Les compétences et l'expérience des ex-Thermolux sont plutôt recherchées. Et pas que par Reckinger. (Photo d'évocation / DR)

Les compétences et l'expérience des ex-Thermolux sont plutôt recherchées. Et pas que par Reckinger. (Photo d'évocation / DR)

La faillite Thermolux était-elle évitable? Oui, pour la Fédération des artisans et Michel Reckinger, dirigeant d’une entreprise du même secteur (Reckinger Alfred, à Ehlerange), qui accusent l’OGBL d’avoir fait capoter l’affaire. Non, rétorquent les syndicalistes, outrés qu’on leur mette sur le dos aujourd’hui l’ensemble d’un processus entamé il y a plusieurs années.

Thermolux a donc déposé le bilan et la faillite a été prononcée jeudi. Un curateur, Me Marguerite Ries, a été désigné. Mais les difficultés de l’entreprise ne datent pas d’hier. 

«L’entreprise a elle-même avoué connaître des difficultés financières depuis plusieurs années. Sa survie n’a été possible au cours de ces années que par l’injection de capitaux par les actionnaires», dit un communiqué de l’OGBL, diffusé ce vendredi matin, après la parution d’un article dans le Lëtzebuerger Journal. La Fédération des installateurs en équipements sanitaires et climatiques (FIESC) y reprochait, entre autres, à l’OGBL d’avoir influencé les salariés dans leurs décisions et d’avoir ainsi provoqué la faillite de l’entreprise Thermolux.

Révision des faits

Pour l’OGBL, qui est bien représentée dans l’entreprise et a suivi la situation depuis des années, il y a, à tout le moins, «instrumentalisation» et «révision des faits». «Cela fait plusieurs années qu’il y a des difficulés financières. La direction a changé plusieurs fois. Tout le monde le savait», observe Stefano Araujo, secrétaire syndical adjoint de la branche Bâtiment, Artisanat et Constructions métalliques de l’OGBL.

Il y a trois ans, Thermolux était reprise par le groupe allemand Famis. Et il y a un an, l’OGBL souhaitait entamer la négociation d’un plan de maintien dans l'emploi (PDME) «visant à éviter le pire et à sauver les emplois. À l’époque, l’entreprise avait refusé cette proposition prétextant qu’elle n’en avait pas besoin», dit le syndicaliste.

Pourtant, il y a deux mois, la direction convoquait la délégation du personnel, afin de négocier un nouveau PDME.

Reckinger dans l'entreprise

L’idée défendue par Thermolux était la suivante: Thermolux gardait une petite structure de 10 personnes ; 50 des 60 salariés (dont environ deux tiers de frontaliers), tous des gens expérimentés et aux compétences professionnelles et techniques recherchées sur le marché du travail dans ce secteur du chauffage et des sanitaires, étaient reprise par l’entreprise Reckinger, qui bénéficiat du même coup de l’aide au réemploi en réembauchant. Ce système garantit à chaque salarié, sous conditions, une rémunération égale à 90% de sa rémunération antérieure sur une période de 4 ans. Si la rémunération est inférieure à ces 90%, la différence est compensée par l’Adem.

La Fédération des artisans, dans un communiqué de ce vendredi, accuse en quelque sorte le syndicat d’avoir torpillé le processus qui aurait sauvé l’entreprise, et tout ça en s'appuyant sur les fonds publics. «C’est de la provocation. Michel Reckinger était là, depuis ces dernières semaines, dans les négociations chez Thermolux! Il voulait engager des salariés formés et compétents», dit un délégué du personnel de l’entreprise faillie. «Mais il voulait s’appuyer sur l’aide au réemploi, et donc avoir de bons salariés à bas prix. Et en s’appuyant lui-même sur le système et les fonds publics. C’est fort de nous accuser de ça!»

En outre, note l’OGBL, les 10% perdus, dans le système du PDME, ne sont pas rien pour les salariés. «Cela représente plus d’un mois de salaire évaporé sur un an.» Les salariés ont refusé d’entrer dans ce système, «à une large majorité», précise Stefano Araujo. La dernière proposition sur la table, dans ce contexte, incluait une indemnité (en moyenne de 3.000 euros) pour les salariés repris, «mais qui couvrait à peine ¼ des pertes subies par chaque salarié au cours des quatre prochaines années», souligne l’OGBL.

Ceux qui veulent...

«Depuis le début, l’entreprise Reckinger aurait pu reprendre une partie du personnel, mais elle refusait de le faire sans que la collectivité assume une grande partie des salaires», contre-attaque le syndicat. «Aujourd’hui, Michel Reckinger peut très bien reprendre les salariés de Thermolux aux mêmes conditions, puisque la faillite ne change rien à sa proposition et que le système d’aide au réemploi est toujours d’application.»

Michel Reckinger, à son tour «accusé», se défend d'avoir voulu une polémique. «Ce n'était pas mon affaire. Il y avait les dirigeants de Thermolux, leurs salariés et le syndicat. S'ils étaient arrivés à conclure un plan de maintien dans l'emploi, mon entreprise apportait une garantie. Je n'étais pas là pour reprendre l'entreprise, pas même des chantiers. Je laissais Thermolux achever ses opérations en cours et mener son plan. Je m'engageais juste à reprendre jusqu'à 50 personnes dans les 18 mois. Ce n'était pas évident pour Reckinger d'assimiler 50 personnes, de les ajouter à nos 180 collaborateurs. Personne n'était obligé en tout cas. Ni moi d'engager, ni eux de venir.»

En fait, dit-on chez les ex-Thermolux, «les gars ne voulaient pas nécessairement aller chez Reckinger. Or, un plan de maintien de l’emploi les mettait au pied du mur, forçait en quelque sorte à y aller, alors que beaucoup ont le choix». C'est aussi une des raisons pour lesquelles les travailleurs ont préféré risquer la faillite, qui leur laisse davantage de  portes ouvertes pour la suite... Des salariés étaient déjà en contacts avec d’autres employeurs potentiels et, de source syndicale, on confirme qu’une demi-douzaine d’entreprises du secteur sont déjà venues aux nouvelles pour embaucher des Thermolux.

Congés collectifs

Même le LCGB, pourtant peu ou pas représenté dans le dossier Thermolux, a souhaité manifester, par communiqué, son désaccord avec la position de la fédération: «Nous sommes bien conscients des frais et des conséquences d’une faillite pour la collectivité, mais bien plus encore pour les salariés concernés. Pour mémoire, le LCGB propose un modèle qui vise la mise en place de structures de 'gestion des sureffectifs' comparables à la cellule de reclassement (CDR) dans des secteurs à homogénéité élevée (par exemple, artisanat, construction, banques et assurances, etc.)».

«Les syndicats ne sont pas responsables de la gestion. S'il y a déroute financière, ce n'est pas leur faute. Reckinger encore moins... Je n'ai rien demandé à la base! Mais je constate qu'on aurait pu faire en sorte de sauver des emplois sans douleur», ajoute pour sa part Michel Reckinger. «Mon entreprise proposait non seulement de reprendre les salariés, mais de tenir compte de l'ancienneté par exemple. Ici, c'est une débâcle. Il y a faillite. Et il y a des travailleurs sans boulot».

Dans l’immédiat, les faits sont clairs et laissent un sentiment de gâchis: Thermolux est en faillite, ses 60 ex-salariés n’ont pu recevoir que 750 euros environ sur leur paie de juillet. Ils ont un délai de carence de deux mois avant de toucher du fonds et d'entrer dans le système des aides à l'emploi.

Et le congé collectif commence, pour trois semaines. Un drôle d'été...