Alors que les obligations étaient sur le point d’afficher une nouvelle année de performance positive, le marché s’est brutalement renversé à la mi-avril, prenant à contre-pied la plupart des investisseurs et des stratégistes. En Europe, alors que les taux longs s’inscrivaient dans un mouvement de baisse quasi continuel depuis janvier 2013, le taux de l’obligation d’État allemand à 10 ans est passé d’un plus bas de pratiquement 0% à 1% en l’espace de quelques jours. Le prix des obligations évoluant de façon inverse par rapport aux mouvements des taux, l’obligation de référence de l’Allemagne a baissé de près de 8% en quelques jours, un mouvement sans précédent depuis la création de la zone euro. Une manière de rappeler aux investisseurs que les arbres ne montent pas au ciel et que les taux ne creusent pas indéfiniment en territoire négatif…
Comment en sommes-nous arrivés à avoir des taux négatifs en Europe?
Afin de relancer la machine économique européenne et lutter contre les risques de déflation, la Banque centrale européenne a multiplié les initiatives ces dernières années. Tout d’abord, la BCE a abaissé ses taux directeurs à pratiquement zéro. Puis utilisant un arsenal moins conventionnel, elle s’est engagée dans un large programme d’injection monétaire, avec comme point d’orgue l’annonce en janvier de rachats de dettes d’État, le fameux «quantitative easing». Dans un contexte où aucune hausse de taux n’était envisageable à court ou moyen terme, et rassurés par la présence d’un acheteur à long terme en la qualité de la Banque centrale, les investisseurs ont acheté des obligations de plus en plus longues et toujours plus chères, jusqu’à faire passer les taux en territoire négatif. Ainsi, mi-avril, les taux gouvernementaux allemands étaient négatifs jusqu’aux obligations de maturité 8 ans. Autrement dit, un investisseur consentait à payer pour prêter de l’argent à l’État allemand sur cette durée.
Alors, comment expliquer un tel revirement?
Les récents chiffres économiques pointent vers une amélioration de la situation en Europe. Le rebond de l’inflation au cours du mois de mai envoie un message fort: les risques de déflation semblent être derrière nous. Les indicateurs de croissance pointent également vers une amélioration notamment en France, en Italie ou en Espagne. La politique de la Banque centrale est donc en train de porter ses fruits, c’est une bonne nouvelle pour l’économie, un peu moins bonne pour les marchés obligataires.
En effet, de nombreux investisseurs avaient acheté massivement des obligations souveraines à 10 ans, en anticipation de l’annonce du programme de rachats d’actifs de la BCE. Ce pari a probablement été trop largement joué, poussant les taux d’intérêt à des niveaux injustifiés. Le marché s’est réveillé brutalement entraînant un fort mouvement de vente sur les obligations d’État.
Il semblerait aussi que le marché le plus large au monde, celui des obligations, soit de moins en moins liquide, favorisant des sauts de valorisations violents lors de retournements de marché. La faute en partie au durcissement de la réglementation sur les activités de trading qui gêne les banques dans leur rôle d’animateur de marché. Plus réglementées, celles-ci sont moins susceptibles d’intervenir sur les marchés pour fournir un prix sur un actif en cas de mouvement de baisse. Probablement en cause également, la forte allocation en obligations chez des investisseurs de long terme comme les assureurs, qui réduit la liquidité sur les encours émis. Toujours est-il que de tels mouvements sont probablement amenés à se répéter dans un contexte où la plupart des investisseurs partagent les mêmes vues, les mêmes contraintes et ont accès aux mêmes informations.
Un marché, plus volatil, mais qui continue de présenter des opportunités
Certes, l’âge d’or des obligations est probablement derrière nous, mais le marché continue de présenter certaines opportunités. La politique monétaire restera accommodante jusqu’au moins septembre 2016 (date de la fin du programme d’achat de la BCE) et les taux des obligations courtes devraient profiter de cette force de rappel. En particulier, les obligations d’entreprises les moins bien notées et dont la date de remboursement anticipée est inférieure à 3 ans («short duration high yield») continuent d’offrir des rendements attractifs. D’autant que dans un climat de reprise économique, les résultats d’entreprises s’améliorent et le risque de refinancement diminue. Rendement attractif, faible risque de taux et moins de risques de défaut sont des conditions idéales pour un porteur de dette obligataire.