes, analystes et gestionnaires de portefeuilles considéraient les marchés émergents comme une composante indispensable d’une allocation d’actifs efficace dans des portefeuilles diversifiés sur le plan international. Mais les performances n’ayant plus été au rendez-vous ces dernières années, peu nombreux sont ces spécialistes prêts à expliquer (voire justifier) ce qui s’est révélé constituer des erreurs de prévision. Pourtant, beaucoup reste à dire sur ces marchés, et les ranger dans leur ensemble aux oubliettes serait certainement une grave erreur.

De façon générale, les caractéristiques économiques de ces pays, avec notamment des perspectives de croissance supérieures à celles des marchés développés, de même que les caractéristiques financières comme des finances publiques plus équilibrées, continuent à se combiner à des propriétés de gestion de portefeuille comme une plus faible corrélation entre marchés, pour les rendre intéressants en termes de diversification au moins à moyen ou long terme.

Certes, les mouvements les plus récents des bourses émergentes incitent à revoir des problématiques que les experts avaient fini par ignorer. En premier lieu, l’espoir d’une forte décorrélation entre ces nouveaux et les anciens marchés s’est évaporé. La plupart des marchés émergents sont en effet fortement dépendants de sources de financement externe, pas tant d’un point de vue fondamental, mais surtout d’un point de vue de flux de capitaux dits spéculatifs qu’à une époque on appelait la « hot money ». Il suffit que les acteurs américains ou européens décident, pour une raison ou une autre, de se reconcentrer sur leurs marchés domestiques respectifs pour que les performances des marchés de capitaux émergents se détériorent significativement, voire durablement.

En second lieu, considérer les marchés émergents comme un ensemble homogène dans lequel on pourrait effectuer des investissements de façon aléatoire n’est évidemment pas non plus une approche justifiable. Les pays individuels réunis sous une dénomination commune n’ont en réalité pas souvent de nombreuses caractéristiques en commun. S’étendant du nord au sud et de l’est à l’ouest de la planète, présents tant en Afrique, en Europe, en Orient et en Asie, ces pays se distinguent par la qualité de leur gestion macroéconomique et politique, leurs structures de production, de consommation ou d’investissement, leur degré d’ouverture au commerce international, leur organisation du travail ou encore leurs systèmes bancaires et financiers. Investir sans connaître l’ensemble des ces différences est d’autant plus risqué que l’absence fréquente d’efficience sur ces marchés conduit tout aléa dans le choix d’un pays à un possible désastre financier.

Nous restons pour le moyen et long terme confiants dans certains pays émergents. Si le scénario de consensus de stabilisation voire de reprise économique mondiale se concrétise, les risques d’effondrements des pays émergents s’éloignent. Il ne convient donc pas de jeter tous ces pays dans un même panier et de jeter le panier aux oubliettes.